Pourquoi les biologistes veulent-ils fabriquer des organes humains dans l’espace ?

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Au cours des dernières années, la biologie synthétique a évolué de telle manière qu’aujourd’hui, les biologistes sont capables de fabriquer des tissus et organes humains en laboratoire. Cependant, la synthèse biologique est impactée par l’effet de la gravité. Effectuer ces expériences dans l’espace, à bord de la Station spatiale internationale, pourrait ainsi apporter des informations précieuses aux chercheurs. Quel est donc l’intérêt de réaliser des expériences de synthèse organique dans l’espace ?

Les expériences dans l’espace sont précieuses. Elles révèlent de nombreuses perspectives sur la biologie synthétique, notamment sur la synthèse de tissus humains. La gravité influence le comportement cellulaire en impactant la façon dont les protéines et les gènes interagissent à l’intérieur des cellules, créant un tissu polarisé, une étape fondamentale pour le développement naturel des organes.

Malheureusement, la gravité est contre nous lorsque nous essayons de reproduire des tissus tridimensionnels complexes en laboratoire pour une transplantation médicale. Cela est difficile en raison des limites intrinsèques des bioréacteurs utilisés sur Terre. Certains neurobiologistes étudient comment le cerveau humain se forme à l’intérieur de l’utérus et comment les altérations de ce processus peuvent avoir des conséquences à vie sur le comportement humain, comme dans l’autisme ou la schizophrénie. Une partie de ce travail comprend la croissance des cellules cérébrales dans l’espace.

Tester l’impact de l’apesanteur sur l’organisation des tissus biologiques

Pour fabriquer des tissus organisés en laboratoire, les biologistes utilisent des échafaudages pour fournir une surface aux cellules sur la base d’une forme rigide prédéterminée. Par exemple, un rein artificiel a besoin d’une structure, ou d’un échafaudage, d’une certaine forme pour que les cellules rénales se développent. En effet, cette stratégie aide le tissu à s’organiser dans les premiers stades, mais crée des problèmes à long terme, tels que d’éventuelles réactions immunitaires à ces échafaudages synthétiques ou des structures inexactes.

En revanche, dans des conditions d’apesanteur, les cellules peuvent s’auto-organiser librement dans leur structure tridimensionnelle correcte sans avoir besoin d’un substrat d’échafaudage. En supprimant la gravité de l’équation, les chercheurs pourraient apprendre de nouvelles façons de fabriquer des tissus humains, tels que le cartilage et les vaisseaux sanguins, sans échafaudage, imitant leur arrangement cellulaire naturel dans un cadre artificiel.

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Afin d’étudier certaines propriétés du cerveau, les scientifiques cultivent des organoïdes in vitro. Pour ce faire, ils induisent la différenciation des cellules souches en neurones corticaux. Cependant, l’organisation des cellules en tissus est impactée par la gravité sur Terre. Crédits : The Agency for Science, Technology and Research (A*STAR)

Bien que ce ne soit pas exactement ce qui se passe dans l’utérus (après tout, l’utérus est également soumis à la gravité), les conditions d’apesanteur nous donnent un avantage. Et c’est précisément ce qui se passe dans la Station spatiale internationale. Ces expériences aident les chercheurs à optimiser la croissance des tissus pour une utilisation en science fondamentale, en médecine personnalisée et en transplantation d’organes.

Des expériences essentielles pour préparer les futures missions de colonisation

Mais il y a d’autres raisons pour lesquelles nous devrions fabriquer des organes dans l’espace. Les missions spatiales à long terme créent une série d’altérations physiologiques dans le corps des astronautes. Bien que certaines de ces altérations soient réversibles avec le temps, d’autres ne le sont pas, compromettant les futurs vols spatiaux humains.

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Ce système de bioculture aidera les astronautes à étudier la croissance de tissus et organes humains dans la microgravité de la Station Spatiale Internationale. Crédits : NASA/Dominic Hart

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L’étude des corps des astronautes avant et après leur mission peut révéler ce qui ne va pas sur leurs organes, mais fournit peu d’informations sur les mécanismes responsables des altérations observées. Ainsi, la croissance des tissus humains dans l’espace peut compléter ce type d’investigation et révéler des moyens de le contrer.

Enfin, toutes les formes de vie que nous connaissons ont évolué en présence de microgravité. Sans gravité, notre cerveau pourrait avoir évolué dans une trajectoire différente, ou notre foie pourrait ne pas filtrer les liquides comme il le fait sur Terre. En recréant la formation d’organes embryonnaires dans l’espace, nous pouvons anticiper comment le corps humain dans l’utérus se développerait. Il y a plusieurs initiatives de recherche en cours avec des organoïdes de cerveau humain à l’ISS, conçues pour apprendre l’impact de la gravité zéro sur le cerveau humain en développement.

Ces projets auront des implications profondes pour la colonisation humaine future (les humains peuvent-ils se reproduire avec succès dans l’espace ?). Ces études amélioreront également la génération d’organes artificiels utilisés pour tester les médicaments et les traitements sur Terre. Est-ce que de meilleurs traitements pour les pathologies neurodéveloppementales et neurodégénératives qui affectent des millions de personnes proviendront de la recherche dans l’espace ? Ces expériences sont là pour y répondre.

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