Le noyau de la Terre serait entouré de « montagnes » faisant 5 fois l’Everest

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Représentation de l'imagerie souterraine. Les ondes sismiques des tremblements de terre dans l'hémisphère sud rencontrent la structure ULVZ le long de la frontière noyau-manteau de la Terre et sont enregistrées par des capteurs en Antarctique. | Edward Garnero et Mingming Li/Université d'État de l'Arizona
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La structure interne de la Terre, malgré l’évolution de la technologie, reste énigmatique et soumise à débat quant à certaines zones, notamment la frontière entre manteau et noyau. Récemment, grâce à l’imagerie sismique à l’échelle mondiale de l’intérieur de la Terre, des chercheurs ont révélé la présence d’une couche entre le noyau et le manteau, qui est probablement un fond océanique dense (mais mince). Il a probablement été englouti il y a des millions d’années pour atteindre son emplacement actuel. Cette découverte pourrait offrir de nouvelles informations sur le dynamisme interne de la Terre.

Les zones à très faible vitesse (ULVZ) sont les structures les plus anormales à l’intérieur de la Terre, les ondes sismiques y circulant à vitesse réduite. Des études antérieures ont rapporté un large éventail de caractéristiques associées (épaisseur et composition), mais les origines des ULVZ sont débattues depuis des décennies.

Une explication courante à ces zones est la fonte partielle des matériaux associée à des anomalies thermiques le long de la frontière manteau-noyau. Cependant, certaines ULVZ se trouvent loin des parties présumées les plus chaudes du manteau le plus bas, ce qui suggère qu’il doit exister une autre explication, encore inconnue.

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Récemment, grâce à l’imagerie sismique de l’intérieur de la Terre, des recherches menées par l’Université de l’Alabama ont révélé une nouvelle couche inédite entre le noyau et le manteau, pouvant expliquer ces zones à vitesse réduite. Il s’agirait probablement d’un fond océanique dense, mais mince, enfoui il y a des millions d’années. Les travaux sont publiés dans la revue Science Advances.

Un réseau mondial d’imagerie sismique

La découverte fait suite à la volonté, en 2013, d’une géologue de l’Université de l’Alabama, Samantha Hansen, de comprendre comment une chaîne de montagnes enfouie dans la glace s’est formée il y a 55 millions d’années près du pôle Sud.

En effet, comprendre la composition de la frontière noyau-manteau à grande échelle est difficile, mais un réseau sismique déployé par Hansen, ses étudiants et d’autres au cours de quatre voyages en Antarctique a collecté des données pendant trois ans. Semblables à une analyse médicale du corps, les données des 15 stations du réseau enterrées en Antarctique incluent des ondes sismiques générées par des tremblements de terre du monde entier pour créer une image générale de l’intérieur de la Terre.

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Mise en place d’un sismomètre en Antarctique. © Lindsey Kenyon

Le projet a pu sonder en haute résolution une grande partie de l’hémisphère Sud pour la première fois en utilisant une méthode qui examine les échos des ondes sonores de la limite noyau-manteau. S’appuyant sur 227 événements sismiques, Hansen et l’équipe internationale ont identifié un pic d’énergie inattendu dans les données sismiques qui arrivent quelques secondes après l’onde réfléchie par les limites.

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(A) Les 15 stations du réseau en Antarctique. L’emplacement de cette carte par rapport au reste de l’Antarctique est indiqué par le polygone rouge sur l’encart (en haut à gauche). (B) Les 227 événements (points noirs) enregistrés par les stations (polygone rouge) utilisés pour étudier la structure ULVZ sous l’hémisphère sud. Les lignes grises indiquent les trajets entre la source de l’onde et le récepteur. Les points violets indiquent les points de réflexion (rebond) au niveau de la frontière noyau-manteau. © S. Hansen et al., 2023

Ces signaux subtils ont été utilisés pour cartographier une couche variable de matériau à travers la région d’étude, qui est mince comme un crayon (des dizaines de kilomètres) par rapport à l’épaisseur des couches dominantes de la Terre.

Des montagnes comme ralentisseurs au centre de la Terre

Les propriétés du revêtement anormal de la frontière noyau-manteau comprennent de fortes réductions de la vitesse des ondes, ce qui a conduit au nom de zone à ultra-faible vitesse (ULVZ). Samantha Hansen souligne dans un communiqué : « Les enquêtes sismiques, telles que les nôtres, fournissent la plus haute résolution en imagerie de la structure interne de notre planète, et nous constatons que cette structure est beaucoup plus compliquée qu’on ne le pensait ».

Effectivement, selon les chercheurs, ces ULVZ peuvent être bien expliquées par d’anciens fonds océaniques qui ont coulé jusqu’à la limite noyau-manteau. La matière océanique est transportée à l’intérieur de la planète où deux plaques tectoniques se rencontrent et plongent l’une sous l’autre, appelées zones de subduction.

Des accumulations de matériaux océaniques enfouis s’accumulent le long de la limite noyau-manteau et sont poussées par la roche qui s’écoule lentement dans le manteau au cours du temps géologique. La distribution et la variabilité de ces matériaux expliquent la gamme des propriétés ULVZ observées, l’ancien fond océanique étant beaucoup plus dense que le manteau environnant.

Edward Garnero, de l’Arizona State University et co-auteur, explique : « En analysant des milliers d’enregistrements sismiques de l’Antarctique, notre méthode d’imagerie haute définition a trouvé de fines zones anormales de matériaux au CMB partout où nous avons sondé ». Il ajoute : « L’épaisseur du matériau varie de quelques kilomètres à des dizaines de kilomètres. Cela suggère que nous voyons des montagnes au centre, à certains endroits, jusqu’à 5 fois plus hautes que le mont Everest ».

Ces « montagnes » souterraines peuvent jouer un rôle important dans la façon dont la chaleur s’échappe du noyau, la partie de la planète qui alimente le champ magnétique. Les matériaux des anciens fonds océaniques peuvent également être entraînés dans des panaches du manteau, ou des points chauds, qui remontent à la surface lors d’éruptions volcaniques. Samantha Hansen conclut : « Notre recherche fournit des liens importants entre la structure de la Terre peu profonde et profonde et les processus globaux qui animent notre planète ».

Source : Science Advances

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