Les bienfaits du sport sur la santé physique ne sont plus à prouver, tout autant que sur la santé mentale et neurologique. Ils sont aujourd’hui bien documentés et démontrés, quels que soient l’âge et le sexe. Le sport permet de prévenir l’obésité, le diabète de type 2 et d’autres maladies cardio-métaboliques, mais aussi d’être plus heureux grâce aux endorphines. Cependant, les mécanismes moléculaires et cellulaires qui interviennent dans les bénéfices métaboliques de l’activité physique restent flous. Récemment, des chercheurs ont identifié une molécule dans le sang, produite pendant l’exercice, qui peut réduire efficacement l’apport alimentaire et l’obésité chez la souris, à l’instar de l’activité physique. Ces résultats améliorent la compréhension des processus physiologiques qui sous-tendent l’interaction entre l’exercice et la faim, tout en augurant, si cela est confirmé pour l’Homme, la mise au point d’une pilule mimant ces effets, mais sans pratiquer de sport.
Ces dernières années, les recherches dans les domaines sportifs et de la santé ont été exponentielles. Ainsi, l’exercice stimulerait entre autres le cerveau — notamment l’aptitude à mener à bien des tâches qui exigent de l’attention, de l’organisation, de la planification — et réduirait les symptômes de la dépression et de l’anxiété chez certaines personnes. De plus, les biologistes commencent à comprendre les mécanismes déclenchés à l’échelle des cellules et des molécules par une activité physique régulière.
Le sport est une part importante et essentielle des programmes diététiques pour contrôler la prise de poids ou pour en perdre, mais également des recommandations pré et postopératoires pour certaines chirurgies bariatriques. Pourtant, moins de la moitié des Français âgés de 15 à 75 ans atteignent un niveau d’activité physique favorable à la santé. Sans compter que plus d’un milliard de personnes dans le monde sont obèses — 650 millions d’adultes, 340 millions d’adolescents et 39 millions d’enfants. Ce nombre ne cesse d’augmenter. L’Organisation mondiale de la Santé (OMS) estime que d’ici 2025, environ 167 millions de personnes, adultes et enfants, seront en moins bonne santé à cause du surpoids et des pathologies associées, telles que le diabète.
Dans ce contexte, une équipe de chercheurs du Baylor College of Medicine et de la Stanford School of Medicine, a identifié une molécule clé dans la relation entre le sport et la faim chez la souris. Elle serait impliquée dans une réduction de l’apport alimentaire et une perte de poids, sans associer d’exercice physique particulier. Les travaux sont publiés dans la revue Nature.
Une molécule médiatrice des bénéfices liés au sport
Étant donné que l’exercice régulier aide à perdre du poids, à réguler l’appétit et à améliorer le profil métabolique, en particulier pour les personnes en surpoids et obèses, les chercheurs ont cherché à déterminer avec précision les mécanismes moléculaires et cellulaires sous-jacents.
Le Dr Yong Xu, professeur de pédiatrie, nutrition et biologie moléculaire et cellulaire à Baylor, déclare dans un communiqué : « Si nous pouvons comprendre le mécanisme par lequel l’exercice déclenche ces avantages, alors nous sommes plus près d’aider de nombreuses personnes à améliorer leur santé ».
Dans cet objectif, ils ont effectué des analyses complètes des composés du plasma sanguin de souris, après une course intense sur tapis roulant. La molécule, produite de manière significative, était un acide aminé modifié, appelé Lac-Phe. Il est synthétisé à partir de lactate — un sous-produit normal du métabolisme du glucose, lors d’un exercice physique, responsable de la sensation de brûlure dans les muscles — et de la phénylalanine — un acide aminé constitutif des protéines.
Par suite, les chercheurs ont induit une obésité chez les souris, par un régime riche en graisses, puis ont testé l’effet de la Lac-Phe, médié par des injections de doses précises. Ils ont découvert qu’une dose élevée de Lac-Phe supprime l’apport alimentaire d’environ 50% par rapport aux souris témoins, sur une période de 12 heures, sans affecter leur mouvement ou leur dépense énergétique. Lorsqu’il est administré aux souris pendant 10 jours, Lac-Phe réduit l’apport alimentaire cumulé et le poids corporel — en raison de la perte de graisse corporelle — et améliore la tolérance au glucose.
Les auteurs ont également identifié une enzyme, appelée CNDP2, impliquée dans la production de Lac-Phe. Ils ont montré que les souris dépourvues de cette enzyme ne perdaient pas autant de poids avec un schéma d’exercice régulier qu’un groupe témoin avec le même plan d’exercice.
Vers une pilule miracle contre l’obésité et les effets de l’âge
Le co-auteur Jonathan Long, professeur adjoint de pathologie à Stanford Medicine et chercheur de l’Institut de Stanford ChEM-H (Chimie, Ingénierie & Médecine pour la Santé Humaine), explique : « Nous voulions comprendre comment l’exercice fonctionne au niveau moléculaire pour pouvoir capturer certains de ses avantages. Par exemple, les personnes âgées ou fragiles qui ne peuvent pas faire suffisamment d’exercice pourraient un jour bénéficier de la prise d’un médicament qui peut aider à ralentir l’ostéoporose, les maladies cardiaques ou d’autres conditions ».
D’ailleurs, les scientifiques ont également constaté de fortes augmentations des niveaux plasmatiques de Lac-Phe après une activité physique chez les chevaux de course et les humains. Un jeu de données établi pour des exercices physiques chez l’Homme a mis en évidence que l’exercice de sprint induisait l’augmentation la plus importante de Lac-Phe plasmatique, suivi de l’entraînement en résistance puis de l’entraînement en endurance.
En conséquence, ces données définissent une molécule, induite par l’exercice, contrôlant l’apport alimentaire et influençant l’équilibre énergétique associé à l’activité physique, chez de nombreuses espèces animales. Le Dr Yong Xu conclut : « Nos prochaines étapes consistent à comprendre plus en détail la façon dont Lac-Phe régit ses effets dans le corps, y compris le cerveau. Notre objectif est d’apprendre à moduler cette voie d’exercice pour des interventions thérapeutiques ».
L’avènement d’une pilule miracle, reproduisant les effets du sport sur notre corps, notamment en réduisant la faim et permettant une perte de poids, est en ligne de mire et fait l’objet de nombreuses études à travers le monde. Mais en attendant sa réelle mise au point, puis sa mise sur le marché, le sport effectif reste le meilleur allié contre le surpoids et les maladies liées.