Un appareil photo sous-marin sans batterie alimenté par le son

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À des fins de test, l'appareil est ici alimenté par des ondes sonores envoyées par un projecteur acoustique. | Adam Glanzman
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Que pourrions-nous voir des océans en y plongeant un appareil photo capable d’y rester sans limite de temps ? Des ingénieurs du Massachusetts Institute of Technology (MIT) ont conçu un système sans batterie, capable de se recharger en utilisant les ondes sonores réceptionnées dans l’eau.

En plus d’être autonome en matière d’alimentation, l’appareil photo créé et testé par les scientifiques a une autre particularité : il est en mesure de transmettre ses clichés à distance. Ces deux fonctionnalités ont pour but de lui donner la capacité de rester longtemps immergé. En effet, capable de tout gérer à distance, il n’a plus vraiment la nécessité de remonter à la surface.

« Comme il n’a pas besoin d’une source d’alimentation, l’appareil photo pourrait fonctionner pendant des semaines avant la récupération. Cela permettrait aux scientifiques de rechercher de nouvelles espèces dans des régions éloignées de l’océan. Il pourrait également être utilisé pour capturer des images de la pollution des océans ou surveiller la santé et la croissance des poissons élevés dans des fermes aquacoles », souligne le MIT dans un communiqué. Les avancées des scientifiques ont été publiées dans la revue Nature Communications.

Aussi paradoxal que cela puisse paraître dans ce grand monde de silence, l’appareil utilise le son pour se recharger sous l’eau. En effet, lorsque des animaux, par exemple, ou des embarcations, produisent du son, celui-ci est transmis à travers l’eau sous forme d’ondes sonores. Des transducteurs sont installés sur l’appareil photo. Un transducteur est un dispositif qui permet d’assurer la conversion d’un signal physique en un autre.

En l’occurrence, les ondes sonores sont converties en énergie électrique. Concrètement, la pression exercée par les ondes fait vibrer des matériaux spéciaux à l’intérieur du transducteur. Ces matériaux sont dits « piézoélectriques » : ils produisent un courant électrique en réponse à la vibration. L’énergie ainsi produite est stockée dans un supercondensateur et est utilisée pour prendre des photos.

Colorer les fonds marins

Afin de consommer le moins d’énergie possible, des capteurs à très faible puissance sont utilisés pour prendre ces photographies. Cependant, ceux-ci ne sont capables que de prendre des images en niveau de gris. De plus, comme les fonds marins peuvent être très sombres, les ingénieurs avaient également besoin d’un système de flash. Ils ont donc contourné ces deux problèmes en utilisant une seule solution.

« Nous essayions de minimiser le matériel autant que possible, ce qui crée de nouvelles contraintes sur la façon de construire le système, d’envoyer des informations et d’effectuer la reconstruction d’image. Il a fallu beaucoup de créativité pour comprendre comment faire cela », explique Fadel Adib, l’un des scientifiques du projet. En guise de solution, ils ont donc utilisé des LED bleues, vertes et rouges.

Lorsque l’appareil photo prend une image, il allume en même temps une LED rouge. Il répète le même processus avec des LED verte et bleue. Chaque image est donc en réalité composée de trois clichés. Bien que chacun de ces clichés semble être en noir et blanc, ils montrent comment le sujet photographié réfléchit la lumière dans les longueurs d’onde correspondant au rouge, au vert ou et au bleu. Lorsque les données sont ensuite combinées en post-traitement, l’image couleur peut donc être reconstruite.

 

schema fonctionnement camera sous marine
a) Un projecteur acoustique déporté (en haut à droite) transmet le son sur la liaison descendante. L’énergie acoustique est récoltée par un transducteur piézoélectrique et convertie en énergie électrique qui alimente le nœud de capteur de rétrodiffusion sans pile. L’énergie s’accumule dans un super-condensateur qui alimente une unité FPGA, un capteur CMOS monochromatique qui capture une image et trois LED qui permettent un éclairage actif RVB. L’image capturée est communiquée via une modulation de rétrodiffusion acoustique et un hydrophone distant mesure les modèles de réflexion pour reconstruire l’image transmise.
b) Le capteur sans batterie est présenté dans un essai expérimental où il est utilisé pour imager un objet sous-marin avec un éclairage actif qui permet de capturer des images en couleur.
c) Le graphique montre la tension dans le supercondensateur, qui est récupérée à partir de l’énergie acoustique et qui varie dans le temps en fonction de la consommation électrique des différentes étapes de traitement.
d) Le spectrogramme montre la réponse en fréquence du signal reçu par l’hydrophone au fil du temps, démontrant sa capacité à capturer les motifs de réflexion dus à la modulation de rétrodiffusion et à les décoder en binaire pour récupérer l’image transmise. © Fadel Adib et al.

Une fois ces fameuses photographies prises, encore faut-il les envoyer à la surface. Le cliché est pour cela converti en « bits » (image numérique). Les bits sont une unité élémentaire d’information utilisée par les composants informatiques. Concrètement, il s’agit de 0 ou de 1. Agencés de la bonne façon, ils peuvent retranscrire des informations complexes, comme une photo.

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Fadel Adib (à gauche), professeur au MIT Media Lab et l’assistant de recherche Waleed Akbar présentent la caméra sous-marine sans batterie que leur groupe a développée. © Adam Glanzman

Reste tout de même à transmettre à la surface cette série de 0 et de 1. Le processus que les scientifiques ont utilisé pour cela s’appelle la « rétrodiffusion sous-marine ». Un récepteur, positionné à la surface envoie des ondes sonores qui se répercutent jusqu’à l’appareil photo. Celui-ci réfléchit l’onde sonore jusqu’à un hydrophone, placé à côté du récepteur, pour lui signifier un « 1 ». Si, au contraire, l’appareil photo l’absorbe pour ne rien renvoyer, il s’agit d’un 0. Bit par bit, le code est ainsi transmis : en le recomposant, un ordinateur recrée ensuite l’image.

Comme le souligne le MIT, les scientifiques estiment aujourd’hui que 95% des océans n’ont jamais été observés. Ce type de dispositif pourrait donc permettre bien des explorations. « L’une des applications les plus passionnantes de cette caméra pour moi personnellement est dans le contexte de la surveillance du climat. Nous construisons des modèles climatiques, mais nous manquons de données sur plus de 95% de l’océan. Cette technologie pourrait nous aider à construire des modèles climatiques plus précis et à mieux comprendre l’impact du changement climatique sur le monde sous-marin », s’enthousiasme Fadel Adib.

Vidéo explicative du MIT Media Lab :

Source : Nature Communications

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