Des serpents ont réussi un « test du miroir » basé sur l’odorat, suggérant qu’ils se reconnaissent eux-mêmes

Les résultats montrent pour la première fois une forme de perception de soi chez les serpents.

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Des chercheurs suggèrent que les couleuvres rayées peuvent s’autoreconnaître, après leur avoir fait passer une sorte de « test du miroir » basée sur l’odorat — ce qui montre une forme de perception de soi. Lors de tests en laboratoire, les couleuvres ont montré une réponse accrue lorsqu’on leur a présenté une version modifiée de leur propre odeur. Bien que controversée, cette découverte pourrait potentiellement constituer la première preuve de perception de soi chez les serpents.  

Le test du miroir (ou test de Gallup) évalue la capacité d’un animal à distinguer les signaux provenant de lui-même des autres signaux. En général, les animaux réussissent le test lorsqu’ils se mettent à examiner des parties spécifiques de leur corps ou des marques sur ces parties qu’ils ne peuvent pas voir sans le miroir. Il est suggéré que l’auto-reconnaissance avec un miroir constitue une forme de conscience de soi. En effet, cette dernière se traduit entre autres par la capacité à orienter son attention vers soi.

Un certain nombre d’animaux ont réussi ce test, tels que les grands singes, les souris, les éléphants, les pandas géants et les corvidés. Cependant, les résultats des tests empiriques sont mitigés, car l’auto-reconnaissance a aussi été observée chez des espèces a priori moins complexes telles que le labre nettoyeur (un poisson), alors qu’elle n’a pas été décelée chez d’autres taxons supposés plus complexes.

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Certains chercheurs suggèrent que l’auto-reconnaissance n’a jamais été montrée chez d’autres taxons en raison de protocoles de tests non adaptés. En d’autres termes, les procédures standard ne correspondent pas toujours selon eux aux capacités de perception des espèces cibles. Alors que les miroirs sont généralement utilisés dans le cadre du test, il s’agit d’un objet aux propriétés que l’on trouve rarement dans la nature. D’autre part, le marquage des animaux pourrait aussi influencer leur comportement de sorte que les résultats des tests d’auto-reconnaissance peuvent être biaisés.

D’un autre côté, certains animaux comme les chiens et les reptiles s’appuient davantage sur leur sens olfactif pour interagir avec leur environnement, plutôt que sur leur perception visuelle. Dans ce contexte, les chercheurs de l’Université canadienne Wilfrid Laurier suggèrent que chez ces espèces, l’auto-reconnaissance pourrait être principalement guidée par l’odorat.

« La plupart des animaux ne rencontreront pas de miroirs dans la nature et ne seront pas familiers avec les propriétés de la réflexion visuelle », ont-ils expliqué dans leur étude, parue dans la revue Proceedings of the Royal Society B: Biological Sciences. Leur recherche consistait à tenter d’identifier une forme de reconnaissance de soi chez les serpents par le biais d’une version du test du miroir basée sur l’odorat.

Une réponse accrue chez les serpents plus sociaux

Dans le cadre de leur expérience, les chercheurs canadiens ont sélectionné 36 couleuvres rayées (Thamnophis sirtalis sirtalis) et 18 pythons royaux (Python regius). Ces espèces ont été choisies en raison de leurs nombreuses différences écologiques. Les premières hibernent plusieurs mois par an et chassent sur terre ou dans l’eau, tandis que les secondes sont semi-arboricoles et n’hibernent pas. Ces serpents diffèrent également par la fréquence à laquelle ils rencontrent leurs congénères. Les couleuvres rayées se rassemblent souvent en groupe dans des tanières, tandis que les pythons royaux sont plus solitaires. Néanmoins, les deux laissent des traces des lipides cutanés marquant leur passage dans un environnement, ce qui suggère qu’ils pourraient bénéficier d’une capacité à reconnaître leurs propres signatures chimiques.

Les odeurs (c’est-à-dire les signaux chimiques) des serpents ont été collectées en frottant leur peau à l’aide de coton. Cinq parfums différents ont ensuite été présentés à chacun d’entre eux : le leur, le leur mélangé avec de l’huile d’olive, de l’huile d’olive pure, celui d’un autre serpent (de la même espèce) et ce dernier avec de l’huile d’olive ajoutée. Ils ont été placés individuellement dans un enclos, lors de la présentation des gammes olfactives.

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Proportion de longs coups de langue dirigés vers le stimulus d’intérêt pour chaque condition de test pour les couleuvres rayées (a) et les pythons royaux (b). © Troy Fribourger

Les couleuvres ont montré une réponse accrue face à leur odeur modifiée avec l’huile d’olive, effectuant de longs mouvements de langue. « Ils ne font de longs mouvements de langue que lorsqu’ils sont intéressés ou enquêtent sur quelque chose », explique au New Scientist l’auteur principal de l’étude, Noam Miller, de l’Université Wilfrid Laurier. De précédentes recherches sur des espèces s’appuyant principalement sur leur odorat (pour interagir avec leur environnement) ont suggéré que si ces animaux montrent une préférence marquée pour leur odeur modifiée, on peut considérer qu’ils ont réussi le test d’auto-reconnaissance.

En revanche, les pythons ont réagi de la même manière à toutes les odeurs. Les experts suggèrent que cette réponse est due au fait qu’ils sont moins sociaux que les couleuvres. Cette hypothèse concorde avec les résultats de précédentes études indiquant que les animaux sociaux sont plus susceptibles de s’autoreconnaître. Cela suggère en outre que certains serpents pourraient être dotés d’une forme de reconnaissance de soi. « On pense que les serpents, et presque tous les reptiles, sont des animaux lents, instinctifs et non cognitifs, mais ce n’est absolument pas vrai », estime Miller.

Toutefois, ces résultats ne devraient pas nécessairement être interprétés comme une forme d’auto-reconnaissance, selon un expert interrogé par New Scientist. En effet, cette conclusion ne serait plausible que si une corrélation avec le comportement social est établie. Or, l’étude n’a pas exploré la question. Néanmoins, « les résultats ouvrent la porte à l’examen de l’écologie de la reconnaissance de soi et suggèrent que cette capacité pourrait évoluer en réponse à des défis écologiques spécifiques à certaines espèces, dont certains pourraient s’aligner sur la complexité des structures sociales », ont conclu les chercheurs de l’étude.

Source : Proceedings of the Royal Society B: Biological Sciences

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