Voici la vérité derrière la récente histoire virale de « La NASA a découvert un univers parallèle »

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| National Geographic
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Il n’est pas hors du commun de voir des titres dramatiques et/ou surexagérés dans les médias, dans l’optique d’avoir plus de clics et de vues, de faire sensation. Parfois, le phénomène est extrême, comme cela a été le cas avec l’histoire devenue virale stipulant que la NASA aurait découvert « un univers parallèle ». Penchons-nous donc aujourd’hui sur les faits.

Si vous êtes récemment tombés sur des articles stipulant dans les grandes liges que la NASA a détecté un univers parallèle en Antarctique, où le temps s’écoulerait à l’envers (…), nous sommes sincèrement heureux que vous soyez à présent en train de lire ces lignes. Penchons-nous sur les faits et donc, sur la vérité.

« Il semble que concernant cette histoire en particulier, une physique théorique spéculative, qui pourrait avoir des racines lointaines dans la plausibilité, ait été amplifiée par certains médias pour des raisons de sensationnalisme… », a déclaré Peter Gorham, physicien expérimental des particules à l’Université de Hawaï, à Mānoa.

Une invitation à rêver, prête à être portée.

Le non-sens flagrant de « l’univers parallèle détecté par la NASA » a commencé de manière plutôt innocente sur internet : le respectable magazine New Scientist a publié un article le 8 avril 2020 qui mettait en lumière certains résultats anormaux provenant d’expériences de détection de neutrinos en Antarctique, et de ce que cela pouvait signifier quant au modèle cosmologique spéculatif qui postule qu’il y a un univers d’antimatière en expansion (opposée) depuis le Big Bang.

Mais ensuite, certains autres sites ont « emprunté » ce rapport et ont amplifié certaines spéculations, ce qui a généré un effet boule de neige.

Alors, que se passe-t-il vraiment avec ces détections anormales en Antarctique ?

L’expérience de l’Antenne transitoire impulsive d’Antarctique (ANITA), un ballon à hélium à haute altitude avec un réseau d’antennes radio, partiellement financé par la NASA, a repéré une poignée d’exemples de ce qui semble être des neutrinos hautement énergétiques qui traversent la Terre.

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L’Antenne transitoire impulsive d’Antarctique (ANITA). Crédits : NASA/Nasa Balloon Program Office

Et voici pourquoi c’est si étrange : il faut savoir que les neutrinos sont des particules fondamentales dites « fantomatiques », qui traversent tout, interagissant à peine avec la matière normale, ce qui les rend donc extrêmement difficiles à détecter. Mais lorsqu’ils sont produits par des objets puissants et explosifs dans l’Univers, les neutrinos peuvent gagner de telles énergies ultra-élevées, qu’ils deviennent plus susceptibles d’interagir avec de la matière dite normale.

ANITA, volant au-dessus du continent glacial, est conçue pour détecter les signaux d’averses de particules secondaires produites lorsque des neutrinos de haute énergie se heurtent à la glace. Cependant, ces neutrinos sont censés provenir des profondeurs de l’espace… et non pas de la Terre (et il y a de grandes chances qu’ils se soient déjà heurtés et aient traversé d’autres choses que notre planète). Ce qui est effectivement très étrange.

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L’expérience ANITA montée sur ballon inspecte plus d’un million de kilomètres carrés de glace antarctique pour détecter les signaux des rayons cosmiques. Crédits : NASA/Nasa Balloon Program Office

Les physiciens ont soigneusement travaillé pour déterminer si ces résultats peuvent être expliqués avec nos modèles actuels de physique, ou s’ils pourraient avoir quelque chose à voir avec la configuration expérimentale elle-même, ou si quelque chose de vraiment différent se déroule : « Nous avons rencontré un petit nombre d’anomalies dans nos données, et ce n’est qu’une fois que nous avons épuisé toutes les explications possibles dans le modèle standard de la physique, que nous pouvons envisager d’autres idées qui repoussent ces limites. Nous n’en sommes vraiment pas encore là et certainement pas au point où des univers parallèles sont nécessaires ! », a déclaré Gorham, le chercheur principal de l’ANITA. Voilà, cela ne peut pas être plus clair.

Alors bien entendu, si nous y réfléchissons, la notion de cet univers parallèle qui a fait la une de nombreux journaux est un concept extrêmement intéressant et intrigant.

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Des particules mystérieuses ont été détectées par ANITA en 2016. Crédits : Ryan Nichol/UCL Physics & Astronomy

En effet, cela sous-entend l’existence d’un anti-univers dominé par l’antimatière, remontant dans le temps depuis le Big Bang et avec des propriétés spatiales inversées à celles de notre propre univers, obéissant à la règle fondamentale de la symétrie CPT (une symétrie des lois physiques pour les transformations impliquant de manière simultanée la charge, la parité et le temps) à la plus grande échelle imaginable. Ce qui peut mener à des réflexions et à des questionnements fantastiques.

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Un article spéculatif a lié cette idée d’« univers symétrique CPT » avec les détections anormales effectuées par ANITA. Mais malheureusement, la manière dont ce dernier a été contextualisé dans l’article original payant a été entièrement perdue dans les très nombreuses itérations de « La NASA a découvert un univers parallèle », qui sont apparues sur internet ces derniers jours.

« Dans ce cas, un ou plusieurs journalistes ont évidemment pris les devants avec un article qui n’a pas été vérifié, et pour des raisons qui ne sont pas claires, nous ont attribué des recherches et des articles que nous n’avons jamais écrits, et des théories, telles que celles impliquant des univers parallèles, à propos desquelles ni nous ni nos collaborateurs avons émis d’hypothèse ou discuté dans aucune publication, avant que ces résultats ne soient attribués à notre expérience », explique Gorham.

« C’est l’une des raisons pour lesquelles les progrès scientifiques se déroulent selon un processus précis, mesuré, grâce à l’examen par des pairs et à la vérification par d’autres chercheurs », a ajouté Gorham.

Sources : University of Hawai’i News, Physical Review Letters, Letters in High Energy Physics

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