Pour la première fois, des chercheurs ont observé de façon directe la fusion d’atomes d’hydrogène et d’oxygène formant ainsi des bulles d’eau nanométriques. La réaction, impliquant le palladium comme catalyseur, pourrait être optimisée en ajoutant d’abord les molécules d’hydrogène. N’exigeant pas de conditions extrêmes, elle pourrait potentiellement générer de l’eau dans des environnements arides, y compris sur d’autres planètes.
Depuis le début du XXe siècle, le palladium (Pd) est employé comme catalyseur pour les réactions d’hydrogénation et d’oxydation. La réaction d’oxydation de l’hydrogène pour former de l’eau sur des surfaces en palladium est largement étudiée. Cependant, les différentes étapes de cette réaction restent méconnues, principalement en raison des interactions complexes entre les atomes variant selon la température et la pression. « C’est un phénomène connu, mais jamais entièrement compris », explique Yukun Liu, auteur de la nouvelle étude, dans un communiqué de l’Université Northwestern.
« Pour comprendre cette réaction et l’optimiser, il faut combiner la visualisation directe de la génération d’eau et l’analyse de la structure à l’échelle atomique », ajoute-t-il. Jusqu’à présent, visualiser les étapes de la réaction avec une telle précision représentait un défi technique majeur. Liu et ses collègues ont détaillé le processus en développant une nouvelle technique d’observation à l’échelle nanométrique.
Cette méthode permet également d’identifier les conditions optimales pour générer de l’eau dans des conditions ambiantes. « Pensez au personnage de Matt Damon, Mark Watney, dans le film ‘Seul sur Mars’. Il a brûlé du carburant de fusée pour extraire l’hydrogène, puis a ajouté de l’oxygène. Notre procédé est similaire, mais sans recours au feu ni à d’autres conditions extrêmes. Nous avons simplement mélangé du palladium et des gaz », explique Vinayak Dravid, co-auteur principal de l’étude.
Les plus petites bulles jamais observées
La technique développée par l’équipe de l’Université Northwestern implique une membrane vitreuse ultra-mince qui encapsule les molécules gazeuses à l’intérieur de nanoréacteurs en forme d’alvéole, permettant leur observation en temps réel via des microscopes électroniques à transmission sous vide poussé. Ces systèmes éliminent les molécules pouvant contaminer le processus, isolant celles à cibler.
Avec cette nouvelle technique, les chercheurs peuvent examiner des échantillons gazeux à pression atmosphérique ambiante à une résolution de 0,102 nanomètre, contre 0,236 nanomètre pour d’autres outils de pointe. Elle permet également une analyse simultanée des informations spectroscopiques et d’autres paramètres essentiels.
En observant l’effet catalytique du palladium pour la création de l’eau, l’équipe a remarqué que les atomes d’hydrogène s’inséraient à travers le réseau cubique du métal, le dilatant. En ajoutant l’oxygène ensuite, les chercheurs ont constaté que des bulles d’eau se formaient rapidement (dès 6 secondes après la réaction) à la surface de la structure métallique. Ils estiment qu’il s’agit des plus petites bulles d’eau jamais observées.
Une version nanométrique de l’expérience de la sonde Chandrayaan-1
Pour confirmer qu’il s’agissait bien de bulles d’eau, l’équipe a réalisé une spectroscopie de perte d’énergie des électrons. Cette technique consiste à exposer les bulles à un faisceau d’électrons dont l’énergie cinétique est étroitement définie.
Les spectres des pertes d’énergie des électrons indiquent la nature exacte du matériau traversé. L’expérience menée par les chercheurs est une version nanométrique de celle de la sonde lunaire Chandrayaan-1 pour détecter des molécules d’eau sur la Lune. Ils ont constaté que les spectres des bulles indiquaient effectivement la présence de liaisons oxygène spécifiques à l’eau. Ces résultats ont été confirmés par l’évaluation de leur température d’ébullition, correspondant exactement à celle de l’eau.
Un taux de réaction dépendant de la séquence d’introduction des gaz
La seconde étape de l’étude consistait à évaluer comment optimiser le processus. Pour ce faire, les chercheurs ont ajouté séparément l’oxygène et l’hydrogène dans différents ordres chronologiques afin de déterminer quelle séquence générait l’eau le plus rapidement. Les résultats ont révélé que le taux d’oxydation de l’hydrogène catalysé par le palladium est significativement influencé par la séquence d’introduction des gaz. L’ajout de l’hydrogène en premier entraînait la réaction la plus rapide.
Cette efficacité est due au fait que les atomes d’hydrogène, étant très petits, s’infiltrent facilement dans le réseau du palladium. Lorsque les atomes d’oxygène sont ajoutés, l’hydrogène « ressort » du palladium pour réagir avec. Le palladium se rétracte ensuite pour revenir à son état initial. En revanche, bien que les atomes d’oxygène soient énergétiquement favorables à l’absorption par le palladium, ils sont trop volumineux pour s’infiltrer dans le réseau. Lorsque l’oxygène est introduit en premier, il recouvre la surface du palladium comme un film, empêchant l’hydrogène d’être absorbé et de déclencher la réaction.
De potentielles applications spatiales
Bien que l’étude se soit concentrée sur la génération d’eau à l’échelle nanométrique, le volume produit serait bien plus important avec des feuilles de palladium plus larges. Cela pourrait ouvrir la voie à des applications spatiales, en transportant depuis la Terre des feuilles de palladium remplies d’hydrogène et en ajoutant l’oxygène une fois à destination.
De plus, bien que le palladium soit coûteux, il est recyclable quasi indéfiniment. « La seule chose consommée pour le procédé est du gaz, et l’hydrogène est le gaz le plus abondant de l’Univers. Après la réaction, nous pouvons réutiliser la plateforme de palladium encore et encore », conclut Liu. Les résultats des expériences sont détaillés dans la revue PNAS.