Port du masque : pourquoi l’OMS a-t-elle tenu un discours contradictoire ?

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| AFP
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Le port du masque, associรฉ aux autres gestes barriรจres comme la distanciation sociale et le lavage des mains, est aujourd’hui une des armes de lutte principales contre la pandรฉmie de COVID-19. Si aujourd’hui l’intรฉrรชt du port du masque ne fait plus aucun doute dans la communautรฉ scientifique, des discours contradictoires ont cependant รฉtรฉ tenus au dรฉbut de la pandรฉmie. C’est notamment le cas de l’OMS qui, en avril, affirmait que le port du masque n’รฉtait pas nรฉcessaire pour le grand public. Manque de donnรฉes et d’รฉtudes sur la transmission ? Crainte d’une pรฉnurie de masques pour le personnel soignant ou de l’รฉmergence d’un faux sentiment de sรฉcuritรฉ ? Peu importe la raison, la plupart des รฉpidรฉmiologistes s’accordent ร  dire aujourd’hui que ces propos de l’OMS n’auraient pas dรป exister.

La question du port du masque est encore largement dรฉbattue sur les rรฉseaux sociaux. L’argument pour les porter est assez simple : les virus se propagent par les gouttelettes, qui sont expulsรฉes lorsqu’une personne infectรฉe parle, crie, รฉternue ou respire simplement. Un masque correctement construit et ajustรฉ peut fortement rรฉduire la propagation de ces gouttelettes et donc la propagation du virus. C’est pourquoi les chirurgiens portent rรฉguliรจrement des masques de qualitรฉ mรฉdicale depuis les annรฉes 1960 (et de nombreux mรฉdecins et infirmiรจres portaient des masques en tissu bien avant).

C’est aussi pourquoi dans de nombreuses rรฉgions d’Asie, les gens portent rรฉguliรจrement des masques en public. Un masque facial fragile ou mal ajustรฉ peut ne pas รชtre d’une grande utilitรฉ, mais โ€” sauf risque de gรฉnรฉrer un faux sentiment de sรฉcuritรฉ โ€” il est peu probable qu’il fasse du mal. Il va donc de soi que, lorsqu’ils sont en public, la plupart des gens devraient porter des masques. Les Centres pour le contrรดle et la prรฉvention des maladies (CDC) des ร‰tats-Unis rรฉsument : ยซ Les masques sont recommandรฉs comme simple barriรจre pour aider ร  empรชcher les gouttelettes respiratoires de voyager dans l’air. C’est ce qu’on appelle le contrรดle ร  la source ยป.

Un port du masque inutile selon l’OMS au dรฉbut de la pandรฉmie

Cependant, une certaine confusion demeure encore. L’une des raisons est que nous recevons des messages contradictoires. En avril, l’Organisation mondiale de la santรฉ a suggรฉrรฉ au grand public de ne pas se masquer, tandis que les CDC nous ont conseillรฉ de le faire. En juin, l’OMS a ajustรฉ ses directives pour recommander que le grand public devrait porter des masques non mรฉdicaux lร  oรน il y avait une transmission communautaire gรฉnรฉralisรฉe et oรน la distance physique รฉtait difficile ร  maintenir.

Au mรชme moment, le directeur des CDC, Robert R. Redfield, a dรฉclarรฉ que ยซ les masques faciaux en tissu sont l’une des armes les plus puissantes dont nous disposons pour ralentir et arrรชter la propagation du virus, en particulier lorsqu’ils sont utilisรฉs universellement. Aujourd’hui, les directives gouvernementales dans le monde varient des masques uniquement pour les personnes malades aux masques obligatoires pour tous ยป.

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Aujourd’hui, la position de l’OMS sur le port du masque est claire et ne fait pas dรฉbat. Crรฉdits : OMS

Pourquoi ce message contradictoire ? En particulier, pourquoi l’OMS a-t-elle conseillรฉ en avril de ne pas porter de masque ? ร€ l’รฉpoque, il y avait une grave pรฉnurie d’รฉquipement de protection individuelle. L’OMS craignait manifestement que le grand public se prรฉcipite pour acheter des masques, les soustrayant au personnel mรฉdical. Selon un rapport, les responsables craignaient รฉgalement que le masquage gรฉnรฉralisรฉ conduise ร  un faux sentiment de sรฉcuritรฉ, conduisant les gens ร  ignorer d’autres mesures de sรฉcuritรฉ, comme le lavage des mains et l’auto-isolement.

Le dysfonctionnement du discours scientifique de l’OMS

Si l’OMS avait simplement dit cela, il y aurait eu beaucoup moins de confusion. Mais apparemment, il y avait un autre problรจme. ร€ l’รฉpoque, il n’existait aucune preuve directe concernant la propagation communautaire de ce virus particulier, et la plupart des รฉtudes antรฉrieures ont รฉtรฉ menรฉes dans des milieux cliniques. L’OMS l’a exprimรฉ ainsi : ยซ Il n’y a actuellement aucune preuve que le port d’un masque (mรฉdical ou autre) par des personnes en bonne santรฉ dans le cadre de la communautรฉ au sens large, y compris le masquage universel de la communautรฉ, peut les empรชcher de contracter une infection par des virus respiratoires, y compris la COVID-19 ยป.

Il s’agit d’un modรจle courant en science : associer l’absence de preuves avec des preuves d’absence. Elle dรฉcoule de la norme scientifique consistant ร  supposer une hypothรจse par dรฉfaut sans effet et ร  placer la charge de la preuve sur ceux qui revendiquent une affirmation positive. Habituellement, cela a du sens : nous ne voulons pas renverser la science รฉtablie sur la base d’une affirmation ou d’une spรฉculation. Mais lorsque la santรฉ et la sรฉcuritรฉ publiques sont en jeu, cette norme devient prรฉgnante.

Si nous avons la preuve que quelque chose peut aider โ€” et qu’il est peu probable qu’il fasse du mal โ€”, il n’y a guรจre d’excuse pour ne pas le recommander. Et quand il y a une raison mรฉcaniste de penser que cela pourrait aider, le manque d’essais cliniques ne devrait pas รชtre un obstacle ร  l’action sur les connaissances mรฉcanistes. Un รฉpidรฉmiologiste le rรฉsumait ainsi ร  l’รฉpoque : ยซ Les essais randomisรฉs ne soutiennent pas un grand effet des masques faciaux, mais il y a la plausibilitรฉ mรฉcaniste pour que les masques faciaux fonctionnent … Alors pourquoi ne pas l’envisager ? ยป.

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