Des sons étranges enregistrés dans la stratosphère déroutent les scientifiques

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Le domaine fascinant de la bioacoustique connaît une véritable renaissance depuis quelques années. La nature, avec sa symphonie ininterrompue, nous offre des indices précieux et des détails intriguants sur la faune, la flore et les mécanismes mystérieux de la Terre. De nos jours, des microphones sont même capables d’enregistrer les sons de Mars. Récemment, grâce à des ballons de recherche flottant dans la stratosphère, des scientifiques ont capté des murmures statiques étouffés, des sons dont l’origine reste inconnue. Une véritable énigme qui attend d’être résolue.

L’atmosphère de notre planète est un ensemble complexe de couches se distinguant par des variations de pression, de température et de composition chimique. La stratosphère, située entre 12 et 50 km d’altitude, est une région caractérisée par sa stabilité. La température y augmente avec l’altitude, une conséquence directe de l’augmentation de l’ozone, qui absorbe la lumière ultraviolette.

Par comparaison à la basse atmosphère, où la convection de l’air est plus intense, la stratosphère semble plutôt calme. De plus, elle est rarement perturbée par le passage d’avions ou par des turbulences. C’est précisément pour ces raisons que les scientifiques choisissent cette altitude pour étudier les bruits émis par la Terre, les sons générés par le fracas des vagues océaniques, le grondement du tonnerre, ainsi que les sons produits par l’activité humaine, comme le bruit des éoliennes ou des explosions.

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On pourrait donc penser que l’enregistrement de murmures à l’aide de microphones embarqués sur des ballons stratosphériques serait une tâche aisée pour les scientifiques du Sandia National Laboratories. Cependant, lors de la présentation de leurs résultats le jeudi 11 mai lors de la 184e réunion de l’Acoustical Society of America, le chercheur principal Daniel Bowman a révélé qu’ils avaient capté des bruits d’une origine totalement inconnue.

Pourquoi étudier les sons dans la stratosphère ?

Les infrasons, ces sons aux fréquences inférieures à 20 Hertz, sont trop faibles pour être perçus par l’oreille humaine. Pourtant, ils proviennent de nombreuses sources, comme les climatiseurs, les catastrophes naturelles, les orages, ou encore les vocalisations des baleines et des éléphants. Les scientifiques utilisent des capteurs d’infrasons au sol pour déterminer l’emplacement et l’ampleur d’événements tels que les avalanches, les impacts de météorites ou les explosions nucléaires.

Toutefois, les réseaux de microphones à infrasons au sol peuvent être perturbés par le vent ou par des sources humaines proches, telles que les machines, les barrages ou les ponts. Cela complique la détection précise de faibles signaux d’infrasons provenant de sources éloignées.

C’est en 2017 que Bowman et ses collègues ont démontré la possibilité de capter le son produit par la Terre à partir de la stratosphère. Ils ont fourni des équipements d’infrasons à la NASA High Altitude Student Platform (HASP), un programme annuel offrant aux équipes d’étudiants la possibilité de réaliser des expériences lors de vols de longue durée dans la stratosphère. Ils ont ainsi réussi à enregistrer le bruit des vagues de l’océan, sans la moindre interférence venant du sol.

Des ballons DIY et un son d’origine inconnue

Depuis lors, ils ont affiné leur stratégie, tout en la gardant accessible. Pour atteindre la stratosphère, Bowman et ses collaborateurs construisent des ballons d’un diamètre de 6 à 7 mètres. Malgré leur grande taille et leur capacité à collecter des données, ces ballons restent relativement simples à réaliser.

Dans un communiqué, Bowman déclare : « Nos ballons sont essentiellement des sacs en plastique géants avec de la poussière de charbon de bois à l’intérieur pour les assombrir. Nous les construisons en utilisant du plastique de peintre de la quincaillerie, du ruban adhésif d’expédition et de la poudre de charbon de bois provenant de magasins de fournitures pyrotechniques. Lorsque le soleil brille sur les ballons sombres, l’air à l’intérieur se réchauffe et le ballon flotte. Cette énergie solaire passive est suffisante pour amener les ballons de la surface à plus de 20 km dans le ciel ».

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Gonflage d’un ballon solaire avec une charge utile de microbaromètre à infrasons. © Darielle Dexheimer, Sandia National Laboratories

Pour collecter des données et détecter les sons à basse fréquence, les chercheurs utilisent des microbaromètres, initialement conçus pour la surveillance des volcans. Une fois les ballons lancés, ils suivent leurs itinéraires grâce au GPS, une étape indispensable étant donné que les ballons peuvent voyager sur des centaines de kilomètres et atterrir dans des endroits difficiles d’accès. Cependant, grâce à leur coût modique et leur facilité de construction et de lancement, les chercheurs peuvent déployer un grand nombre de ballons, permettant ainsi la collecte de davantage de données.

Ces détecteurs pourraient servir à surveiller les infrasons générés par les armes nucléaires et contribuer à l’application des interdictions des armes nucléaires, expliquent les auteurs. Mais en plus des sons humains et environnementaux attendus, Bowman et son équipe ont détecté quelque chose qu’ils ne sont pas en mesure d’identifier.

Bowman explique : « Dans la stratosphère, il y a de mystérieux signaux infrasons qui se produisent quelques fois par heure sur certains vols, mais la source de ceux-ci est complètement inconnue ». Des recherches supplémentaires sont nécessaires pour comprendre l’origine de ce bruit.

À la découverte d’autres mondes

En attendant, les ballons solaires et les capteurs d’infrasons qu’ils transportent pourraient être utilisés pour détecter les infrasons dans l’atmosphère d’une planète gazeuse, ce qui pourrait aider les scientifiques à en apprendre davantage sur l’intérieur des planètes et sur les phénomènes atmosphériques tels que les impacts de météorites et le tonnerre.

Ces outils pourraient également contribuer à l’observation de l’activité sismique et volcanique de Vénus à travers son atmosphère épaisse. En effet, la température de surface de Vénus est trop élevée pour l’électronique, mais les conditions sont plus clémentes au milieu de l’atmosphère de Vénus. De plus, du fait de l’atmosphère plus dense de la planète, la liaison entre le tremblement de Vénus et les ondes sonores devrait être beaucoup plus importante, ce qui rendrait le son plus fort et les données plus robustes.

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