Les lois de la physique n’ont pas toujours été symétriques, ce qui peut expliquer notre existence

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Le Robert's Quartet est un groupe de quatre galaxies dans la constellation du Phénix. | ESO
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Les physiciens ont longtemps pensé que les lois de la physique étaient parfaitement symétriques. Mais le déséquilibre entre la matière et l’antimatière observé aujourd’hui dans l’Univers ne peut s’expliquer que par l’existence d’une forme de « brisure de symétrie ». La source de cette violation de symétrie n’avait cependant jamais été identifiée jusqu’à présent. Des astronomes de l’Université de Floride apportent aujourd’hui la première preuve de l’existence d’une asymétrie dès les premières secondes qui ont suivi le Big Bang.

Pourquoi y a-t-il quelque chose au lieu de rien ? C’est sans doute l’une des plus grandes énigmes de la cosmologie. Dans un univers symétrique, le Big Bang aurait dû créer des quantités égales de matière et d’antimatière ; ces particules sont toujours produites par paire et s’annihilent mutuellement si elles entrent en contact. Pourtant, force est de constater que tout ce que nous observons est presque intégralement constitué de matière. Cela signifie qu’à un moment donné, quelque chose a nécessairement fait pencher la balance — sans quoi, les galaxies, les étoiles, les planètes et la vie ne seraient jamais apparues.

Cette idée, connue sous le nom de « violation de la symétrie de parité », désigne une période infinitésimale de l’histoire de notre univers au cours de laquelle les lois de la physique étaient différentes de ce qu’elles sont aujourd’hui. Reste à déterminer ce qui a provoqué cette asymétrie momentanée. Pour tenter de résoudre ce mystère, des chercheurs de l’Université de Floride ont étudié la distribution des galaxies afin de vérifier si elle respectait ou non la parité. Après avoir passé en revue un million de milliards de quadruplets galactiques, reliés sous forme de tétraèdres, ils ont découvert qu’à un moment donné, l’Univers préférait une certaine « forme » de tétraèdre plutôt qu’une autre.

Une invitation à rêver, prête à être portée.

Une violation de parité cachée dans la distribution des galaxies

Cette approche consistant à rechercher la violation de la parité en utilisant la distribution 3D des galaxies a été présentée pour la première fois, par la même équipe de chercheurs, dans un article publié récemment dans Physical Review Letters. « La détection d’une violation de la parité cosmologique refléterait des forces inconnues jusqu’alors, présentes aux premiers instants de l’Univers », expliquent-ils. En effet, la symétrie de parité implique que les lois physiques ne devraient pas préférer une forme à son image.

Les chercheurs ont choisi d’étudier les arrangements tétraédriques de quatre galaxies — le tétraèdre étant la forme tridimensionnelle la plus simple possédant une image miroir. Pour bien comprendre cette caractéristique, considérons l’exemple de nos mains : nos mains gauche et droite sont des images miroir l’une de l’autre ; en 3D, on ne peut pas faire pivoter l’une de manière à ce qu’elle se superpose parfaitement à l’autre (les paumes sont nécessairement orientées vers des directions opposées).

Dans cette étude, les chercheurs ont fait l’inventaire de toutes les combinaisons possibles de quatre galaxies, reliées par des lignes imaginaires dans l’espace pour former un tétraèdre. Ils ont défini des tétraèdres « droitiers » et « gauchers » selon la manière dont les galaxies étaient reliées à leurs partenaires les plus proches et les plus éloignées. Étant donné l’ampleur de la tâche — mille milliards de tétraèdres possibles pour chacune du million de galaxies considérées ! —, l’équipe a dû mobiliser de nouvelles mathématiques, des formules plus sophistiquées capables d’effectuer ces calculs dans un délai raisonnable.

Ils ont également exploité la puissance de calcul du superordinateur de l’Université de Floride. « La technologie unique dont dispose l’UF avec le superordinateur HiPerGator nous a permis d’effectuer l’analyse des milliers de fois avec différents paramètres pour tester nos résultats », a déclaré Zachary Slepian, professeur d’astronomie à l’UF, qui a supervisé cette étude.

Une preuve irréfutable de l’inflation cosmique

En raison des aspects techniques de l’analyse, il est difficile de dire si l’Univers a une préférence pour les tétraèdres « droitiers » ou « gauchers », mais l’équipe a pu constater une nette préférence pour l’une ou l’autre forme, avec un haut niveau de confiance statistique, équivalent à sept sigma — ce qui signifie que les chances d’obtenir ce résultat par hasard ou par erreur sont infiniment petites.

À noter qu’il a été prouvé que la force faible (ou interaction faible) viole également la symétrie de parité, mais sa portée est limitée et elle ne pourrait en aucun cas avoir une influence à l’échelle des galaxies.

Il est néanmoins toujours possible que l’incertitude des mesures sous-jacentes explique l’asymétrie. Pour écarter définitivement cette possibilité, Slepian et ses collaborateurs envisagent de considérer dans leurs futures recherches un échantillon encore plus large de galaxies, grâce aux télescopes de nouvelle génération.

En attendant, cette découverte a deux conséquences principales. Premièrement, cette violation de la parité n’a pu influencer les futures galaxies qu’au cours d’une période d’inflation extrême, dans les premiers instants de l’Univers, ce qui confirme un élément central de la théorie du Big Bang : « Étant donné que la violation de la parité ne peut être imprimée sur l’univers que pendant l’inflation, si ce que nous avons découvert est vrai, cela constitue une preuve irréfutable de l’inflation », souligne Slepian.

Deuxièmement, cette violation de parité survenue à l’aube de l’Univers pourrait avoir provoqué l’abondance de matière par rapport à l’antimatière. Si les résultats de cette étude ne permettent pas d’expliquer comment la matière a pris le dessus, ils suggèrent que l’existence d’une asymétrie dès les premiers instants du Big Bang a été un élément clé du processus.

Source : J. Hou et al., Monthly Notices of the Royal Astronomical Society

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