Des chercheurs de Singapour créent du biociment à partir de déchets

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| Pixabay
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Conscientes de leurs impacts sur l’environnement, les industries du ciment s’intéressent toujours plus au biociment, notamment afin de réduire leur empreinte carbone. Cette transition est également adoptée dans le but d’anticiper la croissance des besoins en infrastructures tout préservant l’environnement, surtout sur les territoires restreints, comme la petite ville-État de Singapour. Par le biais de l’une de ses plus prestigieuses universités technologiques, le pays a mis au point un innovant procédé permettant de fabriquer du biociment à partir de déchets. Applicable à de nombreux domaines d’utilisation, le procédé utilise de l’urée et des bactéries pour précipiter le carbonate de calcium et transformer des déchets industriels ou le sol en blocs solidifiés, et ce à température ambiante.

L’impressionnante croissance économique de Singapour, cette futuriste ville-pays qui fascine le monde, est en grande partie appuyée par ses avancées dans les sciences et les technologies. Il s’agit également de l’un des rares pays au monde à concentrer et anticiper sur un petit territoire d’à peine 700 km², le besoin croissant d’infrastructures avec le moins d’impacts possible sur l’environnement.

Les procédés de fabrication de biociment à base d’urée et de bactéries existent depuis quelques années, mais l’Université de technologie de Nanyang (NTU) à Singapour innove le processus en utilisant de la boue de carbures industriels en plus de l’urée, deux déchets courants et rejetés en masse. Ces rejets proviennent notamment respectivement des usines de production de gaz d’acétylène du pays ainsi que des évacuations d’urine domestique et d’élevage.

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Produit à température ambiante, le nouveau ciment est à la fois moins énergivore que le ciment conventionnel, émet beaucoup moins de carbone et permet le recyclage de deux types de déchets. « Notre biociment est produit à température ambiante sans rien brûler, et c’est donc un processus plus vert, moins énergivore et neutre en carbone », explique dans un communiqué le professeur Chu Jian, président de l’École de génie civil et environnemental de la NTU, et qui a dirigé la nouvelle étude.

Le ciment conventionnel est en effet obtenu à partir de la « cuisson » de deux matières premières, notamment le calcaire et l’argile. Pour produire du clinker, l’agent liant du ciment, ces deux matières doivent être portées à près de 1450 °C. Cette étape très énergivore est responsable en grande partie de l’émission en carbone des industries de cimenterie, soit en moyenne 825 kg de CO2 rejetés dans l’atmosphère pour une tonne de clinker, sans parler des impacts sur la santé des ouvriers en usine. De plus, l’extraction minière de l’argile et du calcaire conduit non seulement à des déforestations massives, mais aussi à la pollution des cours d’eau à proximité.

Basé sur une solution incolore et facile à fabriquer, le procédé de biociment exposé dans la nouvelle étude, parue dans Science Direct, serait moins coûteux et réduira à long terme les coûts liés à l’élimination des déchets, d’après les estimations du groupe de recherche. « À Singapour, les boues de carbure sont considérées comme des déchets. Pourtant, c’est une bonne matière première pour la production de biociment », explique le Dr Yang Yang, auteur principal de l’étude, étudiant et associé de recherche au Center for Urban Solutions de la NTU. D’après l’expert, en extrayant le calcium des boues de carbures industriels, il n’y a pas besoin d’extraire le calcaire des montagnes.

Plus résistant que le ciment conventionnel

Le procédé de fabrication du nouveau biociment consiste à traiter les boues de carbure avec un acide afin de produire du calcium soluble. L’urée est ensuite ajoutée pour former « une solution de cimentation ». Cette solution sert ensuite de substrat pour des bactéries spéciales, qui décomposent l’urée et forment des ions carbonates. Réagissant avec les ions calcium présents dans la solution (dans une réaction appelée précipitation de calcite induite par des microbes, ou MICP), les ions carbonates forment un précipité de carbonate de calcium dur et solide (l’on en trouve naturellement dans la craie, le calcaire et le marbre).

Quand la solution est versée dans le sol ou dans du sable, le carbonate de calcium généré lie les particules entre elles en remplissant les pores qui les séparent et durcit ainsi le matériau. Le sol ou le sable solidifié est beaucoup moins perméable à l’eau et résiste à une compression non confinée allant jusqu’à 1,7 mégapascal, ce qui est supérieur à celui du même sol traité avec une quantité équivalente de ciment conventionnel.

De multiples perspectives d’utilisation

Le nouveau procédé de fabrication peut être appliqué à de nombreux domaines. En cimentant des jointures rocheuses par exemple, il peut être utilisé dans des projets de renforcement du sol en réduisant les infiltrations d’eau. Cela peut comprendre le contrôle de l’érosion hydraulique ou éolienne des plages, ou encore la réparation des infrastructures routières en colmatant les fissures.

boudha restauration
Des travaux de restauration d’une main de Boudha en utilisant du biociment ont été effectués à l’Université de Chongqing. La solution de biociment est incolore, ce qui permet de conserver la couleur d’origine de la sculpture. © Université de technologie de Nanyang

Actuellement, l’équipe de recherche explore notamment les possibilités d’application à grande échelle du nouveau biociment, pour les routes et les tunnels souterrains fissurés. De plus, il serait également un terrain de culture idéal pour les coraux, car leurs larves se développent bien sur le carbonate de calcium.

Par ailleurs, comme la solution de cimentation est incolore, elle peut aussi être utilisée pour restaurer des monuments et des oeuvres d’art, sans risquer de perdre leurs couleurs d’origine. Les chercheurs de l’étude ont d’ailleurs déjà utilisé leur procédé pour restaurer avec succès des monuments bouddhiques en Chine.

Source : Science Direct

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