La mécanique quantique est à l’origine de nombreux phénomènes étonnants parmi lesquels la supraconductivité et l’effet Casimir. Grâce à un protocole expérimental comportant deux nano-câbles placés à proximité l’un de l’autre à l’intérieur d’une puce électronique, des physiciens ont enfin la possibilité d’étudier ces deux phénomènes simultanément avec un but bien particulier : tester certaines hypothèses concernant la gravité quantique.
Le dispositif développé par des physiciens de l’université des technologies de Delft (Pays-Bas) utilise une nouvelle technologie de capteurs afin de contourner la difficulté de placer deux nano-câbles superconducteurs en aluminium aussi proches l’un de l’autre à des températures ultra-froides — les températures nécessaires à l’émergence de la supraconductivité. Les résultats ont été publiés dans le journal Physical Review Letters.
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Un tout nouveau type de supraconductivité a été observé
« Les fils ont des trous en leur centre agissant comme des capteurs optiques » explique le physicien Simon Gröblacher. « La lumière laser d’une certaine longueur d’onde est piégée à l’intérieur. Nous pouvons utiliser cette lumière pour mesurer de très petits déplacements entre les deux fils, ce qui signifie que nous pouvons mesurer les forces qui agissent sur eux à n’importe quelle température ».
En 1948, le physicien néerlandais Hendrik Casimir introduit l’hypothèse qu’en raison de l’existence de fluctuations du vide quantique, une force attractive doit apparaître entre deux plaques parallèles conductrices non chargées (des miroirs par exemple). Ceci s’explique par le fait que, plus deux plaques sont proches l’une de l’autre, moins la densité d’énergie du vide entre ces deux plaques est importante. En effet, la densité d’énergie du vide entre deux plaques est fonction du nombre de photons (réels et virtuels) existant entre ces deux plaques.
Lorsque les plaques se rapprochent, de moins en moins de photons ont la « place » d’exister entre elles (c’est en réalité une question de longueur d’onde). Tandis que de chaque côté des plaques, les fluctuations quantiques appliquent une pression qui tend à les rapprocher. L’effet Casimir a été vérifié expérimentalement à de nombreuses reprises à partir des années 1980.
Quant à la supraconductivité, elle est partiellement mise en évidence dès 1911 par le physicien néerlandais Heike Kamerlingh Onnes, qui découvre une résistivité électrique nulle du mercure à une température de -268°C. En 1933, les physiciens allemands Meissner et Ochsenfeld mettent en évidence la seconde caractéristique du phénomène en constatant que le matériau repousse le champ magnétique généré.
La supraconductivité est donc caractérisée par une résistivité électrique nulle et l’expulsion du champ magnétique extérieur (effet Meissner) par un matériau refroidit en dessous de sa température critique.
La réunion de ces deux phénomènes quantiques au sein d’un unique dispositif constitue un laboratoire expérimental inédit pour les scientifiques. De nombreuses expériences et mesures concernant divers domaines de la physique peuvent être menées grâce à ce mini-laboratoire. Les chercheurs sont déjà en train d’utiliser ce dernier afin de tester certaines hypothèses concernant la gravité quantique.
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« D’ores et déjà, nous pouvons infirmer l’une des moins plausibles et des plus controversées théories de la gravité quantique prédisant que nous devrions observer un intense effet Casimir dû aux champs gravitationnels rebondissant entre les deux câbles supraconducteurs » explique le physicien Richard Norte. « Nous n’avons rien observé de tel avec la sensibilité actuelle du dispositif ».
Cela signifie que si un effet Casimir gravitationnel existe, il n’est pas aussi fort que certains physiciens le pensaient. Ce résultat ne constitue que l’un des nombreux futurs résultats expérimentaux attendus par l’instrument. Les chercheurs ambitionnent d’améliorer encore la sensibilité du dispositif et peut-être même d’en développer une version à température ambiante.
« La technique développée ici offre de nouvelles possibilités concernant des questions de physique fondamentale qui ont longtemps échappé aux expériences conventionnelles » concluent les auteurs.