Un « robot espion » qui se liquéfie instantanément à la demande

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| Min-Ha Oh al. /Université nationale de Séoul
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Des chercheurs sud-coréens ont conçu un prototype de « robot éphémère » souple à base d’élastomère de silicone, pouvant s’autodégrader au contact de l’ultraviolet (UV) et de la chaleur. Le dispositif peut contrôler son cycle de vie, en conservant entièrement ses fonctions au cours de ses missions et en se liquéfiant à la demande — une garantie de sécurité pour les données potentiellement sensibles qu’il pourrait transporter. Notez que nous avions déjà communiqué à ce sujet, alors que l’étude n’avait pas encore été revue par les pairs (ce qui est maintenant le cas, donnant accès à quelques informations supplémentaires).

En vue de leur grande polyvalence et de leur malléabilité, les matériaux pour robots souples constituent un domaine d’études très actif. En effet, les robots souples font preuve d’une plus grande adaptabilité en matière de fonctionnement et de mouvement, dont la manipulation d’objets délicats ou la résilience face à des environnements imprévisibles.

Les recherches dans le domaine s’orientent actuellement vers des dispositifs imitant le cycle de vie des organismes vivants. Ces robots dits « transitoires » ou « éphémères » peuvent se dégrader de manière contrôlée et sont particulièrement intéressants dans le cadre de la sécurisation de données et de l’exploration de sites à haut risque (où la récupération s’avère dangereuse ou trop coûteuse). Cependant, le développement de matériaux pouvant conférer cette capacité d’autodestruction est un défi de taille.

En effet, le matériau de référence en matière de robotique souple est l’élastomère de silicone thermodurci. Mais bien que ce matériau présente la malléabilité et la polyvalence inhérente à cette filière robotique, il n’est pas adapté à l’autodestruction. Son réseau élastomère fortement réticulé lui confère une forte stabilité, en lui permettant de résister à des températures extrêmes allant jusqu’à 300 °C et à des pH tout aussi extrêmes.

D’un autre côté, on pourrait penser que les élastomères thermoplastiques (pouvant se déformer sous l’effet de la chaleur) constituent les candidats idéaux pour cette propriété d’autodégradation. Cependant, la fusion de ces matériaux se produit par le biais de l’augmentation de la mobilité des chaînes polymères, plutôt que de leur clivage, ce qui signifie qu’au lieu d’être décomposés, les matériaux existent de nouveau sous une forme récupérable (du polyuréthane), après la réaction de fusion.

Dans l’objectif de développer des matériaux robotiques souples entièrement dégradables, différents éléments tels que les biogels ont été explorés. Appliqués à certains revêtements électroniques, ils ont démontré une excellente biodégradabilité en étant par exemple enfouis dans du compost. Mais là encore, deux inconvénients majeurs persistent. Les performances de ces matériaux diminuent linéairement à mesure qu’ils se dégradent. La durée de vie du système dépend ainsi fortement de leur épaisseur et des conditions environnementales.

Des chercheurs de l’Université nationale de Séoul proposent de surmonter ces défis en développant un matériau possédant à la fois la polyvalence mécanique et la stabilité des élastomères de silicone et la capacité à dégrader à la demande. Après autodestruction contrôlée, le robot résultant est réduit en une flaque huileuse impossible à récupérer. « Dans certains scénarios dans lesquels la désintégration est souhaitée, y compris l’achèvement de la mission, la découverte par des ennemis ou l’élimination nécessitant une réduction de volume, le robot peut être exposé à la lumière UV et se désintégrer sous une forme irrécupérable », explique l’auteur principal du projet, Min-Ha Oh, du département des sciences et d’ingénierie des matériaux à l’Université nationale de Séoul.

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Le robot se liquéfie en un résidu huileux sous l’effet de l’UV et de la chaleur. © Min-Ha Oh al./ Université nationale de Séoul

Une autodestruction complète en moins de 2 heures

Les robots se dégradant immédiatement après une interaction environnementale sont appelés « robots transitoires passifs ». Contrairement à ces derniers, les robots transitoires à la demande initient leur autodestruction de manière contrôlée et conservent leur intégrité fonctionnelle pendant leur temps d’activation. Celui des chercheurs de Séoul est conçu à partir d’un matériau élastomère de silicone non durci (une résine de silicone), au sein duquel est distribué un hexafluorophosphate de diphényliodonium photoinduit, générateur de fluorure (DPI-HFP).

En étant exposé à la lumière UV par le biais de petites LED intégrées — dont l’activation est contrôlée, le matériau en silicone libère des ions fluorures (F ), permettant à l’ensemble de la structure de se désintégrer instantanément. Notamment, mise à part l’hyperélasticité et la simplicité de traitement des résines de silicone, le duo DPI-HFP-silicone est une plateforme transitoire à la demande. Sous l’effet d’une stimulation UV, les liaisons Si-O-Si sont clivées par le biais des ions F, déstructurant l’ensemble du squelette, selon le rapport détaillé dans Science Advances.

Afin de tester leur dispositif, les chercheurs de l’étude ont simulé un exercice de reconnaissance en l’équipant avec différents appareils électroniques, tels que des capteurs de contraintes externes (température et UV). La morphologie du robot a été modelée à l’intérieur d’un moule en acide polylactique (un polymère biodégradable), au sein duquel le mélange DPI-HFP-silicone a été durci à 60 °C, pendant 30 minutes.

Le processus d’autodestruction est enclenché en activant les LED UV (à longueur d’onde de 365 nanomètres), puis en induisant une température de fusion à 120 °C pendant 60 minutes. Le système se désintègre depuis sa base, en ne laissant derrière lui qu’un résidu huileux comprenant des composites de silicone et des composants électroniques à couche mince et non fonctionnels. L’ensemble se dégrade complètement en moins de deux heures.

Non seulement cette nouvelle technique permet de réduire les déchets robotiques, mais elle offre également une garantie de sécurité ainsi qu’un moyen d’exploration de zones à haut risque, telles que les fonds marins ou les milieux radioactifs.

Source : Science Advances

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