Il est aujourd’hui avéré que la pratique régulière d’une activité physique est l’un des facteurs qui permettent de rester en bonne santé. Faire du sport permet d’entretenir le système cardiovasculaire, de renforcer la musculature et de maintenir un poids de forme. Parce qu’il permet aussi d’évacuer le stress et l’anxiété, et qu’il augmente l’estime de soi, l’exercice soutient également la santé psychique. Des chercheurs ont récemment découvert quel est exactement le mécanisme biologique lié à l’exercice, qui est à l’origine d’une partie de ces bienfaits.
L’activité physique se définit, selon l’OMS, comme « tout mouvement corporel produit par les muscles squelettiques qui requiert une dépense d’énergie ». Il est recommandé aux adultes d’effectuer au moins 2h30 à 5h d’activité d’endurance d’intensité modérée chaque semaine. Mais l’OMS estime que 25% des gens ne respectent pas ces recommandations. Les déplacements se font le plus souvent assis dans les transports, de nombreuses professions impliquent d’être assis à un bureau toute la journée et l’emploi du temps laisse souvent peu de place aux loisirs sportifs…
Pourtant, jusqu’à 5 millions de décès par an pourraient être évités si la population mondiale était plus active. En effet, la sédentarité augmente le risque de développer de nombreuses pathologies, telles qu’une maladie cardiovasculaire, un cancer ou un diabète. La résistance à l’insuline et le diabète de type 2 ont ainsi atteint « des proportions épidémiques dans le monde », notent les chercheurs. Ils viennent toutefois d’identifier une enzyme spécifique, induite par l’exercice physique, qui empêche le développement de l’insulinorésistance.
Un mécanisme porté par une enzyme du muscle squelettique
L’exercice entraîne une exposition des muscles squelettiques à des stress intenses, qui stimulent des réponses physiologiques compensatoires et adaptatives, explique l’équipe. Ces réponses adaptatives augmentent la tolérance et protègent contre les facteurs de stress ultérieurs et sont considérées comme importantes pour les effets bénéfiques de l’exercice sur la santé. Par exemple, l’exercice favorise l’absorption du glucose et la synthèse du glycogène et augmente la sensibilité à l’insuline — des effets qui persistent longtemps après l’arrêt de l’exercice.
À mesure que nous vieillissons, de par une activité physique de plus en plus réduite, notre organisme développe une résistance à l’insuline, qui peut aboutir à un diabète de type 2. Mais jusqu’à présent, les scientifiques ignoraient pourquoi le manque d’activité entraîne ce phénomène et au contraire, pourquoi l’exercice provoque des effets durables sur la sensibilité à l’insuline. Des chercheurs de l’Université Monash, en Australie, ont donc tenté d’identifier précisément le mécanisme qui liait l’exercice et la réponse à l’insuline.
Ils ont découvert qu’une enzyme du muscle squelettique, la NADPH oxydase 4 (NOX4) — dont l’expression est augmentée par l’exercice et inversement, est réduite avec l’âge ou l’obésité — facilite les réponses adaptatives médiées par les espèces réactives de l’oxygène (ROS) qui préviennent les dommages oxydatifs, maintiennent la fonction musculaire et la capacité d’exercice, et atténuent le développement de la résistance à l’insuline. « Les ROS induites par l’exercice entraînent des réponses adaptatives qui font partie intégrante des effets bénéfiques de l’exercice sur la santé », résume le professeur Tony Tiganis, qui a dirigé l’étude.
Les ROS sont des espèces chimiques oxygénées (radicaux libres, ions oxygénés, peroxydes) particulièrement réactives du fait qu’elles possèdent des électrons de valence non appariés. Ce sont des sous-produits du métabolisme normal de l’oxygène, jouant un rôle majeur dans la communication cellulaire ; mais si leur concentration est trop élevée (on parle alors de « stress oxydatif »), ces espèces peuvent aussi endommager les structures cellulaires.
Une nouvelle cible pour atténuer les effets du vieillissement
Les muscles squelettiques produisent constamment de faibles niveaux de ROS. Mais grâce à une expérience menée sur des souris, l’équipe de Tiganis a constaté que le taux d’enzyme NOX4 dans les muscles squelettiques augmentait après l’exercice physique, entraînant à son tour une augmentation de la production de ROS qui protégeait les souris contre le développement d’une insulinorésistance. Parallèlement, l’expression accrue de NOX4 après l’exercice s’accompagnait d’une expression accrue du gène codant pour le facteur de transcription NFE2L2, qui est le principal régulateur de la défense antioxydante (protégeant ainsi l’organisme des effets délétères potentiels des ROS).
L’enzyme NOX4 s’avère donc cruciale pour améliorer la santé métabolique. « Inversement, les réductions de NOX4 dans le muscle squelettique au cours du vieillissement et de l’obésité contribuent au développement de la résistance à l’insuline », précisent les chercheurs. L’équipe a en effet réalisé une expérience sur des souris dépourvues de cette enzyme : la suppression de NOX4 dans le muscle a non seulement exacerbé le développement de la résistance à l’insuline avec le vieillissement et l’obésité, mais a également diminué les effets bénéfiques de l’exercice intense sur l’action de l’insuline !
L’incidence du diabète de type 2 augmente avec l’âge, le vieillissement de la population entraînera donc également une augmentation de l’incidence de la maladie dans le monde. C’est pourquoi il est urgent de développer de nouveaux traitements pour prévenir cette maladie. La découverte de Tiganis et son équipe pourrait potentiellement mener à un nouveau médicament permettant de stimuler l’activité de cette enzyme et ainsi protéger l’organisme de certaines conséquences du vieillissement. « Déclencher l’activation des mécanismes adaptatifs orchestrés par NOX4 avec des médicaments pourrait améliorer des aspects clés du vieillissement, y compris le développement de la résistance à l’insuline et du diabète de type 2 », explique Tiganis.
Pour activer ces mécanismes et ainsi améliorer sa santé métabolique, le spécialiste suggère de miser sur certains aliments, tels que les légumes crucifères (brocoli, chou-fleur, etc.), connus pour être particulièrement riches en antioxydants, « bien que la quantité nécessaire pour obtenir des effets anti-âge puisse être supérieure à ce que beaucoup seraient prêts à consommer », souligne-t-il.