Uranus, cette géante glacée, est souvent considérée comme ayant une atmosphère inerte, comparée à la Terre. Mais récemment, des astronomes ont découvert un vortex polaire, une tempête tourbillonnante ancrée à son pôle Nord. Cette découverte, rendue possible grâce à des observations minutieuses et à l’analyse d’ondes radio, met en lumière une atmosphère plus complexe et active que ce que l’on pensait auparavant. Approfondir les connaissances sur Uranus permettrait de lever le voile sur l’une des zones d’ombre de notre système solaire et, peut-être, de mieux comprendre les exoplanètes.
Uranus, septième planète du système solaire, est un peu laissée pour compte dans les objectifs des missions. En effet, jusqu’à présent, seule la sonde Voyager 2 de la NASA a survolé Uranus, le 24 janvier 1986. Les agences spatiales ont des ressources limitées et doivent donc prioriser leurs missions. Concrètement, l’accent a été mis sur l’étude de planètes plus proches, comme Mars, ou de planètes géantes gazeuses, comme Jupiter et Saturne, qui sont considérées comme ayant un potentiel plus élevé pour la recherche scientifique.
Cependant, cette perception de planète inerte pour Uranus est en train d’évoluer. Récemment, des astronomes du Jet Propulsion Laboratory (JPL) ont découvert un vortex atmosphérique relativement chaud tourbillonnant sous les nuages d’Uranus. Cette découverte a été réalisée grâce à la détection d’émissions thermiques sous forme d’ondes radio captées par le Very Large Array (VLA) de radiotélescopes au Nouveau-Mexique. L’étude est publiée dans la revue Geophysical Research Letters.
Un cyclone polaire perturbateur sur Uranus
Lorsque la sonde Voyager 2 de la NASA a survolé Uranus en janvier 1986, elle a détecté des changements de vitesse du vent, atteignant jusqu’à 900 km/h, au pôle sud de la planète, ce qui est cohérent avec l’existence d’un vortex polaire. Cependant, Voyager 2 n’a pas pu observer le pôle nord de la planète et un vortex éventuel.
Depuis 2015, Uranus a suffisamment évolué autour du Soleil pour que les scientifiques puissent avoir une vue plus claire de son pôle nord à mesure que la planète entre dans le printemps boréal. En 2018 et 2022, le télescope spatial Hubble a observé une calotte brillante et brumeuse au-dessus du pôle nord d’Uranus — la première preuve d’un cyclone polaire.
Les observations récentes d’Uranus par le VLA ont permis de mesurer la circulation atmosphérique et le changement de température dans cette calotte polaire. Le VLA a détecté un « collier sombre » entourant la planète à 80 degrés de latitude, reflétant un collier lumineux observé par Voyager 2 autour de son pôle sud, qui est considéré comme une partie plus dense de l’atmosphère.
À l’intérieur de ce collier sombre, le VLA a détecté un point lumineux, indiquant des températures, au centre du vortex, plus chaudes de plusieurs degrés comparés à l’extérieur (où les températures peuvent descendre jusqu’à -224 degrés Celsius). Un point plus chaud et plus lumineux comme celui-ci est typique d’un cyclone ou vortex.
Les scientifiques de la NASA ont utilisé des observations par micro-ondes pour le repérer, chaque image produite utilise des plages spécifiques de fréquences dans ce spectre et plus précisément, les bandes K, Ka et Q, couramment utilisées dans les applications de télécommunications, de radiodiffusion et de radar. Comme elles peuvent pénétrer les nuages et autres phénomènes atmosphériques qui pourraient bloquer d’autres types de radiations, elles sont privilégiées pour détecter tempêtes et cyclones, comme dans le cas présent.
Contrairement aux cyclones terrestres, le vortex polaire d’Uranus n’est pas formé de vapeur d’eau, mais de glaces de méthane, d’ammoniac et de sulfure d’hydrogène. De plus, il ne dérive pas, mais reste ancré au pôle.
Alex Atkins, du JPL et qui a dirigé les observations, explique dans un communiqué : « Les observations nous en disent beaucoup plus sur l’histoire d’Uranus. C’est un monde beaucoup plus dynamique que vous ne le pensez ».
De futures missions pour la décennie à venir
Dans le récent Planetary Science and Astrobiology Decadal Survey publié par les Académies nationales américaines, Uranus a été mise en avant comme une priorité pour une nouvelle mission spatiale. Pour soutenir cet objectif, les scientifiques de la planète redoublent d’efforts pour étudier Uranus afin d’aider à définir les objectifs scientifiques de toute future mission.
En avril 2022, la NASA annonçait une potentielle future mission vers Uranus d’ici 2040, nommée Uranus Orbiter and Probe (UOP). La mission verrait un vaisseau spatial passer plusieurs années en orbite autour du géant de glace, avec une sonde potentielle effectuant une plongée dans l’atmosphère d’Uranus.
Un lancement pourrait avoir lieu dès le début des années 2030, permettant l’arrivée du vaisseau spatial sur la planète dans les années 2040 ou au-delà. Il lui faudra donc entre 12 et 15 ans pour parcourir les plus de 3,2 milliards de kilomètres séparant la Terre et Uranus.
En attendant, observer et mieux comprendre les cyclones polaires d’Uranus est un objectif scientifique clé, permettant de déterminer le meilleur moment pour envoyer une sonde spatiale et prévoir les conditions que la sonde pourrait rencontrer.
D’ailleurs, les scientifiques ont observé des changements dans le vortex polaire d’Uranus qui semblent coïncider avec le changement de saison sur la planète, entrant dans son printemps boréal. Il faut savoir que cette dernière a une inclinaison axiale extrême (la planète est presque « couchée » sur le côté par rapport à son orbite), ses saisons sont très différentes de celles de la Terre. Une saison sur Uranus dure environ 21 années terrestres.
La découverte de ce vortex polaire sur Uranus est une étape importante dans l’étude de cette planète, mais aussi pour d’autres planètes. La présence de vortex polaire semble être une caractéristique commune aux planètes ayant une atmosphère suffisamment dense ou épaisse pour avoir un impact significatif sur leur climat, météorologie et d’autres aspects de leur environnement. La compréhension de ces phénomènes sur Uranus pourrait donc aider à comprendre des phénomènes similaires sur d’autres mondes.