Les scientifiques mettent en garde sur des points de basculement « dépassés », qui pourraient mener à l’état « d’urgence planétaire »

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Des scientifiques mettent en garde sur plusieurs points de basculement du système climatique mondial (ou points de non-retour), qui pourraient déclencher une cascade d’événements catastrophiques menant à un état « d’urgence planétaire ».

Le concept de point de basculement a été introduit pour la première fois par le Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat (GIEC), il y a un peu plus de 20 ans. À présent, les chercheurs avertissent que neuf de ces seuils environnementaux risquent déjà d’être dépassés, et ce, bien plus tôt que prévu.

Les points de basculement (ou points de non-retour) dans le système climatique sont des seuils qui, lorsqu’ils sont dépassés, peuvent entrainer d’importants changements dans l’état du système global.

« Il y a dix ans, nous avions identifié une série de points de basculement potentiels dans le système terrestre. Nous constatons maintenant que plus de la moitié d’entre eux ont été activés (dépassés) », a déclaré Tim Lenton, chercheur en systèmes climatiques à l’Université d’Exeter au Royaume-Uni. « La menace croissante de changements rapides et irréversibles signifie qu’il n’est plus suffisant ‘d’attendre et de voir’. La situation est urgente et nous avons besoin d’une réponse d’urgence », ajoute-t-il.

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Un avion survole un glacier dans le Park national Wranger St Elias, en Alaska. Crédits : Frans Lanting/Nat Geo Image Collection

Lenton et une équipe internationale de climatologues ont averti et mis en lumière que ces points critiques, qui restent considérés par beaucoup comme des risques peu probables qui ne pourraient être dangereux que si les températures mondiales augmentaient de 5 °C au-dessus des niveaux préindustriels, dépassent en réalité le point de non-retour à des températures de 1 à 2 °C au-dessus des niveaux préindustriels.

« Nous pensons que plusieurs points de basculement de la cryosphère sont dangereusement proches, mais la réduction des émissions de gaz à effet de serre pourrait encore ralentir l’accumulation inévitable d’impacts et nous aider à nous adapter », expliquent les chercheurs dans leur étude.

Des neuf points de basculement actifs qui ont été détectés par les scientifiques, il y a notamment le réchauffement des zones de glace de l’Arctique, de l’Antarctique et du Groenland, ainsi que des changements radicaux en cours dans les forêts boréales, les courants de l’océan Atlantique, la forêt amazonienne, les systèmes coralliens d’eaux chaudes et la fonte du pergélisol.

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Selon le rapport du programme des Nations unies pour l’environnement (UNEP), d’ici 2030, la production d’énergie fossile pourrait être de 40 à 50% trop élevée pour être compatible avec une limitation du réchauffement climatique à 2°C. Crédits : Jose Luis Stephens/Adobe Stock

Tandis que certains de ces systèmes déstabilisés peuvent sembler ne pas être liés les uns aux autres, les chercheurs avertissent que de plus en plus de preuves suggèrent que les crises disparates sont en fait liées et font partie d’un continuum global de déstabilisation climatique, qui s’amplifie dans de nombreux scénarios alarmants.

Un effet domino qui pourrait nous être fatal

« Dès qu’un ou deux dominos climatiques sont renversés, ils « poussent » le système climatique terrestre vers les autres », explique le scientifique des systèmes terriens, Will Steffen, de l’Université nationale australienne. « Nous craignons qu’il ne devienne impossible d’empêcher toute la série de dominos de s’effondrer, formant ainsi une cascade qui pourrait menacer l’existence des civilisations humaines », ajoute-t-il.

Tout en reconnaissant que nous avons très certainement déjà engagé les générations futures dans une élévation presque inimaginable du niveau de la mer, l’équipe affirme tout de même que l’échelle de temps de tels effets est toujours un facteur que nous pouvons contrôler, du moins en partie, avec nos actions actuelles. « Le taux de la fonte (des glaces) dépend de l’ampleur du réchauffement au-dessus du point de basculement », écrivent les chercheurs. « À 1.5 °C, le déploiement pourrait prendre 10’000 ans. Au-dessus de 2 °C, cela pourrait prendre moins de 1000 ans », expliquent-ils. Il est donc impératif de prendre des mesures drastiques immédiatement, pour limiter les émissions de carbone.

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Tandis que notre compréhension des liens entre les différents points de basculement n’en est qu’à ses balbutiements, les recherches existantes indiquent clairement qu’espérer simplement que ces points ne soient pas dépassés (ou les ignorer), ne fait pas partie de l’équation de solution qui nous permettra de continuer à vivre sur cette planète.

Une étude réalisée l’année dernière a révélé que « dépasser les points de basculement dans un système peut augmenter le risque de les croiser dans d’autres », avaient déclaré les chercheurs, qui ont également déterminé que ces liens en cascade avaient été identifiés pour 45% des interactions possibles.

Les scientifiques eux-mêmes ont conclu que l’urgence planétaire à laquelle nous sommes confrontés représente une menace existentielle pour la civilisation. Ils appellent donc à une action immédiate et réelle.

« Aucune analyse coûts-avantages économiques ne nous aidera. Nous avons peut-être déjà ‘perdu le compte’ nous permettant de savoir si un basculement se produirait ou non. L’avantage, c’est que la vitesse à laquelle les dommages s’accumulent – et donc les risques courus – pourrait encore être sous notre contrôle dans une certaine mesure », préviennent les chercheurs.

Est-il encore possible de limiter la hausse des températures à moins de 2 °C ?

La COP24 (conférence sur le climat) aura lieu à Katowice, en Pologne, dès le 2 décembre prochain. Cet événement ne sera très certainement pas facile à gérer. Un rapport publié par le Programme des Nations unies pour l’environnement (PNUE) rappelle en effet que les engagements annoncés par les pays signataires de l’accord de Paris, s’ils sont tenus, placent notre planète sur une trajectoire de réchauffement de plus de 3 °C d’ici la fin du siècle.

Source : Nature, Science

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