Vie sur Terre : découverte d’une nouvelle réaction chimique qui aurait pu en être à l’origine

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La réaction de formose constituerait l’une des réactions d’autocatalyse les plus susceptibles de s’être déroulées sur la Terre primitive. Dans le cadre d’une nouvelle étude, des chercheurs ont découvert que l’ajout dans la réaction d’un composé appelé cyanamide aurait pu conduire à la formation de ribonucléotides, les molécules formant l’ARN et l’ADN, composant toute forme de vie sur la planète.

Toute forme de vie sur Terre est constituée d’ADN, lui-même composé de deux brins d’ARN reliés. Des chercheurs de l’Université de la Nouvelle-Galle du Sud (UNSW) suggèrent que les réactions autocatalytiques auraient pu jouer un rôle dans la création des ribonucléotides formant l’ARN et ainsi dans l’apparition de la vie. Ces chaînons primordiaux sont désignés sous le nom « chemotons », et sont capables de croître, de se diviser et d’évoluer. Pour ce faire, ils seraient alimentés par un système autocatalytique autonome capable de fournir constamment des substrats pour générer en boucle les mêmes réactions.

Afin de créer une cellule, une réaction autocatalytique fournirait par exemple un substrat pour deux autres cycles autocatalytiques, permettant la synthèse d’un polymère génétique et la production de composants (par exemple des lipides) pour la structure de la cellule. Ce type de réaction joue également un rôle essentiel dans la régulation de nombreux processus biologiques, tels que les battements cardiaques et la division cellulaire.

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Dans le contexte de la chimie prébiotique, différentes réactions autocatalytiques ont été étudiées indépendamment. Cependant, la manière dont ces réactions pourraient être intégrées ensemble pour soutenir la création des molécules à la base de la vie est peu explorée. La nouvelle étude de l’UNSW vise à intégrer l’autocatalyse, notamment la réaction de formose (une réaction chimique importante pour la synthèse de sucres), avec une voie chimique connue pour produire des précurseurs de nucléotides. L’équipe de recherche suggère qu’il y a de fortes chances que ces conditions se soient produites avec les molécules simples et les conditions complexes trouvées sur la Terre primitive.

Des précurseurs de nucléotides plus stables

Découverte en 1861 par le chimiste russe Alexandre Boutlerov, la réaction de formose serait l’une des principales réactions autocatalytiques qui auraient pu se produire avant l’apparition de la vie sur Terre, en raison de l’abondance de matières premières et de conditions nécessaires. Elle consiste principalement à polymériser le formaldéhyde pour former des sucres tels que les pentoses. La réaction débute par l’addition de l’aldol entre le glycolaldéhyde et le formaldéhyde (CH2O) pour former du glycéraldéhyde. Une addition ultérieure d’aldol et de formaldéhyde produit une chaîne de réactions complexes générant des molécules de sucre. Les réactions se poursuivent jusqu’à ce que le formaldéhyde s’épuise et que les produits commencent à se dégrader pour former du goudron.

Ainsi, cette réaction aurait pu être une source de ribose (le suffixe -ose caractérise les molécules de sucre) pour la formation de ribonucléotides (la liaison d’une base nucléique avec le ribose). En outre, elle partage certains ingrédients avec la voie biochimique de Powner-Sutherland (proposée pour l’origine de la vie), spécifiquement connue pour la synthèse de ribonucléotides. Cependant, les deux réactions n’ont jusqu’à présent jamais été reliées.

En effet, la réaction de formose est fortement non sélective, c’est-à-dire que mis à part les produits souhaités, elle produit beaucoup d’autres molécules non désirées. « De manière générale, les chimistes ont tendance à éviter la complexité afin de maximiser la quantité et la pureté d’un produit. Cependant, cette approche réductionniste peut nous empêcher d’étudier les interactions dynamiques entre différentes voies chimiques », explique l’auteur principal de la nouvelle étude, Quoc Phuong Tran, de l’UNSW.

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Ce schéma illustre deux processus chimiques interdépendants. Premièrement, il démontre comment le cycle autocatalytique de Breslow, un mécanisme chimique fondamental (en gras), contribue à la formation de l’ARN et des nucléotides de l’ATN. Cette formation se fait via le 2-aminooxazole (2-NH2Ox), dont le rôle a été mis en lumière par les recherches antérieures de Sutherland et son équipe (indiqué par des pointillés). Deuxièmement, le schéma explique la synthèse du 2-aminooxazole lui-même, qui est produit à partir de la réaction du glycolaldéhyde avec le cyanamide sous l’effet d’une base générale. Ces interactions complexes sont essentielles pour comprendre la chimie de l’ARN et de l’ATN. © Chemical Science (2023)

Toutefois, il est important de noter qu’il est peu probable que le formaldéhyde et d’autres sucres simples aient existé sous forme de mélanges purs sur la Terre primitive. De tels composés coexistaient probablement avec d’autres molécules prébiotiques. Or, on sait peu de choses sur la façon dont ces molécules affectent la cinétique de la réaction de formose et la distribution des produits.

Dans leur nouvelle étude, parue dans la revue Chemical Science, l’équipe de l’UNSW a essayé d’ajouter du cyanamide (un composé chimique simple utilisé dans l’agriculture et la synthèse de médicaments) à la réaction de formose. L’hypothèse est que cela permettrait aux molécules clés produites d’être autosélectionnées, afin de former des ribonucléotides. Plus précisément, « l’ajout de cyanamide réquisitionne la réaction de formose pour la synthèse des précurseurs nucléotidiques, observable par des changements dans la cinétique et la distribution des produits », expliquent les auteurs dans leur document.

Les effets du cyanamide et du 2-aminooxazole (2-NH2Ox) — son produit de cyclisation (une réaction chimique où les molécules se combinent pour former un cycle) avec le glycoaldéhyde (un autre composé organique simple) — sur la cinétique (la vitesse et le déroulement) de la réaction de formose ont été déterminés par le biais de différentes techniques, telles que la chromatographie liquide à haute performance (une méthode permettant de séparer les composants d’un mélange).

La réaction du cyanamide avec le glycolaldéhyde pour former du 2-NH2Ox, est un intermédiaire (une étape) dans la voie Powner-Sutherland. Il a été constaté que contrairement au 2-NH2Ox, le cyanamide avait un effet inhibiteur de cette cinétique de réaction. De plus, la synthèse autocatalytique (une réaction où le produit aide à accélérer la réaction elle-même) de sucres a pu être efficacement réquisitionnée pour la production de précurseurs nucléotidiques (les blocs de construction de l’ADN et de l’ARN). Bien que ces derniers n’ont pas été produits en grandes quantités, ils étaient plus stables et moins susceptibles de se dégrader que ceux synthétisés par le biais d’autres réactions. « Ces interactions, qui se produisent partout dans le monde réel en dehors du laboratoire, constituent sans doute le pont entre la chimie et la biologie », suggère Tran.

Par ailleurs, la réaction permettrait une production industrielle et à moindre coût de 2-NH2Ox, couramment utilisé en pharmacologie. La production conventionnelle du composé nécessite notamment l’addition du cyanamide et du glycolaldéhyde, ce dernier étant particulièrement coûteux. La réaction de formose n’en nécessite que de très petites quantités et peut produire plusieurs cycles.

Source : Chemical Science

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