6e extinction massive : plus de 500 espèces de vertébrés « au bord du gouffre »

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| Wikimedia Commons/ Charles J. Sharp
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Des biologistes viennent de publier les résultats d’une étude sur la sixième extinction massive qui se déroule actuellement dans une indifférence quasi générale. En un siècle, des centaines d’espèces de vertébrés ont déjà disparu de la planète et le phénomène s’accélère. Aujourd’hui, les chercheurs estiment que 515 espèces sont « au bord du gouffre ». À travers leur étude, ils soulignent l’urgence de prendre des mesures à l’échelle mondiale pour sauver ce qui peut encore l’être.

Pourquoi le phénomène s’accélère-t-il ? Parce que la population humaine augmente de façon dramatique et s’approprie toujours plus d’espace. La pollution de l’environnement et la déforestation massive entraînent un taux d’extinction sans précédent des espèces. En outre, ces dernières sont étroitement liées les unes aux autres au sein des écosystèmes, où elles cohabitent en équilibre : la disparition de l’une entraîne nécessairement la disparition d’une autre…

Une extinction de masse avérée

Des millions de populations ont disparu au cours des 100 dernières années, et la plupart des gens l’ignorent. Pourtant, ces pertes concernent de grands animaux et des végétaux remarquables. Les auteurs de l’étude précisent que dans un échantillon de 177 espèces de grands mammifères, la plupart ont perdu plus de 80% de leur aire de répartition géographique au cours du siècle dernier, impliquant une extirpation très importante des populations. De même, une étude récente a montré que 32% de plus de 27’000 espèces de vertébrés voient leurs populations décliner.

Les insectes et autres invertébrés ont également subi d’énormes pertes. Environ 75% de tous les insectes volants des parcs nationaux en Allemagne ont disparu en 25 ans, et de nombreux signes indiquent que de nombreuses espèces d’insectes sont en train de s’éteindre. Des pertes similaires ont été documentées pour diverses espèces de palourdes, d’escargots et d’étoiles de mer.

Les populations plus petites deviennent plus isolées et donc plus sujettes à l’extinction pour causes naturelles (consanguinité, accidents) et humaines. En outre, lorsque le nombre d’individus dans une population ou une espèce chute trop bas, leur contribution aux fonctions et services écosystémiques devient anecdotique. Leur variabilité génétique et leur résilience sont réduites également.

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Quelques exemples de vertébrés terrestres « au bord du gouffre » (moins de 1000 individus) : (A) le rhinocéros de Sumatra, (B) le troglodyte de Clarion, (C) la tortue géante d’Espagne et (D) la grenouille arlequin. Crédits (dans l’ordre) : Rhett A. Butler/ Claudio Contreras Koob/ GC

Malgré les cinq premières extinctions de masse qui ont eu lieu au cours des 450 derniers millions d’années – qui ont chacune entraîné la disparition de 70 à 95% des espèces végétales, animales et de micro-organismes – le nombre d’espèces vivant sur la planète est aujourd’hui plus élevé que jamais. Mais nous sommes entrés dans une nouvelle phase d’extinction ; ces pertes massives sont causées, directement ou indirectement, par les activités humaines.

Ce qu’il faut bien comprendre c’est que la disparition d’une espèce peut avoir de lourdes conséquences. Chaque fois qu’une espèce ou une population disparaît, la capacité de la Terre à maintenir les services écosystémiques s’érode dans une certaine mesure, selon l’espèce ou la population concernée. Chaque population est susceptible d’être unique et de jouer un rôle bien particulier dans son écosystème. Et l’Homme a besoin de ces écosystèmes : pour maintenir un climat relativement stable, pour disposer de flux d’eau douce, pour lutter contre les ravageurs et les vecteurs de maladies agricoles, pour polliniser les cultures, etc. Nous pourrions donc subir de plein fouet les répercussions de cette extinction de masse (dont nous sommes nous-mêmes la cause…).

Les principales victimes : les oiseaux et les amphibiens

Dans le cadre de leur étude, les experts se sont penchés sur 29’400 espèces de vertébrés terrestres pour déterminer lesquelles étaient au bord de l’extinction : ils ont identifié 515 espèces (soit 1,7% des vertébrés évalués) particulièrement en danger. Celles-ci comptent moins de 1000 individus et la plupart ont perdu la majorité de leur aire de répartition géographique.

Parmi ces 515 espèces jugées en danger critique d’extinction, le plus grand nombre de mammifères se trouve en Asie et en Océanie, tandis que la plupart des oiseaux vivent en Amérique du Sud et en Océanie. Les reptiles, répartis en très petites populations, se trouvent principalement en Amérique du Nord et en Asie, tandis que les amphibiens se trouvent sur le continent américain. Proportionnellement, plus d’espèces d’oiseaux sont aujourd’hui proches de l’extinction, suivies par les amphibiens, puis les mammifères et les reptiles.

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Taille des populations d’espèces de vertébrés terrestres au bord de l’extinction (moins de 1000 individus). La plupart de ces espèces comptent moins de 250 individus. Ces quelques individus sont dispersés dans plusieurs petites populations. Crédits : G. Ceballos et al.

Plus de la moitié des espèces « au bord du gouffre » sont réduites à 250 individus ou moins. Sans surprise, ces espèces sont concentrées dans les zones fortement impactées par l’Homme. Les espèces « un peu moins menacées » d’extinction (qui comptent moins de 5000 individus) se trouvent pour la plupart dans les mêmes régions que les espèces en danger critique d’extinction. Dans ces zones, la biodiversité s’effondre. Une preuve supplémentaire, selon les chercheurs, que cette sixième extinction de masse est causée par l’Homme.

Un taux d’extinction 117 fois plus élevé que la normale

Pour mieux comprendre l’étendue et l’importance de l’extinction des populations, les auteurs de l’étude ont comparé les répartitions historiques et actuelles de 48 espèces de mammifères et de 29 espèces d’oiseaux au bord de l’extinction : ces aires de répartition se sont considérablement réduites. Les données suggèrent et que ces espèces ont perdu en moyenne 95% et 94% de leur aire de répartition géographique depuis 1900 ! Sur la période, environ 3600 populations des 48 espèces de mammifères et 2930 populations des 29 espèces d’oiseaux ont disparu. En appliquant la diminution de l’aire de répartition aux 515 espèces de vertébrés en danger, les chercheurs estiment à 237’000 le nombre de populations ayant disparu depuis 1900.

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Répartition actuelle de 515 espèces de vertébrés terrestres proches de l’extinction (en haut) et des 903 espèces avec moins de 5000 individus (en bas). Sur les 388 espèces composées de 1000 à 5000 individus, 84% ont des répartitions similaires à celles des espèces proches de l’extinction. Crédits : G. Ceballos et al.

D’ici 2050, ces espèces devraient rejoindre les quelque 543 espèces de vertébrés qui ont déjà disparu depuis 1900, portant à 1058 le nombre total de vertébrés éradiqués de la surface de la planète. Selon le taux d’extinction des 2 derniers millions d’années, 2 espèces sur 10’000 devraient disparaître en un siècle. Par conséquent, pour les 29’400 espèces de vertébrés évaluées dans cette étude, on pourrait s’attendre à 9 extinctions en 150 ans, entre 1900 et 2050. Mais au lieu des 9 extinctions prévues, 1058 espèces pourraient disparaître ! Ainsi, le taux d’extinction d’ici 2050 serait 117 fois plus élevé que le taux de base.

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Les scientifiques font retentir une nouvelle fois la sonnette d’alarme. Leurs résultats prouvent que le taux d’extinction s’accélère de façon dramatique. Les activités humaines entraînant la perte et la fragmentation de l’habitat, mais aussi le commerce illégal, la surexploitation, l’introduction d’espèces domestiques et sauvages, et la pollution jouent un rôle majeur dans cette catastrophe écologique. Plus récemment, les perturbations climatiques deviennent elles aussi une cause majeure de mise en danger des espèces. Les auteurs de l’étude rappellent qu’il est urgent de prendre des mesures efficaces pour sauver les espèces menacées d’extinction, mais, pour réussir, ces efforts doivent être rapides, déterminés et généralisés.

Source : PNAS, G. Ceballos et al.

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