Une start-up française propose des solutions technologiques innovantes pour l’avion à hydrogène

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Pour répondre aux enjeux environnementaux, la décarbonation s’impose aujourd’hui dans tous les secteurs d’activité. Les transports, deuxième secteur à émettre le plus de CO2 au niveau mondial (derrière la production d’électricité), est particulièrement concerné. Ces dernières années, le transport aérien a fait quelques progrès en la matière, mais les émissions de gaz à effet de serre sont encore trop importantes et il est urgent de trouver des solutions viables pour décarboner durablement le secteur.

Éric Schulz, consultant et ancien haut responsable de l’industrie aéronautique, et Jean-Michel Schulz, professeur en technologies aérospatiales et spécialiste en cryogénie et en composites aéronautiques, se sont penchés sur la question. En 2020, ils ont créé la start-up SHZ Advanced Technologies, pour se concentrer sur les technologies de l’avion à hydrogène. Utilisé sous forme gazeuse ou liquide, en tant que carburéacteur ou dans une pile à combustible alimentant des moteurs électriques, le dihydrogène est peut-être la clé d’une transition réussie vers une aviation sans carbone.

L’avantage de l’hydrogène réside dans son pouvoir énergétique massique élevé, jusqu’à 4 fois supérieur à celui du kérosène. En revanche, il possède une très faible densité, particulièrement lorsqu’il est gazeux (environ 42 kg/m³ à 700 bars), mais également sous forme liquide (71 kg/m³ à pression atmosphérique), soit presque 12 fois moins que le kérosène. Conséquence : pour une quantité énergétique équivalente, il nécessite un volume de stockage trois fois supérieur à celui du kérosène. De plus, l’hydrogène liquide doit être stocké à une température de -253 °C, ce qui complique encore son transport. SHZ Advanced Technologies propose des solutions innovantes pour pallier ces difficultés.

Des réservoirs plus légers et moins encombrants

À température et pression ambiantes, il faudrait 11 m³ pour stocker 1 kg de dihydrogène ! Il est donc impensable de le stocker dans ces conditions. Le liquéfier, à une température de -253 °C, apparaît comme la meilleure option. Mais la cryogénie n’est pas exempte de danger : si le fluide se réchauffe, il se gazéifie et occupe ainsi un plus gros volume — ce qui provoque une forte montée en pression pouvant aller jusqu’à l’explosion. Il existe actuellement des solutions de stockage cryogénique efficaces et sécurisées, mais elles sont généralement exploitées au sol (ce qui lève les contraintes liées au volume et au poids), ou bien dans le domaine spatial (qui n’est pas soumis aux mêmes contraintes de rendement et de durabilité).

Pour l’aéronautique, la problématique consiste à développer des systèmes de stockage et de transvasement cryogéniques légers et sécurisés, dotés d’une parfaite isolation thermique (pour limiter l’évaporation), avec un impact minimal sur la charge marchande (soit le nombre de passagers). SHZ Advanced Technologies présente un concept de système intégré de stockage et de distribution d’hydrogène liquide, répondant à l’ensemble de ces critères et particulièrement bien adapté aux avions régionaux, moyen-courriers, mais aussi aux appareils long-courriers.

Les réservoirs existants sont cylindriques et dotés d’une paroi très épaisse, ce qui pénalise la masse dudit réservoir et, compte tenu des volumes, impose de l’installer à l’arrière de la cabine au détriment des passagers. SHZ Advanced Technologies a imaginé une solution technique brevetée, qui permet de neutraliser les contraintes de compression et de cisaillement de l’enveloppe extérieure tout en la maintenant sous vide. Cette technique permet de concevoir des réservoirs plus légers, et pas nécessairement cylindriques, pouvant être intégrés dans des espaces exigus, comme les ailes ou les soutes.

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En s’affranchissant de la contrainte d’avoir un réservoir strictement cylindrique, il est possible d’utiliser une grande partie du volume disponible dans le fuselage et les ailes de l’appareil. © SHZ Advanced Technologies

L’entreprise propose notamment d’utiliser une partie de la soute avant pour stocker un réservoir d’hydrogène de type semi-cylindrique — une solution qui permet un centrage optimal de l’appareil durant toute sa phase de vol. À cela s’ajoute un second réservoir situé à l’arrière, en forme de tronc conique. Tous deux sont connectés à un réservoir situé au niveau du caisson central, qui alimente également les deux réservoirs d’ailes, plus élancés, qui sont eux-mêmes raccordés aux moteurs. Un système de circuit secondaire permet des transvasements directs entre les différents réservoirs.

La disposition des différents réservoirs offre une bonne stabilité de l’avion grâce à une meilleure répartition des masses (par rapport à d’autres approches impliquant des réservoirs situés uniquement à l’arrière de l’appareil). Certes, cette solution limite le volume de fret en occupant tout ou partie de la soute avant, mais permet de maintenir plus de 94% du nombre de passagers par rapport au même avion en version kérosène.

Un dispositif cryogénique sous haute surveillance

L’autre système breveté par la start-up consiste en une double enveloppe interne : le réservoir contenant l’hydrogène liquide est lui-même inclus dans un réservoir contenant un gaz d’inertage sous pression (de l’hélium). Ainsi, en cas de fuite du réservoir d’hydrogène, c’est l’hélium qui migrerait vers l’hydrogène et non le contraire. Non seulement cet interstice rempli d’hélium sécurise le système, mais il permet également de maintenir l’hydrogène liquide à basse température. Enfin, lorsque la totalité de l’hydrogène a été consommée, l’hélium vient le remplacer dans le réservoir interne de manière à maintenir une surpression ; il est ensuite récupéré et réutilisé lors des opérations de remplissage du réservoir.

L’entreprise a par ailleurs prévu un système d’amortissement qui limite les vibrations — dues à la cinématique de l’avion et aux transferts de fluide — subies par le réservoir.

Pour maintenir l’hydrogène à l’état liquide, SHZ Advanced Technologies mise sur le processus d’évaporation, qui joue le rôle de régulateur thermique naturel : la température du fluide reste stable tant qu’une partie demeure sous forme liquide. Les vapeurs d’hydrogène sont récupérées via un circuit qui le redirige vers les propulseurs de l’avion lorsque celui-ci est en fonctionnement ; dans le cas contraire, elles sont évacuées par un échappement sécurisé. Si un incident quelconque venait à provoquer une augmentation rapide de la quantité de gaz, en vol comme au sol, SHZ Advanced Technologies a prévu un système breveté de purge rapide qui permet de l’évacuer en toute sécurité.

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Schéma fonctionnel du système FADHyCC et ses interactions avec les autres systèmes. © SHZ Advanced Technologies

Le dispositif de distribution du carburant se compose de canalisations isolées et flexibles, à haute performance thermique grâce à une structure isolante autoportée et sous vide. La régulation du dispositif cryogénique nécessite une surveillance très spécifique, toute entrée de chaleur accidentelle pouvant entraîner une rapide augmentation de pression ; une fuite de fluide cryogénique serait tout aussi dangereuse. SHZ Advanced Technologies a donc inventé un dispositif de contrôle appelé FADHyCC (Full Authority Digital Hydrogen Cryogenic Control), qui assure le pilotage de l’installation à l’aide de canaux indépendants, en vol aussi bien qu’au sol — y compris lors des phases critiques de remplissage et de maintenance.

Des innovations applicables à tous les transports

Après étude comparative des performances, transformer un avion classique au kérosène en avion à hydrogène s’avère bien plus avantageux avec l’architecture proposée par SHZ Advanced Technologies qu’avec la configuration « standard » (impliquant deux réservoirs à hydrogène de type Dewar situés à l’arrière de l’appareil).

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Tableau comparatif des performances dans le cadre de la transformation d’un avion au kérosène selon différentes architectures d’avion à hydrogène, pour le moyen-courrier et le long-courrier. © SHZ Advanced Technologies

Un avion transformé via les technologies décrites ici offre moins de volume de fret que la solution cryogénique standard, mais permet d’embarquer quasiment autant de passagers que l’avion initial (168 vs. 180 pour un avion classique dans le cas d’un vol moyen-courrier). Les données montrent qu’une version long-courrier d’un avion à hydrogène adoptant la même architecture affiche une efficacité opérationnelle comparable (avec un nombre de passagers équivalent à 92% de la capacité de l’avion au kérosène).

Ces innovations ont également été pensées pour réduire nettement les risques liés à la présence d’hydrogène liquide à bord de l’appareil. Nous avons déjà évoqué le fait que la double enveloppe des réservoirs et la présence d’hélium contribuaient largement à la sécurité du système, en particulier lors de situations d’urgence, en limitant les montées en température et les fuites d’hydrogène. De même, le système d’amortissement protège le fluide de toutes vibrations ou autres turbulences. Le fait que la distribution d’hydrogène repose sur un transfert pneumatique (et non sur des pompes) évite par ailleurs tout incident lié à une défaillance mécanique.

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Analyse des risques résiduels liés à l’usage d’hydrogène liquide. © SHZ Advanced Technologies

Alliant performances et sécurité, l’ensemble des innovations proposées par SHZ Advanced Technologies permettent ainsi de considérer l’avion à hydrogène comme une évolution viable et durable de l’aéronautique civile. Mais cet effort de conception ne se limite pas au transport aérien : ces solutions de stockage et de distribution d’hydrogène peuvent en effet être adaptées à l’ensemble du secteur des transports (automobile, poids lourds, naval et ferroviaire).

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