Les cacatoès noirs donnent des « concerts de rock » aux femelles avec des instruments qu’ils fabriquent

Ils fabriquent (et jouent de) leurs propres instruments...

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Des chercheurs ont découvert que les cacatoès noirs sauvages mâles fabriquent des outils de percussion pour tambouriner en rythme lors leur parade nuptiale. Tels des stars du rock, ils les jettent par terre à la fin du « spectacle ». Agrémentées de subtiles touches individuelles dues jusqu’à la confection même des instruments, ces « musiques » sont associées à une forme de créativité rare dans le règne animal.

Bien que l’utilisation d’outils soit répandue chez les animaux, leur fabrication est beaucoup plus rare, surtout à l’état sauvage. Chez les primates, les outils sont utilisés pour se nourrir, s’entretenir ou pour différentes fonctions sociales, telles que la parade nuptiale et la défense du territoire. Chez les oiseaux, leur utilisation semble davantage axée sur la nourriture et rivalise de complexité avec celle des chimpanzés et des orangs-outans. Étant donné que les perroquets partagent des caractéristiques clés avec les primates (un gros cerveau, des capacités cognitives avancées, des pratiques sociales élaborées, etc.), l’on pourrait penser qu’ils se servent fréquemment d’outils. Cependant, cela n’a que rarement été observé à l’état sauvage. Ces oiseaux ont probablement moins besoin d’outils, étant donné leurs puissants becs et griffes, leur permettant de casser les coques de fruits et les graines les plus coriaces.

D’un autre côté, une hypothèse avance que l’utilisation d’outils chez les perroquets pourrait dépendre du milieu et de la disponibilité de la nourriture. Une équipe a récemment rapporté que les cacatoès de Goffin sauvages (Cacatua goffiniana), temporairement introduits dans une volière (en captivité), se mettaient à utiliser des outils pour ouvrir des boîtes de casse-tête sophistiquées, contrairement à leurs congénères sauvages. Pourtant, l’une des premières études à évoquer l’utilisation non humaine d’outils concernait des cacatoès noirs (Probosciger aterrimus), observés lors des expéditions scientifiques du milieu du 19e siècle. Plus de 100 ans plus tard, des chercheurs découvrent qu’à l’état sauvage, les mâles de cette espèce fabriquent des outils dans des contextes non alimentaires, notamment lors des parades nuptiales.

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Des performances présentant les caractéristiques de la musique humaine

Les cacatoès noirs sont de grands oiseaux (pesant jusqu’à 1 kg) vivant dans les forêts du nord de l’Australie et dans les plaines de la Nouvelle-Guinée. Lors de la saison des amours, les mâles fabriquent deux types d’outils de percussion. Les premiers sont constitués de baguettes coupées d’une branche et taillées selon une certaine longueur. Les seconds comprennent des fruits à coque dure, cueillis du Grevillea glauca (surnommée pince à linge du bushman) puis modifiés.

Après avoir confectionné leurs outils, les cacatoès mâles les saisissent avec une patte et tambourinent en rythme contre une branche ou un tronc creux, pendant que les femelles assistent au spectacle. Dans le même temps, ils croassent et produisent des bruits intenses et gutturaux en inclinant leurs têtes. Ils utilisent un vaste répertoire vocal composé d’au moins 27 syllabes, dont 19 sont parfois combinés pour produire des vocalisations plus longues et plus nuancées. Tout en chantant et jouant de leurs instruments, ils bougent en rythme en déployant leurs ailes, en tapant des pattes, en dressant leurs crêtes et en accentuant le rouge intense de leurs joues.

Alors que la plupart des oiseaux mâles se servent de couleurs voyantes et de petites danses improvisées pour attirer les femelles, les cacatoès noirs se démarquent en produisant des sons rythmiques et communicatifs. « Ces écrans de tapotements présentent en réalité toutes les caractéristiques d’une musique humaine utilisant des instruments », explique l’expert en conservation, Robert Heinsohnn, de l’Université nationale australienne de Canberra.

Lors de leurs représentations, ces oiseaux ajoutent même une subtile touche individuelle : « les mâles ont tous leurs propres signatures de percussion. Certains aiment le faire très lentement, d’autres très vite, et d’autres font de petites fioritures ». Il s’agit là d’une caractéristique inhabituelle parmi les vertébrés avancés utilisant des outils, qui témoigne d’une forme de créativité rarement observée chez les animaux, même chez les primates. Dans la nouvelle étude publiée dans le prestigieux Proceedings of the Royal Society B., Heinsohnn et son équipe ont cherché à déterminer s’ils étendent cette créativité jusque dans la conception des outils de percussion.

Une étonnante touche de créativité

Pendant près de deux ans, l’équipe de Heinsohnn a parcouru le parc national australien de Kutini-Payamu et les forêts alentour pour observer les cacatoès noirs. Pour leur étude, 12 spécimens et 70 arbres d’exposition ont été sélectionnés. Sous les arbres, 227 bâtonnets et 29 équivalents d’instruments à cosse ont été ramassés. En effet, les mâles jetaient leurs instruments par terre après chaque représentation, tels les stars du rock à la fin d’un concert…

Alors que les bâtonnets étaient les plus utilisés (89% des cas), certains individus démontraient une forme de polyvalence en utilisant les deux outils à la fois. En comparant les instruments, les chercheurs ont remarqué des touches de personnalisation. La longueur des bâtonnets n’était pas constante et variait considérablement d’un oiseau à l’autre. Alors que certains préféraient des bâtons courts et épais, d’autres en confectionnaient de plus longs et plus fins. Des différences dans la masse des outils ont également été constatées et aucune preuve d’imitation n’a été relevée.

Il existe de nombreuses façons d’exprimer son côté artistique, et ces oiseaux le font à la fois par le biais de leur performance musicale et par la fabrication de leurs instruments. « Chacun a développé sa propre idée sur ce qui constitue une baguette spéciale », affirme Heinsohn. Selon l’expert, cette touche de créativité et de personnalisation fait partie des critères de sélection des femelles.

Source : Proceedings of the Royal Society B

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