Des scientifiques ont ralenti une réaction chimique 100 milliards de fois grâce à un ordinateur quantique

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| geralt, Pixabay, CC0 Creative Commons
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Des chercheurs de l’Université de Sydney ont utilisé la puissance de la mécanique quantique pour observer une danse moléculaire essentielle lors de réactions telles que la photosynthèse. En utilisant un ordinateur quantique, ils ont ralenti ces réactions de 100 milliards de fois. Cette observation directe était auparavant impossible en raison de la rapidité du phénomène.

La mécanique quantique, perçue encore aujourd’hui comme mystérieuse, est le terrain de jeu de nombreux scientifiques cherchant à déchiffrer les interactions à l’échelle atomique. Au cœur de cette quête, une équipe de l’Université de Sydney a franchi une étape remarquable. Les chercheurs ont réussi, pour la première fois, à observer directement une « danse moléculaire » essentielle à des réactions chimiques basiques comme la photosynthèse.

En utilisant un ordinateur quantique, ils ont pu ralentir une réaction chimique de 100 milliards de fois pour l’étudier en détail, presque en « slow motion ». Cette découverte pourrait avoir des implications dans notre compréhension de phénomènes aussi variés que la photosynthèse et la dégradation de la couche d’ozone. L’étude est publiée dans la revue Nature Chemistry.

L’intersection conique : un phénomène clé

L’étude s’est concentrée sur une interaction moléculaire appelée « intersection conique ». C’est un concept essentiel dans l’étude des interactions moléculaires. Pour le comprendre, il faut d’abord revenir à la géométrie des molécules. Chaque molécule possède une certaine configuration spatiale, et lorsqu’on parle d’intersection conique, on fait référence à des points spécifiques où l’énergie de deux surfaces moléculaires est exactement la même. Lorsque deux surfaces se croisent, le point de croisement constitue cette intersection conique.

Mais pourquoi est-ce si important ? Ces intersections jouent un rôle crucial dans le fait qu’elles agissent comme des « entonnoirs » au niveau quantique. Dans le monde subatomique, les électrons peuvent passer d’un état énergétique à un autre. Ces transitions sont essentielles pour de nombreuses réactions chimiques. L’intersection conique facilite ces transitions en agissant comme un passage rapide entre différents états électroniques.

Ces intersections sont présentes dans de nombreuses réactions, y compris la photosynthèse. Ainsi, en étudiant ces intersections, les chercheurs peuvent obtenir des informations précieuses sur la manière dont les réactions chimiques se produisent à l’échelle moléculaire.

L’ordinateur quantique, un outil clé

L’observation directe de phénomènes aussi rapides et subtils que l’intersection conique dans les réactions chimiques est un défi majeur pour les scientifiques. Les interactions à cette échelle se produisent à une vitesse vertigineuse, souvent de quelques femtosecondes. Une femtoseconde est un quadrillionième de seconde, soit 0,000 000 000 000 001 seconde. C’est donc un intervalle de temps incroyablement court.

C’est ici qu’intervient l’ordinateur quantique à ions piégés. Contrairement aux ordinateurs classiques, les ordinateurs quantiques exploitent les principes de la mécanique quantique pour traiter l’information. Dans le cas de l’ordinateur à ions piégés, des particules quantiques, ou ions, sont maintenues en place dans un champ électrique et sont manipulées à l’aide de lasers. Cette technologie permet de simuler et d’observer des phénomènes quantiques en temps réel.

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Concordance entre la théorie actuelle et la simulation du piège à ions. © Valahu et al., 2023

Vanessa Olaya Agudelo, chercheuse principale et doctorante, en mettant en avant la rapidité du processus naturel, souligne dans un communiqué la prouesse de leur réalisation. En utilisant cet ordinateur quantique, l’équipe de chercheurs a réussi à considérablement ralentir la réaction. Elle explique : « À l’aide de notre ordinateur quantique, nous avons construit un système qui nous a permis de ralentir la dynamique chimique de quelques femtosecondes à quelques millisecondes. Cela nous a permis de faire des observations et des mesures significatives ».

Le Dr Christophe Valahu, de l’École de physique de l’Université de Sydney et co-auteur principal, ajoute : « Notre expérience n’était pas une approximation numérique du processus. Il s’agissait d’une observation analogique directe de la dynamique quantique se déroulant à une vitesse que nous pouvions observer ».

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Instantanés de la simulation atomique. © Université de Sydney

Des implications majeures pour la science

Les dynamiques ultrarapides au niveau moléculaire, bien que complexes, sont fondamentales pour la compréhension de nombreux processus chimiques. Ces dynamiques, qui se déroulent souvent en un clin d’œil, sont la clé de nombreuses réactions ayant des implications directes dans notre vie quotidienne et notre environnement.

La capacité d’observer et de comprendre ces dynamiques ouvre la porte à une multitude d’applications. En science des matériaux, une meilleure compréhension des interactions moléculaires pourrait conduire à la création de nouveaux matériaux aux propriétés améliorées ou spécifiques. Dans le domaine médical, cela pourrait améliorer la manière dont les médicaments sont conçus, en permettant aux chercheurs de cibler plus précisément les interactions moléculaires souhaitées, augmentant ainsi l’efficacité et réduisant les effets secondaires.

Olaya Agudelo a également évoqué l’énergie solaire. En comprenant mieux comment les molécules interagissent avec la lumière, il pourrait être possible d’augmenter l’efficacité des cellules solaires, rendant l’énergie solaire plus rentable et accessible.

Au-delà de ces applications directes, la compréhension de ces dynamiques a également des implications environnementales. Le smog par exemple est le résultat de réactions chimiques complexes dans l’atmosphère. En comprenant mieux ces réactions, nous pourrions développer des stratégies plus efficaces pour réduire la pollution de l’air. De même, une meilleure connaissance des interactions moléculaires pourrait nous aider à comprendre et, potentiellement atténuer, les dommages causés à la couche d’ozone, protégeant la vie sur Terre des rayons ultraviolets nocifs du soleil.

Source : Nature Chemistry

VIDÉO : présentation détaillée de l’étude. © Sébastien Zentilomo

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