Un trio américain remporte le Prix Nobel de physique pour la découverte des ondes gravitationnelles

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| Nicolle Ragere Fuller
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Il y a deux ans, des physiciens ont détecté pour la toute première fois des ondes gravitationnelles, émises par la collision entre deux trous noirs qui ont fini par fusionner. L’observation de ces ondes gravitationnelles répondait à la prédiction d’Albert Einstein et proposait alors une toute nouvelle manière d’explorer le ciel. Aujourd’hui, trois dirigeants de l’expérience qui a mené à la découverte, Rainer Weiss, Kip Thorne et Barry Barish sont récompensés pour leur contribution cruciale à la confirmation historique des ondes gravitationnelles et ont reçu le prix Nobel de physique.

Il s’agit de Rainer Weiss, 85 ans, du Massachusetts Institute of Technology (MIT), à Cambridge (USA) et Kip Thorne, 77 ans, du California Institute of Technology (Caltech) à Pasadena (USA), qui ont mis au point des plans pour l’Observatoire d’ondes gravitationnelles par interférométrie laser (LIGO) en 1984.

Barry Barish, 81 ans, physicien des particules à Caltech, a quant à lui, plus tard, guidé la construction des deux observatoires LIGO situés à Hanford et à Livingston. Weiss recevra la moitié du prix (de 1,1 million de dollars), tandis que Thorne et Barish, recevront à eux deux l’autre moitié. Malheureusement, le troisième fondateur de LIGO, Ronald Drever, est décédé à Edimbourg (Écosse) le 7 mars dernier à l’âge de 85 ans. À savoir que les prix Nobel ne sont pas décernés à titre posthume.

Une invitation à rêver, prête à être portée.

Les physiciens du monde entier évaluent cette découverte des ondes gravitationnelles comme faisant partie des plus importantes dans le domaine de la physique. « C’est révolutionnaire. Il est très rare que nous ouvrions une toute nouvelle fenêtre sur l’univers », explique Abraham Loeb, théoricien à l’Université de Harvard.

Weiss a exprimé trouver le prix un peu embarrassant : « Recevoir de l’argent pour quelque chose qui était représentait un réel plaisir est pour moi, par principe, un peu scandaleux. Selon moi la meilleure façon d’y penser est de se dire que nous symbolisons le groupe de personnes le plus impliqué dans ce qui a conduit à rendre la création de LIGO possible ». Weiss a également annoncé s’être arrangé pour faire don de l’argent du prix au MIT, dans le but de soutenir les étudiants.

Il faut savoir que c’est en 1915 déjà, qu’Albert Einstein a expliqué dans sa théorie générale de la relativité, que la gravité se produit lorsque la masse et l’énergie déforment l’espace-temps, créant de ce fait cet effet d’attraction gravitationnelle sur les objets, qui suivent des trajectoires courbées (dans le cas de corps célestes massifs). Un an plus tard, il prédit également qu’un arrangement de masse virevoltant (tel que deux trous noirs tournant l’un autour de l’autre), devrait émettre des ondulations régulières dans l’espace, qui se déplacerait à la vitesse de la lumière.

Détecter ces ondes est un réel défi, mais les deux détecteurs de LIGO sont des interféromètres géants qui agissent comme une paire de règles placées de façon perpendiculaire. Une onde gravitationnelle passante peut donc être détectée en comparant la lumière laser qui rebondit dans les bras de LIGO (à savoir que les interféromètres de LIGO peuvent détecter un léger étirement différentiel de l’ordre de 1/10 000 fois la largeur d’un proton).

Concrètement, ce sont des tunnels longs de 4 kilomètres disposés à angle droit, dans lesquels circule un faisceau laser réfléchi par des miroirs afin d’augmenter le temps de parcours et par conséquent, les chances d’y déceler une micro-variation. On enregistre dans un détecteur le retour du laser depuis chacun des deux bras. Si un infime décalage existe entre les deux rayons, cela signifie que la distance parcourue a changé : cela impliquerait que les bras de LIGO auraient étés légèrement étendus ou compressés, par le passage d’une onde gravitationnelle.

Weiss n’a pas été la première personne à penser à utiliser un interféromètre pour la détection des ondes gravitationnelles. En effet, dans les années 1960 déjà, le physicien américain Robert Forward a construit un petit interféromètre pour tenter l’exploit. Cependant, Weiss a analysé le problème de manière bien plus approfondie et a reconnu le besoin d’interféromètres faisant plusieurs kilomètres. Weiss a également identifié les principales sources de bruit extérieur et a expliqué comment les traiter. Ce rapport datant de 1972 est devenu la base pour la création de LIGO.

C’est en 1979 que Thorne a décidé de soutenir le projet et a fortement suggéré à Caltech de poursuivre les recherches dans le domaine des ondes gravitationnelles, ainsi que d’engager Drever. Thorne est également à l’origine du façonnement des objectifs scientifiques de LIGO. Par exemple, à l’époque, de nombreux physiciens pensaient que les sources d’ondes gravitationnelles les plus probables étaient les explosions de supernovas.

Mais Thorne a vite réalisé que les paires d’étoiles à neutrons en spirale, ou les trous noirs, seraient des sources bien plus puissantes et intéressantes. Il a donc encouragé les chercheurs à adapter LIGO afin de les repérer. Ce dernier a également poussé les physiciens à assembler un vaste catalogue de simulations numériques afin de mieux pouvoir repérer les signaux potentiels au sein de leurs données.

C’est donc Weiss et Thorne qui ont conçu LIGO, mais c’est Barish qui en a fait une réalité. C’est en effet lui qui a repris la direction du projet en 1994, quand il a été bloqué et que la National Science Foundation envisageait de l’annuler. Barish a ensuite élargi la collaboration LIGO, a effectué un changement de conception et a mené la construction du projet a bien, avant de se retirer en 2005. Ce dernier a également annoncé ne pas savoir quoi penser du prix Nobel : « J’ai des sentiments quelque peu ambivalents à propos de la reconnaissance des individus, alors qu’il s’agissait surtout d’un travail d’équipe ».

À présent, LIGO semble bien tenir sa promesse : la première découverte d’ondes gravitationnelles a révélé la fusion de trous noirs de taille bien plus importante que ce que les théoriciens pensaient. Le mois dernier, des chercheurs ont annoncé la découverte d’une quatrième fusion de trous noirs (non seulement par les détecteurs de LIGO, mais également par le premier détecteur européen, VIRGO, situé près de Pise, en Italie), ce qui a permis aux scientifiques de mieux localiser l’endroit de la fusion dans le ciel.

Grâce aux travaux de Weiss, Thorne et Barish, les physiciens du monde entier ont à présent un nouvel outil pour explorer l’univers. Cette technologie va continuer à se développer dans les années à venir, avec l’amélioration progressive de la sensibilité des interféromètres et l’inauguration de nouveaux détecteurs.

Source : Science

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