Des chercheurs de l’Académie chinoise des sciences à Pékin ont réalisé un exploit scientifique en créant des souris bi-paternelles grâce à des modifications génétiques ciblées. Bien que ces souris aient eu une espérance de vie réduite, elles ont néanmoins atteint l’âge adulte, ce qui constitue une avancée notable dans l’étude de la reproduction et de l’empreinte génétique.
Le développement embryonnaire repose sur un équilibre entre l’héritage génétique paternel et maternel. Cependant, en manipulant les gènes soumis à l’empreinte (ou « gènes d’empreinte »), des chercheurs ont récemment réussi à contourner cette contrainte fondamentale.
Ces gènes présentent une particularité : alors qu’un individu hérite généralement de deux copies de chaque gène, l’une du père et l’autre de la mère, seuls certains allèles sont actifs dans le cas des gènes soumis à l’empreinte, l’autre copie restant silencieuse. Cette spécificité est indispensable pour la régulation du développement embryonnaire, car les gènes soumis à l’empreinte maternels et paternels se complètent pour assurer une croissance harmonieuse.
Un embryon conçu uniquement à partir de deux pères ne présenterait ainsi que des gènes d’empreinte paternels, ce qui, en théorie, compromettrait son développement. C’est précisément ce défi biologique que l’équipe chinoise a réussi à relever, apportant un nouvel éclairage sur les mécanismes de l’empreinte génétique. Leurs résultats, publiés mardi dernier dans la revue Cell Stem Cell, permettraient à terme d’améliorer, entre autres, les techniques de reproduction assistée.
Vingt gènes modifiés pour contourner la bi-parentalité
Les chercheurs ont réalisé une intervention génétique de grande ampleur pour parvenir à ce résultat. Sur les 150 gènes soumis à l’empreinte que compte la souris, ils en ont modifié 20 de manière ciblée, afin de contourner l’incompatibilité biologique d’une reproduction entre deux mâles.
Le processus a débuté par la culture de cellules souches embryonnaires. Pour cela, ils ont d’abord fécondé un ovule immature – préalablement énucléé, c’est-à-dire vidé de son ADN – avec le sperme d’un premier mâle. Ces cellules embryonnaires ont ensuite été soumises à des modifications génétiques via l’outil CRISPR, qui a permis de désactiver ou d’altérer les 20 gènes d’empreinte ciblés.
Les cellules modifiées ont ensuite été fusionnées avec le sperme d’un second mâle dans un nouvel ovule, dont le noyau avait également été retiré. Ce procédé a abouti à la formation d’embryons ne contenant que du matériel génétique paternel.
L’étape suivante consistait à implanter ces embryons dans des souris femelles porteuses. Sur les 164 embryons transférés, seuls sept souriceaux sont finalement nés. Malgré une croissance jusqu’à l’âge adulte, ces souris bi-paternelles présentaient des anomalies notables : elles étaient stériles, avaient une durée de vie plus courte, une taille corporelle anormale et des organes parfois malformés.
Des applications potentielles chez l’humain ?
Si cette avancée constitue une prouesse scientifique, son application à l’espèce humaine demeure, pour l’heure, hors de portée. Les défis techniques sont nombreux, et les risques liés à une telle manipulation génétique seraient considérables.
Modifier 20 gènes soumis à l’empreinte dans un embryon humain serait une démarche aux conséquences imprévisibles, tant sur le plan du développement que sur la santé à long terme. « Il serait inacceptable de modifier 20 gènes d’empreinte chez l’homme, et produire des individus qui ne pourraient pas être en bonne santé ou viables n’est tout simplement pas une option », a déclaré l’autrice principale de l’étude, Zhi-Kun Li, au MIT Technology Review.
Même chez les souris, les résultats soulignent la complexité de ces manipulations. Les anomalies observées sur les souriceaux bi-paternels rappellent combien l’empreinte génétique joue un rôle fondamental dans le développement des organismes vivants.
Ce n’est d’ailleurs pas la première tentative de reproduction bi-paternelle en laboratoire. En 2023, une équipe japonaise avait réalisé une expérience similaire en utilisant une autre approche. Contrairement aux résultats obtenus par l’équipe chinoise, les souriceaux issus de l’expérience japonaise avaient non seulement atteint l’âge adulte, mais étaient également fertiles.
Ces recherches permettent de mieux comprendre les mécanismes encore peu étudiés de l’empreinte génétique et des interactions complexes entre les gènes hérités des parents. Si les applications médicales restent aujourd’hui hypothétiques, ces avancées approfondissent nos connaissances en biologie du développement et en reproduction assistée.