Le rover Yutu 2 a fait une découverte très intrigante sur la face cachée de la Lune : un morceau de roche, de forme très inhabituelle, qui a véritablement attisé la curiosité des scientifiques. La plupart des roches lunaires sont plutôt arrondies, du fait des différents phénomènes d’altération de la surface. Mais ce fragment est de forme allongée, ce qui n’avait jamais été observé auparavant. Cela pourrait être un morceau de météorite, resté prisonnier de la surface lunaire.
Bien entendu, les scientifiques prévoient de mener une analyse plus approfondie de cette roche qui ressemble à une borne kilométrique, pour déterminer son origine précise. Les chercheurs de l’Administration spatiale nationale chinoise (CNSA) prévoient notamment de l’inspecter à l’aide du spectromètre d’imagerie visible et proche infrarouge qui équipe le rover, afin d’analyser la composition du matériau.
Dan Moriarty, un chercheur du programme postdoctoral de la NASA au Goddard Space Flight Center, reconnaît que l’objet est vraiment très inhabituel. Selon lui, il est probable que cette roche soit un fragment issu d’un impact de météorite, rappelant au passage que la surface de la Lune est un environnement géologique vivant, qui continue à être façonné par les éventuels impacts des objets qui se déplacent dans l’espace.
Près de 630 mètres d’exploration en deux ans
Même après de multiples missions d’exploration, la Lune réserve encore quelques surprises. Le rover Yutu 2, qui fait partie de la mission chinoise Chang’e 4, explore sa surface depuis plus de deux ans maintenant — alors que la durée de vie du rover était initialement de trois mois. Après avoir « hiberné » pendant le froid intense de la nuit lunaire (qui dure à peu près l’équivalent de 15 jours terrestres), l’engin automatisé a repris ses activités le 6 février, entamant ainsi son 27e jour lunaire sur la face cachée de notre satellite naturel. Au total, il a parcouru et exploré près de 630 mètres de distance ; il se situe actuellement à environ 430 mètres au nord-ouest du site d’alunissage (dans le cratère Von Kármán).
Mais le jour lunaire précédent, l’engin est tombé nez à nez avec un curieux spécimen de roche, qui a immédiatement attiré l’attention de l’équipe chargée de la mission. Cette roche, qui ressemble davantage à un éclat de roche, dépasse du sol telle une borne kilométrique. Il est prévu que le rover s’en approche, afin de l’analyser par spectrométrie visible et proche infrarouge (l’instrument permet de détecter la lumière qui est dispersée ou réfléchie par un matériau, pour révéler sa composition).
Le spectromètre en question a déjà été utilisé pour étudier un certain nombre de roches et d’échantillons de régolithe, rencontrés sur le trajet du rover, dans le cratère Von Kármán. De cette manière, les scientifiques chinois ont déjà découvert des substances atypiques (un matériau de type gel ou verre fondu, de couleur inhabituelle) et de potentiels matériaux issus du manteau lunaire.
Pour un œil non averti, cette roche oblongue peut paraître tout à fait standard. Mais les spécialistes la considèrent comme une anomalie : « Les impacts répétés, les stress dus au cyclage thermique et d’autres formes d’altération sur la surface lunaire ont tendance à façonner les roches en formes plus ou moins sphériques avec le temps », explique Dan Moriarty. C’est un peu comme les vagues de l’océan qui façonnent les roches en formes lisses et arrondies, ajoute le spécialiste. Or, cette forme atypique qui semble sortir du sol, presque pointue, semble indiquer que cette roche est géologiquement jeune et a été mise en place relativement récemment.
Un probable éclat d’un impact de météorite
Selon Moriarty, ce fragment pourrait provenir de l’impact d’un météorite, dont le cratère serait tout proche (ce que l’on appelle un éjecta). « Il est possible qu’une roche avec cet aspect ait pu être produite par un processus connu sous le nom de spallation, lors duquel des fragments intacts de roche sont expulsés du lieu de l’impact sans éprouver le même degré de pression que celui subi par la cible elle-même », explique-t-il. L’hypothèse reste toutefois à confirmer. Les données du spectromètre fourniront sans aucun doute des informations plus complètes.
Clive Neal, un expert de premier plan à l’Université de Notre-Dame, partage l’opinion de Moriarty ; sur la base des images fournies par la CNSA, le spécimen semble bien être un éjecta d’impact. Une incertitude demeure toutefois sur son origine : Neal se demande en effet si le cratère d’origine se trouve bien à proximité. « J’espère que les données spectrales permettront de déterminer si l’origine est locale ou exotique, autrement dit, en dehors de cette zone », déclare le spécialiste.
Après avoir posé un engin sur la face cachée de la Lune en 2019 pour la première fois au monde, puis après avoir rapporté avec succès de nouveaux échantillons lunaires sur Terre en décembre dernier, via la mission Chang’e 5, l’agence spatiale chinoise montre une nouvelle fois qu’elle est désormais un acteur majeur de l’exploration lunaire.