Il y a quelque temps, plusieurs ossements de mammouths ont été retrouvés par deux archéologues amateurs, dans une région du sud-ouest de l’Angleterre. Ces vestiges étaient incroyablement bien conservés. Des fouilles plus poussées sur le site, menées en 2019 et 2020, ont également permis de mettre au jour de nombreux artefacts, qui constituent tout autant d’indices sur le mode de vie et les capacités des Néandertaliens. La découverte a fasciné de nombreux spécialistes, dont le célèbre naturaliste britannique Sir David Attenborough, qui anime un documentaire sur cet événement majeur.
Les faits remontent à 2017. En explorant une carrière non loin de la ville de Swindon, Sally et Neville Hollingworth sont tombés « par hasard » sur un os de mammouth des steppes, un mastodonte qui pouvait mesurer plus de quatre mètres de haut. Les fouilles ont finalement permis d’exhumer les restes de deux spécimens adultes, de deux juvéniles et d’un bébé. Les paléontologues ont également trouvé sur le site des ossements d’autres spécimens de la mégafaune, tels qu’un élan (beaucoup plus grands à l’époque qu’ils ne le sont aujourd’hui), un bison des steppes, un ours brun, ainsi que des restes de petits animaux, mais également des végétaux fossilisés dont certaines espèces ont aujourd’hui complètement disparu.
Plusieurs outils fabriqués par l’Homme, notamment une hache en silex, ont également été découverts sur le site, suggérant que les humains interagissaient avec ces grands animaux. Non seulement ce type de découverte est rare sur le sol britannique — les plus gros spécimens de mammouths sont généralement mis au jour en Sibérie — mais la datation des ossements révèle qu’ils remontent à plus de 200 000 ans, alors que la plupart des ossements découverts jusqu’à présent n’ont « que » des dizaines de milliers d’années. Pour Ben Garrod, professeur de biologie évolutive à l’Université d’East Anglia, « c’est l’une des découvertes les plus importantes de la paléontologie britannique ».
Le plus grand de tous les mammouths
C’est une nouvelle fenêtre qui s’ouvre sur le passé. Ces restes de grands et petits animaux — dont l’état de conservation est vraiment exceptionnel — ces plantes fossilisées et ces objets façonnés par l’Homme sont de nouveaux indices permettant aux spécialistes de mieux comprendre les conditions de vie à l’ère glaciaire. « Les sites archéologiques de cette période sont rares et essentiels pour comprendre le comportement des Néandertaliens en Grande-Bretagne et en Europe », a déclaré Lisa Westcott Wilkins de DigVentures, une entreprise d’archéologie collaborative, qui a coordonné les recherches.
Apparus en Afrique australe il y a environ 5 millions d’années, au début du Pliocène, les mammouths et leurs descendants se sont progressivement déplacés vers le nord, puis se sont installés en Eurasie et en Amérique du Nord au Pléistocène inférieur, il y a environ 600 000 ans. La plupart des mammouths ont disparu à la fin de la dernière glaciation (qui a pris fin il y a 10 000 ans).
Les ossements découverts en 2017 dans la région des Cotswolds appartiennent à des mammouths des steppes (Mammuthus trogontherii), une espèce qui occupait la majeure partie du nord de l’Eurasie, d’il y a environ 1,8 million à 200 000 ans. Cet ancêtre du mammouth laineux était aussi le plus grand de toutes les espèces de mammouths : plus de 4 mètres de haut pour plus de 15 tonnes, doté de défenses pouvant atteindre près de 5 mètres !
Au moment de leur extinction, il semblerait que les individus se faisaient toutefois moins massifs, avec un poids avoisinant les 10 tonnes — une baisse que les experts attribuent au changement climatique. « Nous pensons que c’était une adaptation au changement de l’environnement, du climat et de la disponibilité des ressources. Il faisait plus froid à cette époque, les ressources se raréfiaient et cela a entraîné le rétrécissement de l’espèce », précise Ben Garrod. Mais le climat n’est sans doute pas la seule cause de leur disparition. Les outils retrouvés sur le site renforcent l’hypothèse selon laquelle ces animaux étaient aussi massivement chassés par les humains.
De nouveaux indices sur le comportement des Néandertaliens
Les spécialistes ont passé en revue les raisons qui pouvaient expliquer la mort de tant d’animaux en cet endroit précis du sud de l’Angleterre, il y a environ 220 000 ans. Cette époque correspond à une période interglaciaire, plus chaude, connue sous le nome de MIS7, qui s’étend d’environ 260 000 à 180 000 ans. Les Néandertaliens prospéraient sur ce territoire, où les animaux et la végétation étaient relativement abondants — avant que les températures ne commencent à chuter il y a 200 000 ans environ, forçant les humains à quitter la région.
Or, les experts ont remarqué plusieurs traces de coupures sur les ossements, sans doute des marques de blessures infligées par les chasseurs humains. En outre, certains des outils retrouvés auraient très bien pu être utilisés pour dépecer les animaux. « Les outils sont toujours si tranchants que vous pourriez les utiliser aujourd’hui », souligne Wescott Wilkins.
Une autre hypothèse pouvant potentiellement expliquer la présence de ces ossements repose sur la nature du terrain, relativement boueux. Ben Garrod précise qu’il serait assez facile pour un juvénile de s’enliser dans ce sol boueux, sans possibilité de s’en dégager ; or, dans ce cas de figure, les adultes tendent à rester à proximité de leur progéniture. Toute la famille aurait ainsi pu succomber dans ce terrain instable.
D’autres recherches seront menées sur ce site qui recèle sans doute encore de nombreuses traces du passé. En attendant, l’ensemble des découvertes réalisées jusqu’à présent font l’objet d’un documentaire de BBC One, Attenborough and the Mammoth Graveyard, qui sera diffusé le 30 décembre sur la chaîne. L’occasion de plonger avec les archéologues dans ce site exceptionnel.