Les astéroïdes pourraient être transformés en nourriture pour les astronautes, révèle une étude

Le carbone des astéroïdes pourrait être transformé en nourriture par des bactéries mangeuses de plastique.

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L'astéroïde Bennu, utilisé pour les simulations effectuées dans le cadre de l'étude. | NASA
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Afin de réduire la dépendance des astronautes aux approvisionnements en nourriture depuis la Terre, des chercheurs proposent de transformer les composés organiques contenus dans les astéroïdes en biomasse comestible. Le procédé consisterait à dégrader ces composés par le biais d’une réaction pyrolytique, puis à nourrir des bactéries mangeuses de plastique avec les produits résultants. Ces bactéries peuvent ensuite être récoltées sous forme de biomasse non toxique et propre à la consommation.

La nourriture consommée actuellement par les astronautes est soit lyophilisée, soit irradiée ou surgelée. Ce système d’alimentation dépend entièrement de ravitaillements depuis la Terre, ce qui n’est pas viable d’un point de vue économique et logistique pour les missions longue distance, même en réduisant considérablement les coûts de transport par kilogramme. Par exemple, la nourriture dont six astronautes auraient besoin pour une mission vers Mars représenterait à elle seule environ 12 tonnes sans compter l’emballage, et plus encore pour les voyages au-delà de la planète rouge.

Afin de réduire la dépendance aux ravitaillements depuis la Terre, diverses stratégies, telles que l’agriculture spatiale et les systèmes de survie biorégénératifs (culture de microalgues, de champignons, etc.) ont été proposées. Le système VEGGIE à bord de la Station spatiale internationale (ISS) peut par exemple produire 8 types de légumes feuilles depuis 2014. Cependant, ce type de système de production alimentaire demeure à la fois coûteux et complexe.

De récents travaux, codirigés par l’Université Western, proposent une alternative innovante consistant à transformer de la matière issue d’astéroïdes en nourriture, une stratégie potentiellement plus adaptée aux missions longue durée. « Pour l’exploration de l’espace lointain, les humains sont toujours dépendants de la Terre. Si l’on veut vraiment aller loin, la seule façon d’y parvenir est de produire de la nourriture dans l’espace », explique dans un article de blog de l’université, Eric Pilles, auteur principal de l’étude. « Et si l’on ne transporte pas de carbone avec soi, il faut trouver un moyen d’utiliser ce qui se trouve dans l’espace. Il y a beaucoup d’astéroïdes dans l’espace, ce qui signifie qu’il y a beaucoup de carbone », affirme-t-il.

Une biomasse comestible semblable à du yaourt au caramel

Le procédé utilisé par l’équipe était initialement destiné au recyclage du plastique en polyéthylène de haute densité. Il consiste à dégrader le matériau par le biais d’une réaction de pyrolyse, notamment en le portant à haute température dans un milieu dépourvu d’oxygène. Ce processus produit un solide, un gaz et une substance huileuse qui est récupérée pour alimenter des bactéries anaérobies cultivées dans un bioréacteur open source. Après alimentation, les bactéries forment une biomasse semblable à du yaourt au caramel pouvant potentiellement servir de nourriture.

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Eric Pilles (à gauche) et Joshua Pearce (à droite), auteurs de l’étude, observent un lot de biomasse comestible produit avec le nouveau procédé. © Jeff Renaud/Western Communications

Le procédé peut être utilisé pour les astéroïdes chondrites carbonés, car leur structure est proche des plastiques et des roches à base de pétrole. Ils contiennent jusqu’à 10,5 % d’eau et des quantités substantielles de matière organique. « Cette étude porte en réalité sur le potentiel physique de ce processus », explique le coauteur de l’étude, Joshua Pearce, de l’Ivey Business School. « Nous savons déjà que certaines bactéries mangent du charbon. Nous allons maintenant tester les mêmes bactéries que celles que nous utilisons pour fabriquer des aliments à partir de plastique, puis nous voulons essayer cela avec des astéroïdes simulés », indique-t-il.

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Le biréacteur open source utilisé pour la culture des bactéries. © Western Communications

600 à 17 000 années de vie humaine pourraient être soutenues par Bennu

Pour explorer leur hypothèse, les chercheurs ont effectué des simulations pour évaluer le rendement alimentaire qui pourrait être obtenu en utilisant le procédé sur l’astéroïde Bennu, une chondrite carbonée d’environ 85,5 millions de tonnes, dont des échantillons ont été rapportés sur Terre, l’an dernier, par la mission OSIRIS-Rex de la NASA.

Les résultats ont montré que si seuls les hydrocarbures aliphatiques étaient convertis (le potentiel minimum), la biomasse que l’on pourrait extraire de Bennu via le procédé serait de 5,070 × 107 à 2,390 × 108 grammes. En revanche, si le processus d’extraction est à son potentiel maximal et que toute la matière organique est convertie, la biomasse obtenue serait de 1,391 × 109 à 6,556 × 109 grammes. L’astéroïde pourrait ainsi fournir entre 5,762 × 108 et 1,581 × 1010 calories, ce qui serait suffisant pour satisfaire les besoins alimentaires de 600 à 17 000 années de vie humaine.

La prochaine étape de l’étude consistera à évaluer l’innocuité du produit. Des essais à long terme sur des modèles animaux sont prévus afin d’obtenir l’approbation de la Food and Drug Administration américaine. En le testant sur des nématodes et des rats, Pearce et ses collègues ont déjà montré (dans le cadre d’une précédente étude) que le « yaourt » obtenu en utilisant le procédé sur des plastiques est non toxique. Des essais sur l’humain seront entamés pour les produits à base d’astéroïdes, si les essais précliniques sont concluants.

Davantage de recherches seront également nécessaires afin d’étudier comment exploiter et transformer les astéroïdes une fois dans l’espace. « Sur la base de ces résultats, cette approche consistant à utiliser le carbone des astéroïdes pour fournir une source de nourriture distribuée aux humains explorant le système solaire semble prometteuse, mais d’importants travaux futurs sont encore nécessaires », concluent les chercheurs dans leur rapport, publié dans l’International Journal of Astrobiology.

Source : International Journal of Astrobiology

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