Les supercondensateurs sont des dispositifs de stockage d’énergie dont la capacité surpasse largement celle des batteries conventionnelles. Des chercheurs proposent un nouveau concept consistant à recycler les bouteilles en plastique — en réorganisant les atomes de carbone du PET — afin de produire des composants de supercondensateurs permettant de capturer plus efficacement l’énergie (par rapport aux composants actuels). Ce type de dispositif pourrait à la fois résoudre le problème de pollution au plastique et de stockage énergétique durable et bon marché (faisant défaut aux dispositifs actuels d’énergie renouvelable).
Malgré les impacts dramatiques sur l’environnement, la production de plastique ne cesse d’augmenter, face à une demande croissante. On estime qu’au niveau mondial, 350 millions de tonnes de déchets plastiques sont produits chaque année. Seuls 9% de ces matériaux sont recyclés, tandis que le reste est incinéré ou rejeté dans les décharges. Au niveau de l’Union européenne, moins d’un tiers des déchets plastiques sont recyclés.
Or, contrairement aux déchets organiques, le plastique met des centaines voire des milliers d’années à se dégrader, et menace ainsi considérablement les écosystèmes et la santé publique — sans compter l’immense quantité de ressources nécessaires à sa production. Dans ce contexte, l’établissement de techniques de gestion durable des déchets plastiques est impératif.
Intégrer le plastique dans la production énergétique serait un moyen à la fois fiable, efficace et bon marché pour boucler leur cycle de fabrication. À l’occasion de la dernière réunion de l’American Chemical Society (ACS), des chercheurs de la Louisiana Tech University ont présenté un nouveau concept, consistant à convertir le plastique des bouteilles en des composants clés de supercondensateurs. « Le supercondensateur est un système de stockage d’énergie attrayant, dont les performances électrochimiques supérieures dépendent fortement du matériau de l’électrode et de ses caractéristiques architecturales », expliquent-ils dans leur document, disponible sur le serveur de l’ACS.
Une structure en nanofeuilles intercalées de nanobilles
Par rapport aux batteries conventionnelles, les supercondensateurs peuvent stocker beaucoup plus d’énergie, tout en la libérant rapidement et de façon non linéaire (c’est-à-dire en rafale). De plus, ils ont une plus longue durée de vie, pouvant supporter un nombre important de cycles de charge. Il est important de savoir que bien que les dispositifs de production d’énergie renouvelable soient en pleine expansion, stocker efficacement cette énergie reste un défi. Le polyéthylène téréphtalate (PET) — composant la plupart des bouteilles en plastique — peut être recyclé pour créer un matériau à la conductivité électrique prometteuse, dans le but de produire des supercondensateurs.
Pour leur concept, les chercheurs de Louisiane ont développé un procédé chimique permettant de réorganiser les atomes de carbone du PET, afin de pleinement exploiter sa conductivité électrique. Pour ce faire, les bouteilles ont été découpées en morceaux pour être immergées dans un mélange d’eau, d’acide nitrique et d’éthanol. La réaction chimique a été effectuée à haute température et à haute pression pendant environ huit heures. Le mélange a ensuite été centrifugé et séché au four.
Les matériaux sont alors obtenus sous la forme de minces feuillets bidimensionnels à nanobilles de carbone, faisant chacun moins de 2 nanomètres d’épaisseur. Cette taille réduite leur confère une propriété électrochimique inhabituelle, en formant des « points quantiques » de carbone (CQD). Plus précisément, les CQD sont insérés et intercalés entre des nanofeuilles de carbone et servent de sites actifs pour héberger des ions. Cette disposition en points et en feuillets améliore la capacité de stockage du supercondensateur, les nanofeuilles aidant à fixer les CQD et à créer un réseau conducteur et connecté.
En testant leur dispositif, les chercheurs ont constaté qu’il pouvait se charger et se décharger efficacement, comme prévu. En étant soumis 12 000 fois à un cycle de chargement-déchargement, sa capacité n’a été réduite que de 2%. En développant la structure à nanobilles à partir de plastiques plus purs et moins traités que celui composant les bouteilles, le niveau de performance est resté le même. Ainsi, cette technique permettrait de recycler directement une large gamme de déchets plastiques, sans nécessiter de traitement intermédiaire.
Mis à part les avantages liés à sa facilité de fabrication et son incroyable efficacité en matière de stockage d’énergie, le supercondensateur produit à partir de PET pourrait à terme contribuer à la durabilité énergétique et environnementale — en réduisant la pollution au plastique et la dépendance aux énergies fossiles. « En tant que premiers produits de déchets en plastique, nous espérons que nos efforts sur ces nouveaux moyens d’utilisation des déchets de bouteilles en PET favoriseront leur collecte et leur recyclage et contribueront au cycle de vie en boucle fermée des plastiques », concluent les auteurs de l’étude.