Des astronomes ont découvert l’un des plus intenses évènements lumineux transitoires jamais observés. Le phénomène, caractérisé par un brusque changement de luminosité, proviendrait de l’activation spectaculaire d’un trou noir supermassif. Le « monstre » se serait soudainement réveillé, quittant une sorte d’état de « dormance », pour engloutir très rapidement la matière environnante.
Les évènements lumineux transitoires (ou tout simplement transitoires) sont des phénomènes hyperénergétiques se produisant sur une très courte durée. Ils peuvent provenir de différents objets et événements cosmiques tels que les supernovas. Ces dernières années, les astronomes ont remarqué de nouveaux types de transitoires extrêmement lumineux et beaucoup plus rares. Ces nouveaux transitoires seraient différents de ceux issus des supernovas et impliquent généralement des objets compacts actifs comme des trous noirs ou des étoiles à neutrons hautement magnétisées.
J221951, l’un de ces transitoires d’un nouveau genre, a été découvert par une équipe d’astronomes de l’Université de Birmingham en 2019. Alors qu’ils étaient à la recherche d’un évènement d’ondes gravitationnelles, ils ne s’attendaient pas à trouver à la place l’évènement transitoire né de l’activation cataclysmique d’un trou noir supermassif. Les résultats, prépubliés sur le serveur arXiv, ont été présentés à l’occasion de la dernière rencontre nationale d’astronomie à Cardiff, au Royaume-Uni.
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Un trou noir quittant son état de « dormance »
Pour la découverte de J221951, l’équipe de physiciens a utilisé le télescope spatial optique et ultraviolet SWIFT. Les chercheurs supposaient initialement qu’il s’agissait d’un évènement d’ondes gravitationnelles provenant d’une Kilonova — issue de la fusion d’étoiles à neutrons ou d’une étoile à neutrons avec un trou noir. Ce genre de phénomène apparaît généralement bleu à l’observation avec un décalage « rapide » vers le rouge (en quelques jours). Cependant, les chercheurs ont remarqué que bien que J221951 apparaissait bleu, il n’a pas changé aussi rapidement de couleur apparente qu’une kilonova.
En analysant le spectre de l’objet par le biais de données obtenues avec le télescope Hubble, les chercheurs ont découvert qu’il ne s’agissait pas d’un évènement d’ondes gravitationnelles. Le signal d’ondes gravitationnelles a notamment été détecté à 0,5 milliard d’années-lumière, alors que l’analyse spectrographique de J221951 indique qu’il se trouve à une distance de 10 milliards d’années-lumière. Son extrême luminosité à une aussi grande distance en ferait l’un des transitoires les plus lumineux jamais observés.
Les experts suggèrent que le transitoire provient d’un trou noir supermassif qui aurait eu un brusque « sursaut » d’activité, après une longue pause. En effet, une galaxie en décalage vers le rouge aurait été détectée exactement à l’emplacement de J221951, avant la découverte de ce dernier. Les analyses ayant exclu une origine galactique, les chercheurs en ont conclu que le transitoire provient du trou noir se trouvant naturellement en son centre.
Selon N. Paul Kuin, l’un des auteurs de la découverte et chercheur à l’University College de Londres, « la découverte clé a été lorsque le spectre ultraviolet de Hubble a exclu une origine galactique. Cela montre à quel point il est important de maintenir une capacité de spectrographe ultraviolet basée dans l’espace pour l’avenir ».
La source lumineuse s’est soudainement intensifiée environ 10 mois avant sa détection. Cette réaction soudaine s’expliquerait par le fait que le trou noir s’est en quelque sorte réactivé après une période de dormance et a recommencé à engloutir rapidement tout ce qui se trouvait autour. En outre, l’analyse du spectre ultraviolet révèle que la matière est repoussée vers l’extérieur par une intense libération d’énergie (le transitoire). Cette énergie était telle que les scientifiques estiment qu’il s’agit de l’une des plus intenses réactivations de trou noir connues à ce jour.
Pour expliquer l’extrême luminosité du transitoire, les astrophysiciens suggèrent deux hypothèses. La première implique un évènement de perturbation de marée, se produisant lorsqu’une étoile se fait « happer » et passe tout près de l’horizon des événements du trou noir supermassif. Des recherches antérieures ont suggéré une théorie similaire, selon laquelle les transitoires particulièrement énergétiques se produisent lorsqu’une étoile massive est perturbée par la marée d’un trou noir massif. La seconde hypothèse suggère que le changement d’état du trou noir supermassif (l’activation proprement dite du noyau galactique) serait si intense qu’une immense quantité d’énergie s’en libère.
Toutefois, « l’origine de J221951 ne peut pas être déterminée avec certitude, mais possède des propriétés compatibles avec un événement de perturbation de marée et l’activation d’un noyau galactique actif », précisent les chercheurs dans leur étude. Dans les deux cas, le trou noir est impliqué. Mais afin de déterminer laquelle de ces hypothèses est véritablement à l’origine du transitoire, une surveillance continuelle sera nécessaire au cours des prochains mois et années. Cela permettra entre autres de déterminer l’énergie totale libérée.
Si J221951 est dû à un évènement de perturbation de marée, sa luminosité continuera de s’estomper progressivement. Par contre, si l’activation d’un trou noir galactique en est à l’origine, nous devrions nous attendre à ce que l’évènement transitoire s’estompe puis augmente à nouveau en luminosité.