Souvent qualifiées de « centrales énergétiques » des cellules, les mitochondries jouent un rôle clé dans le métabolisme en générant l’énergie indispensable au bon fonctionnement de l’organisme. Lorsqu’elles dysfonctionnent, les conséquences peuvent être graves, notamment dans le cadre du diabète de type 2. Si des anomalies mitochondriales ont déjà été identifiées dans les cellules bêta pancréatiques productrices d’insuline chez les patients diabétiques, les mécanismes sous-jacents restaient jusqu’ici mal compris. Une équipe de chercheurs américains a récemment levé une part du mystère, mettant en lumière un processus clé reliant ces dysfonctionnements à l’apparition de la maladie. Leurs travaux ouvrent la voie à de nouvelles approches visant à restaurer la fonction mitochondriale et, potentiellement, à inverser le diabète de type 2.
Présentes dans la plupart des cellules de l’organisme, les mitochondries assurent la production d’ATP (adénosine triphosphate), la principale source d’énergie cellulaire. Elles transforment les nutriments en énergie, permettant ainsi aux muscles, au cerveau et aux autres organes d’accomplir leurs fonctions vitales. Mais leur rôle ne s’arrête pas là : ces organites jouent également un rôle dans la gestion du stress oxydatif, un phénomène impliqué dans le vieillissement cellulaire et l’apparition de diverses pathologies.
Le bon fonctionnement des mitochondries peut être altéré par plusieurs facteurs : mutations génétiques, excès de stress oxydatif, mode de vie sédentaire ou alimentation déséquilibrée. Lorsque ces dysfonctionnements surviennent, la production d’énergie s’affaiblit, perturbant le métabolisme.
Dans le cadre du diabète de type 2, plusieurs études ont montré que les mitochondries des cellules musculaires et hépatiques des patients présentaient des anomalies. Ces altérations compromettent la capacité des cellules à répondre correctement à l’insuline, hormone régulatrice du taux de glucose sanguin. Cette résistance à l’insuline favorise alors une hyperglycémie chronique, principal facteur du développement du diabète.
Un lien bien établi, mais encore mal compris
Si l’implication des mitochondries dans le diabète de type 2 ne fait plus de doute, le mécanisme précis à l’œuvre demeure en grande partie inconnu. C’est dans ce contexte qu’une équipe de chercheurs de l’Université du Michigan a mené une étude approfondie. « Nous voulions identifier les voies essentielles au maintien d’une fonction mitochondriale optimale », explique Emily M. Walker, professeure adjointe de médecine interne, dans un communiqué.
Pour mieux comprendre ces interactions, les scientifiques ont mené des expériences visant dans un premier lieu à perturber trois éléments clés du fonctionnement mitochondrial chez des souris. Ils ont ciblé l’ADN mitochondrial, le processus d’élimination des mitochondries défectueuses et le mécanisme garantissant leur renouvellement et leur maintien en bon état.
« Dans les trois cas, une même réponse au stress a été déclenchée, entraînant une immaturité des cellules bêta, l’arrêt de la production d’insuline et une perte de leur fonction », détaille Walker. Selon les chercheurs, ces résultats suggèrent que les mitochondries sont capables d’envoyer des signaux au noyau, influençant ainsi le devenir cellulaire. Une hypothèse confirmée par des observations similaires dans des îlots pancréatiques humains. Partant de cette découverte, l’équipe a étendu ses recherches afin de déterminer si cette réponse au stress concernait d’autres types cellulaires.
Le diabète étant une maladie multisystémique, les scientifiques ont analysé les cellules hépatiques et les adipocytes des souris. Là encore, ils ont constaté un dysfonctionnement mitochondrial altérant la maturation et le fonctionnement normal des cellules, suggérant ainsi une perturbation métabolique plus large.
« Le diabète affecte plusieurs systèmes organiques. La prise de poids, la production excessive de glucose par le foie et l’altération des muscles en sont des manifestations », explique Scott A. Soleimanpour, directeur du Michigan Diabetes Research Center et auteur principal de l’étude. « C’est pourquoi nous avons élargi notre champ d’investigation », ajoute-t-il.
Une inversion du processus envisageable ?
Les travaux ont confirmé que le stress mitochondrial perturbait la maturation et le fonctionnement des cellules hépatiques et adipeuses, renforçant l’idée d’un rôle clé des mitochondries dans la progression du diabète. Une des découvertes importantes de l’étude est que ces dysfonctionnements n’entraînent pas la mort des cellules, ce qui suggère qu’il pourrait être possible de restaurer leur fonction en corrigeant les anomalies.
Pour tester cette hypothèse, les chercheurs ont administré à des souris, pendant quatre semaines, un composé baptisé ISRIB, conçu pour inhiber la réponse au stress cellulaire. Les résultats se sont révélés prometteurs : les cellules bêta ont retrouvé leur capacité à réguler efficacement la glycémie. Toutefois, il reste à déterminer si cette restauration est durable ou si elle dépend de l’administration continue du traitement.
L’équipe poursuit désormais ses recherches pour explorer plus en profondeur les voies cellulaires impliquées et tester ces conclusions sur des échantillons prélevés chez des patients diabétiques. Si ces résultats se confirment, ils pourraient déboucher sur de nouvelles approches thérapeutiques visant à restaurer la fonction mitochondriale et à améliorer la régulation de l’insuline chez les personnes atteintes de diabète de type 2.