Le premier forage de chambre magmatique au monde pourrait fournir de l’énergie quasi illimitée

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D’ici 2026, un groupe de scientifiques prévoit d’effectuer des forages dans une chambre de magma, sous le cratère volcanique de Krafla en Islande. Ces forages pourraient fournir les toutes premières mesures directes d’une chambre magmatique et pourraient potentiellement découler sur une source d’énergie géothermique quasi illimitée. Alors que les éruptions de Grindavík ont récemment été une source d’inquiétude majeure, les chercheurs assurent que les prochains forages à Krafla ne représenteront aucun danger.

Les chambres magmatiques sont des réservoirs souterrains de roches en fusion de quelques dizaines à plusieurs centaines de kilomètres cubes. On estime qu’elles se trouvent à quelques kilomètres seulement sous la surface, ce qui les rendrait accessibles aux foreuses modernes. Cependant, jusqu’à récemment, aucune chambre magmatique n’a jamais été forée, en raison des défis techniques entravant leur détection ainsi qu’aux risques d’éruption potentiels.

La détection presque hasardeuse de celle de Krafla (au nord-ouest de l’Islande) a considérablement changé la donne. En effet, le volcan de Krafla figure parmi les plus actifs au monde, étant situé au sommet de la dorsale médio-atlantique, la limite entre les plaques tectoniques eurasiennes et nord-américaine. L’activité la plus récente a eu lieu entre 1975 et 1984, lors de la célèbre série d’éruptions connue sous le nom « d’incendies de Krafla ».

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La caldeira du volcan Krafla. À environ deux kilomètres en dessous, se trouverait une chambre magmatique. © Shutterstock

Un forage exempt de risques ?

Les premiers indices concernant la chambre magmatique de Krafla ont été mis au jour en 2000, lorsqu’une entreprise gouvernementale islandaise a foré le volcan dans le but d’évaluer la possibilité d’exploiter l’eau supercritique (dont la température et la pression sont très élevées) qui s’y trouve pour en tirer de l’énergie géothermique. Il a alors été estimé que la chambre se trouve à au moins 4,5 kilomètres de profondeur.

Ensuite, en 2008, une autre compagnie a entamé un forage, prévu pour atteindre les 4000 mètres de profondeur, afin de se rapprocher suffisamment de la chambre tout en conservant une distance de sécurité. En 2009 cependant, les premiers signes indiquant l’emplacement de la supposée chambre magmatique sont apparus dès de 2000 mètres de profondeur. À exactement 2104 mètres, la foreuse s’était soudainement enfoncée pour ensuite s’arrêter.

L’analyse des échantillons prélevés par la suite a révélé qu’elle a été en contact avec de l’obsidienne, un minéral vitreux résultant du refroidissement de la lave. Selon les responsables du projet, la foreuse aurait percé la chambre avant de laisser s’infiltrer le magma qui, en refroidissant, en aurait bouché l’ouverture, permettant ainsi d’éviter l’éruption.

Plus tard, des découvertes accidentelles similaires ont été signalées au Kenya et à Hawaï, suggérant qu’il est possible de forer les chambres magmatiques sans provoquer d’éruption. L’entreprise qui a effectué le forage à Krafla est parvenue à produire de l’électricité pendant 9 mois, avant que la tête de puits en surface finisse par surchauffer, à une température de 450 °C. Bien que les images de l’époque aient montré d’épaisses volutes de fumée, il ne s’agissait pas d’une éruption, mais des restes de la foreuse incinérés par le magma.

Un tournant dans l’histoire de la géophysique

Le projet d’effectuer de nouveaux forages à Krafla — le Krafla Magma Testbed (KMT) — a vu le jour en 2014. Il s’agit de la concrétisation d’un objectif de longue date de géologues de monde entier qui, si tout se déroule comme prévu, pourrait constituer un tournant dans l’histoire de la géophysique. Il s’agira notamment de la première fois que des mesures directes pourront être effectuées au niveau d’une chambre magmatique. Ce serait ainsi le premier observatoire de magma au monde.

Cependant, les précédentes tentatives effectuées par les entreprises énergétiques ont démontré que le projet est confronté à d’importants défis techniques. Il faudra notamment s’appuyer sur des capteurs thermiques et des équipements de forage pouvant résister à la chaleur, à la pression et à l’acidité extrêmes de l’environnement. Les chercheurs du KMT espèrent développer de tels dispositifs d’ici 2026. Ces derniers seront plongés dans la chambre aussi longtemps qu’ils pourront fonctionner.

En outre, le magma de Krafla présente un grand intérêt pour les géophysiciens en raison de sa composition peu commune. Alors que la plupart des volcans éjectent de la lave basaltique, les échantillons prélevés à Krafla en 2009 ont montré qu’il produisait davantage de magma rhyolitique riche en silice. Cette composition lui confère une plus grande viscosité, se solidifiant ainsi plus rapidement et palliant les risques d’éruption.

Par ailleurs, le futur observatoire de magma permettrait d’améliorer les prévisions en matière d’éruptions volcaniques. Les sismomètres et autres instruments de surface utilisés actuellement manquent en effet considérablement de précision. Avec l’observatoire, il serait possible d’effectuer des expériences en situations réelles, en modulant par exemple la pression et la température du magma et en analysant les réactions géophysiques résultantes. Cela permettrait d’interpréter les signaux enregistrés sur d’autres volcans.

De l’énergie géothermique quasi illimitée ?

Le consortium du KMT pourrait également découvrir un moyen d’exploiter l’énergie de la chambre, qui pourrait fournir une énergie géothermique quasi illimitée, bon marché et durable. En effet, les dispositifs de production actuels ne permettent de capter qu’une fraction de l’énergie géothermique que les sites comme Krafla pourraient fournir.

Alors que les centrales à combustibles fossiles exploitent de la vapeur à 450 °C, les fluides géothermiques exploités actuellement ne fournissent que 250 °C de chaleur. Or, les fluides émis par Krafla iraient jusqu’à 900 °C, ce qui signifie que la capture de la chaleur émise par la chambre magmatique pourrait fournir 10 fois plus d’énergie que les centrales géothermiques standards.

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