Le laser à rayons X le plus puissant du monde a créé un « trou noir moléculaire ».
Pour mettre en perspective la puissance de ce laser à rayons X, imaginez que toute la lumière du Soleil frappe la planète Terre à un moment donné, concentrée sur une seule et unique petite surface faisant 1 cm x 1 cm. Puis, multipliez encore l’intensité de cette lumière par 100. Voici l’incroyable puissance du laser à rayons X le plus puissant au monde.
Les scientifiques ont concentré l’intensité totale de ce laser sur une seule molécule et ont constaté un résultat surprenant : cela a généré un phénomène que personne n’avait encore observé auparavant, un véritable « trou noir » moléculaire a été créé, consommant tout sur son passage. « Nous ne nous attendions certainement pas à cela au vu des mesures précédentes », explique un membre de l’équipe, Sebastien Boutet du SLAC National Accelerator Laboratory, au Département de l’Énergie des États-Unis.
Frapper des molécules avec des lasers n’a rien de nouveau. Lors de précédentes expériences, les physiciens ont utilisé des lasers possédant une intensité plus faible pour exploser des petites molécules d’iodométhane et éliminer les électrons entourant leur unique atome d’iode.
Mais lorsque Boutet et son équipe ont concentré une impulsion laser à rayons X ultra-intense sur des molécules similaires, cela a donné lieu à un vide vorace, qui a commencé à attirer des électrons du reste de la molécule, tel un trou noir microscopique, avant d’exploser rapidement. « Il a généré beaucoup de charge à l’intérieur de l’atome, et il aspirait tout ce qui l’entourait. Il ne semblait pas s’arrêter », explique un autre membre de l’équipe, Daniel Rolles de l’Université du Kansas.
L’expérience était terminée très rapidement : tout était fini en moins de 30 femtosecondes, soit un millionième d’un milliardième de seconde. La molécule des chercheurs a été dépouillée de plus de 50 électrons, bien plus que prévu, en fonction de ce que les faisceaux moins intenses avaient effectué auparavant.
Dans un premier temps, l’équipe a expérimenté la technique avec des atomes simples de xénon, en utilisant des miroirs spéciaux pour focaliser le faisceau de rayons X dans une zone d’un peu plus de 100 nanomètres de diamètre (donc 1000 fois plus petit que la largeur moyenne d’un cheveu humain). Le faisceau de rayons X a alors dépouillé les atomes de xénon de leurs électrons, créant ce que l’on appelle un « atome creux ». Mais cet état n’a pas duré longtemps car les électrons des parties extérieures de l’atome ont commencé à tomber pour remplir le vide, avant d’être heurtés par un autre faisceau laser. Tout ce qui a fini par rester dans ces atomes, étaient les électrons les plus étroitement liées.
Ce comportement rappelle ce que les chercheurs ont observé dans des expériences antérieures, lorsqu’ils utilisaient des rayons laser à faible énergie. Mais les résultats étaient différents lorsqu’ils ont observé ce qui est arrivé aux atomes d’iode dans les molécules d’iodométhane plus grandes.
L’atome d’iode, dépouillé de ses électrons, a commencé à arracher des électrons à partir de ses atomes de carbone et d’hydrogène, en les attirant comme un trou noir engloutirait de la matière qui s’aventure trop près de son horizon des événements.
À chaque fois que l’atome attirait les électrons volés, le faisceau laser les frappait encore pour les expulser à nouveau et au final, l’atome finissait par perdre 54 électrons. L’équipe a ensuite reproduit cette expérience en utilisant une molécule d’iodobenzène encore plus grande, et un phénomène similaire s’est produit.
Au total, le laser à rayons X a expulsé 54 des 62 électrons de la molécule, lui donnant une charge 54 fois supérieure de ce qu’elle serait dans un état non excité. Selon les chercheurs, il s’agit de la charge la plus extrême (ou le niveau d’ionisation le plus extrême), jamais réalisé à l’aide de la lumière.
Les scientifiques soupçonnent que la plus grande molécule d’iodobenzène aurait pu aspirer et perdre encore plus que les 54 électrons de la molécule d’iodométhane. « Nous pensons que l’effet était plus important pour la plus grande molécule que pour la plus petite, mais nous ne savons pas encore comment le quantifier », explique un autre membre de l’équipe, Artem Rudenko, de l’Université du Kansas. « Nous estimons que plus de 60 électrons ont été expulsés, mais nous ne savons pas vraiment où cela s’est arrêté, car nous ne pouvions pas détecter tous les fragments qui ont été expulsés lorsque la molécule s’est séparée pour constater combien d’électrons manquaient. C’est l’une des questions ouvertes que nous devons étudier », a-t-il conclu.
L’équipe souligne qu’il faudra encore d’autres expériences afin de comprendre exactement ce qui se passe.