Des astronautes ont produit de l’oxygène et du carburant pour fusée à bord de la station spatiale chinoise Tiangong à l’aide de la photosynthèse artificielle – une première. Contrairement aux autres technologies du genre, le dispositif fonctionne dans des conditions ambiantes et ne nécessite que peu d’énergie. Cette prouesse technique s’inscrit dans une série d’expériences visant à terme à appuyer les objectifs de missions spatiales longue durée de la Chine.
Opérant en orbite terrestre basse (entre 300 et 400 kilomètres d’altitude) depuis novembre 2022, la station spatiale Tiangong (qui signifie « palais céleste ») a déjà réalisé des expériences scientifiques pionnières. Elle a notamment pour objectif de mener une série d’expériences allant de la physique à la biomédecine, en passant par la robotique spatiale.
Parmi ces expériences figurent par exemple l’étude du comportement des fluides partiellement miscibles en microgravité, la spectroscopie en proche ultraviolet pour l’étude des nébuleuses et du milieu interstellaire, l’étude de l’influence de la microgravité et des radiations spatiales sur l’évolution des cellules cancéreuses et l’étude du comportement des flammes et de la combustion en microgravité. Cette dernière a été réalisée récemment en collaboration avec le Japon et inclut la première expérience d’allumage d’une allumette dans l’espace.
Au-delà de la recherche scientifique, les expériences à bord de Tiangong visent également à soutenir les vols spatiaux de longue durée en renforçant l’autonomie des astronautes. Par exemple, l’équipage de la station a récemment réussi à cultiver de la laitue et des tomates. La dernière expérience quant à elle, visait à produire de l’oxygène et du carburant pour fusée dans un espace confiné à l’aide de la photosynthèse artificielle.
Un dispositif polyvalent et peu gourmand en énergie
Le transport d’oxygène pour les missions spatiales est extrêmement coûteux et complexe d’un point de vue logistique. Afin de renforcer l’autonomie des astronautes, la Chine a commencé à étudier la photosynthèse artificielle dans l’espace en 2015. Peu de détails ont été révélés concernant le dispositif développé à cet effet, mais des sources locales affirment qu’il consiste en un système de tiroirs incluant des catalyseurs semi-conducteurs.
La dernière série de 12 expériences a été réalisée par l’équipage de la mission Shenzhou-19, actuellement à bord de la station. Les chercheurs ont converti le dioxyde de carbone et l’eau en oxygène et en éthylène par le biais d’une réaction photosynthétique. L’éthylène, un hydrocarbure, pourrait potentiellement être utilisé en tant que carburant pour fusée.
« Cette technologie imite le processus naturel de photosynthèse des plantes vertes grâce à des méthodes physiques et chimiques élaborées, en utilisant les ressources en dioxyde de carbone dans des espaces confinés ou des atmosphères extraterrestres pour produire de l’oxygène et des carburants à base de carbone », a rapporté la chaîne de télévision publique chinoise CCTV. « Ces travaux devraient fournir un soutien technique essentiel à la survie humaine et à l’exploration de l’espace ».
Fonctionnant à température et pression ambiantes, le dispositif contraste avec ceux conventionnels qui nécessitent généralement des conditions extrêmes. Cela lui permet de consommer très peu d’énergie, notamment beaucoup moins que le dispositif électrolytique de production d’oxygène de la Station spatiale internationale (ISS). Ce dernier produit de l’oxygène à partir de l’eau en utilisant jusqu’à un tiers de la puissance de sortie de la station.
Par ailleurs, le dispositif de Tiangong est polyvalent et permet de produire une variété de composé. Il serait conçu pour faciliter les mises à niveau en orbite, permettant ainsi d’étudier différents catalyseurs et réactions. La manipulation des catalyseurs permettrait d’obtenir différents produits de réaction, dont l’éthylène, le méthane (également un hydrocarbure) et l’acide formique (un précurseur de la synthèse du sucre qui peut aussi être utilisé comme conservateur ou agent antibactérien).
Une étape supplémentaire vers la future base lunaire chinoise
Le développement de ce dispositif marque une avancée importante vers les objectifs spatiaux à long terme de la Chine. Il constitue notamment une démonstration de la possibilité de production de ressources essentielles aux astronautes dans l’espace. Il pourrait être utilisé au sein de la base lunaire que le pays prévoit de construire près du pôle Sud de la Lune d’ici 2035.
Les astronautes pourraient produire de l’oxygène sur place ainsi que du carburant pour les vols de retour sur Terre, en utilisant l’eau présente à la surface de la Lune et le CO2 produit par la respiration humaine. Cela réduirait considérablement les dépenses liées à la logistique, tout en permettant d’économiser de l’espace pour les charges utiles.
L’Administration spatiale chinoise a également annoncé l’année dernière que des robots seront utilisés pour la construction de mini-réacteurs nucléaires pour alimenter la base lunaire. Le pays prévoit en outre de construire une station internationale de recherche lunaire (ILRS), qui nécessitera probablement une importante présence humaine sur place. Alors que la NASA continue de prendre du retard sur ses prochaines missions vers la Lune, la Chine prévoit d’y envoyer ses premiers astronautes d’ici 2030.