Depuis la pandémie de COVID-19, la santé est revenue au centre des préoccupations. Et l’alimentation est logiquement apparue comme l’un des principaux leviers à actionner pour améliorer sa santé. L’objectif ? Manger mieux pour renforcer ses défenses immunitaires, prévenir l’apparition de maladies chroniques (maladies cardiovasculaires, cancers, diabète, etc.) et ainsi vivre plus longtemps en bonne santé. Dans ce contexte, le marché de la nutrition personnalisée a connu une croissance spectaculaire.
Une étude publiée en 2018 dans le British Medical Journal définit la nutrition personnalisée comme « une approche qui utilise des informations sur les caractéristiques individuelles pour développer des conseils, des produits ou des services nutritionnels ciblés ». D’autres experts la définissent comme une stratégie qui aide les individus à parvenir à un changement de comportement alimentaire durable et bénéfique pour la santé. En d’autres termes, il s’agit de collecter des informations pertinentes sur un individu de manière à lui proposer une alimentation qui lui garantisse d’être en bonne santé.
Notez que l’approche peut aussi bien être appliquée à des personnes en bonne santé, qu’à d’autres présentant des susceptibilités génétiques accrues à des maladies spécifiques. Elle est également pertinente à certains moments de la vie où les besoins de l’organisme évoluent de façon temporaire ou permanente (grossesse, vieillesse). À tout âge, l’alimentation est un pilier de la santé ; pourtant, nos modes de vie et nos ressources ne permettent pas toujours de garantir notre équilibre alimentaire tout au long de la vie.
Le régime alimentaire idéal et universel n’existe pas
Il est avéré que les facteurs alimentaires contribuent largement au développement de maladies chroniques (aussi appelées maladies non transmissibles), telles que les maladies cardiaques, les accidents vasculaires cérébraux, le diabète de type 2 et le cancer. Elles sont responsables de 71% des décès dans le monde. La nutrition personnalisée est considérée aujourd’hui comme la première ligne de défense contre ces maladies.
Plusieurs régimes alimentaires sont couramment cités en exemple pour préserver sa santé : le régime méditerranéen (ou crétois), qui fait la part belle aux fruits et légumes ; le régime Okinawa — du nom de l’île japonaise habitée par une forte proportion de centenaires — qui consiste à manger jusqu’à n’être rassasié qu’à 80% ; le régime cétogène, qui comporte principalement des lipides et très peu de glucides ; le régime végétarien, etc.
Ces régimes peuvent effectivement avoir certaines vertus, mais ils ne sont pas forcément équilibrés, dans le sens où ils excluent souvent un ou plusieurs types d’aliments. Or, pour fonctionner de façon optimale, notre organisme a besoin d’un apport équilibré en glucides, lipides, protéines, fibres et micronutriments. Mais surtout, ces régimes-types s’adressent à une population dans son ensemble, sans prendre en considération les besoins propres à chaque individu. Or, un adolescent, un sportif, une personne diabétique, une femme enceinte, ou une personne de 50 ans n’auront pas du tout les mêmes besoins nutritionnels.
Non seulement ces individus n’ont pas les mêmes besoins, mais la réponse de l’organisme aux différents composants alimentaires — soit la façon dont il métabolise les différents nutriments — peut différer drastiquement d’un individu lambda à un autre. Sans oublier les personnes souffrant de la maladie cœliaque (intolérance au gluten), de la maladie de Crohn ou d’allergies alimentaires, dont les symptômes sont plus ou moins exacerbés en fonction de ce qu’ils ingèrent.
C’est pourquoi l’intérêt pour la nutrition personnalisée, et donc pour les « sciences omiques », est en hausse. Génomique nutritionnelle, métabolomique, protéomique, microbiomique… Des scientifiques identifient et analysent toutes les molécules pertinentes (protéines, métabolites, gènes, etc.), ainsi que le fonctionnement du système corporel, pour mieux cerner les besoins spécifiques d’un individu.
Salive, sang, urine, ADN, microbiote, tout est passé au crible. Ces données biologiques, auxquelles s’ajoutent les résultats de questionnaires personnalisés, sont ensuite analysées par des algorithmes qui déterminent le régime alimentaire le plus adapté à l’individu dont il est question. Il est notamment question d’identifier des prédispositions particulières, telles qu’une mauvaise absorption de certaines vitamines ou une inflammation causée par certains aliments.
Des conseils et des produits adaptés à chacun, et à chaque objectif
Et ça fonctionne ! Une étude visant à tester l’efficacité de la nutrition personnalisée menée en 2016 a montré qu’au bout de six mois, les conseils fournis dans ce cadre ont produit des changements « plus importants et plus appropriés dans le comportement alimentaire qu’une approche conventionnelle ».
Plusieurs entreprises proposent aujourd’hui des kits de tests pour déterminer quels aliments sont les plus adaptés en fonction de son objectif (perte de poids, remise en forme, réduction du stress, etc.). Ceci fait, divers produits et services sont proposés, tels qu’une supplémentation (vitamines, probiotiques, etc.), un coaching alimentaire numérique et/ou la livraison de repas.
Par exemple, la société américaine DNAfit — un acteur incontournable du secteur — propose d’établir un profil nutrigénétique personnalisé à partir d’un échantillon de salive, puis détaille comment créer un repas parfait selon l’objectif recherché. Il établit même des recettes et les listes de courses correspondantes ! Selon la formule choisie, ces recommandations peuvent s’accompagner d’informations sur la gestion du stress, le sommeil, etc. D’autres entreprises se basent sur l’analyse du microbiote (obtenu à partir d’un échantillon de selles).
Selon une récente analyse d’Allied Market Research, le marché mondial de la nutrition personnalisée s’élevait à 14,6 milliards de dollars en 2021, et devrait atteindre 37,3 milliards de dollars d’ici 2030. « L’augmentation du nombre de personnes obèses et en mauvaise santé, ainsi que des habitudes alimentaires malsaines, devrait favoriser l’adoption de la nutrition personnalisée », estiment les analystes. Le marché de la nutrition personnalisée est très majoritairement américain, tant en termes de fonds levés qu’en nombre de start-up.
La France n’est toutefois pas exempte de ressources, comme en témoigne la start-up rennaise Nahibu, qui propose un bilan complet du microbiote intestinal, un coaching diététique personnalisé et des probiotiques formulés pour votre microbiote. Les start-up Cuure, Epycure et BeBips proposent quant à elles des compléments alimentaires personnalisés, formulés à partir d’un questionnaire en ligne qui permet d’identifier des problématiques spécifiques.
La nutrition personnalisée doit toutefois encore contourner certains obstacles pour entrer pleinement dans les mœurs. Tout d’abord, nombre de consommateurs sont encore réticents à l’idée de confier leurs données biologiques et génétiques en échange de conseils nutritionnels — rappelons d’ailleurs au passage que les tests génomiques sont illégaux en France à ce jour. En outre, dans tous les domaines, la personnalisation a un coût. L’alimentation ne fait pas exception et le concept est pour le moment loin d’être accessible à tous les budgets.