Les toutes premières étoiles de l’Univers identifiées grâce au télescope James Webb

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Infographie de l’étude présentant les amas globulaires les plus anciens. | Canadian Space Agency/NASA, ESA, CSA, STScI; Mowla, Iyer et al. 2022
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Le 12 juillet le monde entier attendait avec impatience le premier cliché du télescope spatial James Webb (JWST), qui ne manqua pas d’émerveiller tout un chacun. Plus de deux mois après, cette image en champ profond dévoile un nouveau trésor de l’Univers primordial, passé inaperçu jusqu’alors. Des astronomes ont identifié les amas globulaires d’étoiles les plus éloignés jamais découverts, reliques qui contiennent les premières et les plus anciennes étoiles de l’Univers.

Bien que faisant l’objet de recherches très actives depuis des décennies, les scientifiques ne savent pas quand et comment les amas globulaires se forment. Il s’agit d’amas stables et étroitement liés gravitationnellement de dizaines de milliers à des millions d’étoiles. Ils sont associés à tous les types de galaxies.

Il faut savoir qu’il y a environ 150 amas globulaires connus dans notre galaxie, la Voie lactée. La plupart ont un âge estimé de 10 milliards d’années. Les amas se sont probablement formés très tôt, avant que la galaxie ne s’aplatisse en un disque en spirale.

Une invitation à rêver, prête à être portée.

Récemment, à l’aide du télescope spatial James Webb (JWST), des chercheurs de l’équipe canadienne NIRISS Unbiased Cluster Survey (CANUCS) ont identifié, dans la première image en champ profond de Webb, les amas globulaires les plus éloignés jamais découverts, parmi certaines des premières galaxies de l’univers. Leur analyse est publiée dans la revue The Astrophysical Journal Letters.

Des amas globulaires passés inaperçus

Il faut savoir que, comme l’explique le co-auteur de l’étude, le professeur agrégé Adam Muzzin de la Faculté des sciences de l’Université York dans un communiqué : « les amas globulaires sont assez mystérieux. Ils orbitent autour de la Voie lactée et d’autres galaxies, mais nous n’avons aucune idée d’où ils viennent ».

C’est pourquoi, dans l’image en champ profond finement détaillée de Webb, les chercheurs se sont concentrés sur ce qu’ils ont surnommé « la galaxie Sparkler », qui se trouve à neuf milliards d’années-lumière, pour comprendre ce qui se passait autour d’elle. Cette galaxie tire son nom des objets compacts apparaissant sous la forme de petits points jaune-rouge qui l’entourent, appelés par les chercheurs des « étincelles ».

galaxie sparkler
Première image en champ profond de James Webb, la flèche pointe la galaxie avec les plus anciennes étoiles connues. © NASA, ESA, ASC, STScI (modifié par Laurie Henry pour Trust My Science)

L’équipe a émis l’hypothèse que ces étincelles pourraient être soit de jeunes amas en formation active d’étoiles — nés trois milliards d’années après le Big Bang au plus fort de la formation d’étoiles, soit d’anciens amas globulaires, témoins des premières phases de formation et de croissance d’une galaxie et de l’Univers.

Jusqu’à présent, les astronomes ne pouvaient pas voir les objets compacts environnants de la galaxie Sparkler avec le télescope spatial Hubble (HST). Cela a changé avec la résolution et la sensibilité accrues de JWST, dévoilant pour la première fois les minuscules points entourant la galaxie.

De plus, la galaxie Sparkler est spéciale, car elle est agrandie d’un facteur 100 en raison d’un effet appelé lentille gravitationnelle. Concrètement, l’amas de galaxies SMACS 0723 au premier plan déforme ce qui se trouve derrière. Un peu comme une loupe géante, il provoque une déviation de la lumière. Sans compter que la lentille gravitationnelle produit trois images distinctes de Sparkler, permettant aux astronomes d’étudier la galaxie plus en détail, car ces images multiples sont en tous points en parfaite corrélation.

lentille gravitationnelle
Principe de lentille gravitationnelle, avec l’amas de galaxies SMACS 0723 courbant les rayons lumineux et provoquant l’apparition de deux images supplémentaires (points rouges) de la galaxie Sparkler. © Mowla, Iyer et al. 2022

À partir de leur analyse initiale de 12 de ces objets compacts, les chercheurs ont déterminé que cinq d’entre eux ne sont pas seulement des amas globulaires, mais sont parmi les plus anciens connus. Kartheik G. Iyer, du Dunlap Institute for Astronomy & Astrophysics à l’Université de Toronto et co-auteur principal de l’étude, explique dans un communiqué : « Puisque nous avons pu observer les étincelles sur une gamme de longueurs d’onde, nous avons pu les modéliser et mieux comprendre leurs propriétés physiques, comme leur âge et le nombre d’étoiles qu’elles contiennent. Nous espérons que le fait de savoir que les amas globulaires peuvent être observés à de si grandes distances avec JWST stimulera la science et la recherche d’objets similaires ».

De surcroit, l’instrument NIRISS (Near-Infrared Imager and Slitless Spectrograph) de Webb a confirmé que les objets sont d’anciens amas globulaires ne produisant plus d’étoiles (un état appelé quiescence). En effet, les chercheurs n’ont pas observé de lignes d’émission d’oxygène — caractéristiques des jeunes amas qui sont actifs dans la formation des étoiles. NIRISS a également aidé à démêler la géométrie des trois images de Sparkler et de ses amas globulaires.

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La galaxie Sparkler dans son environnement immédiat et les trois vues rapprochées. © Mowla, Iyer et al. 2022

En effet, comme l’explique Marcin Sawicki, titulaire de la chaire de recherche du Canada en astronomie, professeur à l’Université Saint Mary’s et co-auteur de l’étude : « En voyant plusieurs des amas globulaires de Sparkler imagés trois fois, il est clair qu’ils sont en orbite autour de la galaxie Sparkler plutôt que d’être simplement devant elle par hasard ».

À la recherche des premières étoiles et de l’origine de l’Univers

Comme mentionné précédemment, la Voie lactée compte environ 150 amas globulaires. Les astronomes savent que les amas globulaires peuvent être extrêmement anciens, mais il est extrêmement difficile de mesurer leur âge. L’utilisation d’amas globulaires très éloignés pour dater les premières étoiles dans des galaxies lointaines n’a jamais été faite auparavant et n’est possible qu’avec JWST.

Mowla explique : « Parce que la galaxie Sparkler est beaucoup plus éloignée que notre propre galaxie la Voie lactée, il est plus facile de déterminer l’âge de ses amas globulaires. Nous observons Sparkler tel qu’elle était il y a neuf milliards d’années, alors que l’univers n’avait que quatre milliards et demi d’années, en regardant quelque chose qui s’est passé il y a longtemps. Considérez cela comme deviner l’âge d’une personne en fonction de son apparence – il est facile de faire la différence entre un enfant de 5 et 10 ans, mais difficile de faire la différence entre un homme de 50 et 55 ans ».

Ici, les chercheurs ont combiné les nouvelles données de la caméra proche infrarouge (NIRCam) de JWST avec les données d’archives du HST. NIRCam détecte les objets faibles en utilisant des longueurs d’onde plus longues et plus rouges pour observer au-delà de ce qui est visible à l’œil humain et même au HST (Hubble). Les grossissements dus à la lentille gravitationnelle par l’amas de galaxies et la haute résolution de JWST sont ce qui a rendu possible l’observation d’objets compacts.

Chris Willott, chef de l’équipe CANUCS du Centre de recherche Herzberg en astronomie et astrophysique du Conseil national de recherches, souligne : « Notre étude de Sparkler met en évidence l’énorme puissance de la combinaison des capacités uniques de JWST avec le grossissement naturel offert par la lentille gravitationnelle ».

C’est pourquoi les scientifiques estiment que l’âge des amas suggère qu’ils se sont formés à peu près au moment où l’Univers, auparavant sombre et opaque, est devenu transparent, permettant à la lumière de circuler librement. Cela signifie que leur formation pourrait être liée aux premières étapes de la formation des galaxies.

Enfin, James Webb observera les champs CANUCS à partir d’octobre 2022, en exploitant les données JWST pour examiner cinq amas massifs de galaxies, autour desquels les chercheurs s’attendent à trouver d’autres systèmes de ce type. Les études futures modéliseront également l’amas de galaxies pour comprendre l’effet de lentille et exécuteront des analyses plus robustes pour expliquer les historiques de formation d’étoiles.

Source : The Astrophysical Journal Letters

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