Les orques, ces majestueux prédateurs des océans, captivent les chercheurs par la complexité de leurs comportements, révélateurs d’une intelligence exceptionnelle. Parmi les découvertes les plus intéressantes à leur sujet, il a été établi que chaque groupe développe un dialecte propre, forgeant ainsi une identité culturelle distincte. À l’instar des humains, les orques transmettent des traditions culturelles et semblent même exprimer un deuil à la perte d’un membre de leur groupe. Toutefois, des observations récentes ont dévoilé une facette inattendue de leur comportement, baptisée par les observateurs « la tendance du chapeau de saumon ».
En 1987, au large des côtes de l’État de Washington, une femelle orque appartenant au groupe K — le plus petit des trois groupes d’orques résidents du sud de Puget Sound — a été aperçue transportant un saumon mort sur sa tête. Ce geste, d’abord isolé, s’est rapidement propagé parmi les membres de son groupe et ceux de deux autres groupes au cours des cinq à six semaines suivantes. Intrigués par cette singularité comportementale, des chercheurs ont alors entrepris une série d’observations pour tenter d’en percer le mystère.
Malheureusement, ce comportement éphémère a disparu aussi rapidement qu’il était apparu, ne durant qu’une année. Il refit surface sporadiquement durant l’été 1989, pour ensuite tomber dans l’oubli. Cependant, en octobre dernier, des observateurs ont de nouveau rapporté des orques du groupe J dans le sud de Puget Sound, transportant des saumons morts sur leur tête.
Serait-ce les mêmes orques qui auraient inauguré ce comportement il y a 37 ans ? Andrew Foote, écologiste évolutionniste à l’Université d’Oslo, estime que oui. Il suggère que certains individus ayant participé à ce comportement en 1987 l’aient ravivé après de nombreuses années. Toutefois, sans identification génétique, cette hypothèse reste spéculative.
Deux hypothèses pour expliquer ce comportement
Deborah Giles, experte en orques à l’Université de Washington et directrice scientifique chez Wild Orca, et son équipe, n’ont pas encore élucidé les raisons exactes de ce comportement. Néanmoins, elle avance l’hypothèse que les orques pourraient utiliser leur tête comme un « garde-manger ». En effet, le sud de Puget Sound est actuellement riche en saumons kéta, et bien que cela puisse paraître improbable, il est possible qu’elles aient tenté de conserver un saumon pour une consommation ultérieure.
Une autre hypothèse avance qu’il pourrait s’agir d’un comportement ludique, bien que macabre. Des observations antérieures ont déjà montré des orques jouant avec des phoques, qu’elles abandonnent après leur mort sans les consommer. Giles et son équipe ont aussi constaté ce comportement avec des marsouins. Elle a déclaré sur Atlas Obscura : « Ils ne mangent pas les marsouins. Ils jouent simplement avec eux jusqu’à ce qu’ils en meurent ».
Pour mieux comprendre ce comportement, les chercheurs estiment que l’utilisation de drones équipés de caméras permettra d’observer plus en détail les orques et d’apporter des éclaircissements.