La régénération des organes ou des tissus reste encore aujourd’hui du domaine de la science-fiction, sauf pour certains organismes comme les lézards, capables de régénérer leur queue, ou encore les axolotl, une espèce de salamandre pouvant régénérer quasiment n’importe quel membre perdu, y compris une partie du cerveau. De nombreux scientifiques essaient de comprendre les mécanismes moléculaires de ce phénomène, et une étude effectuée sur une famille de vers presque immortels a permis de découvrir un type de cellules souches spécifiques à la reconstitution de leurs parties coupées.
Des biologistes de l’Institut Stowers pour la Recherche Médicale à Kansas City, se sont intéressés aux planaires, des vers plats aquatiques qui, contrairement aux autres espèces aux capacités régénérantes où la partie coupée meurt, cette dernière chez les planaires reforme un autre clone, donnant en quelques jours deux espèces identiques totalement guéries. Autrement dit, couper ces vers en morceaux ne fera que les multiplier infiniment, les rendant quasiment immortels !
Le groupe a travaillé sur les néoblastes, des cellules souches connues chez les vers pour permettre la régénération des parties amputées, mais il en existe plusieurs types, et les scientifiques n’ont pas encore élucidé lesquelles d’entre elles interviennent durant la régénération.
Ils ont utilisé une méthode innovante permettant de caractériser l’activité des gènes dans des cellules isolées. Les chercheurs ont ainsi pu retenir 12 types de néoblastes, dont l’un possédait à sa surface une protéine membranaire à la structure similaire à la tetraspanine, une famille de protéine présente aussi chez les humains, et qui a mauvaise réputation car elle favorise la progression du cancer dans le corps.
Grâce à une molécule fluorescente synthétisée pour se lier spécifiquement à la tetraspanine, ils ont pu isoler la cellule en question, qu’ils ont surnommée « Nb2 ». Par la suite, lorsqu’ils coupaient le planaire, ils ont constaté que les cellules Nb2 proliféraient rapidement et que celles-ci guérissaient la blessure engendrée.
Ils ont également injecté une unique cellule Nb2 dans un planaire ayant reçu une dose léthale d’irradiation, et ont alors pu constater qu’à elle seule, elle a réussi à se multiplier et à guérir le petit invertébré.
Par contre, lorsqu’ils injectaient d’autres types de néoblastes qui n’expriment pas la tetraspanine, les planaires blessés ne montraient aucun signe de rétablissement.
Les humains et d’autres animaux, qu’ils soient des embryons ou des adultes, possèdent tous des cellules souches. Durant le développement embryonnaire, ces dernières peuvent se différencier en n’importe quel tissu.
Plus tard dans la vie, elles peuvent encore se différencier, mais en un nombre limité de type de cellules, comme celles se trouvant dans la moelle osseuse, qui se multiplient uniquement pour devenir soit des globules rouges, soit des cellules immunitaires.
Mais dans le cas des planaires, certaines cellules souches arrivent encore à former tous les types de tissus, même adultes. Les biologistes en ont dès lors déduit que la tetraspanine était très probablement l’acteur clé de ce mécanisme. Ils ont constaté que les Nb2 étaient présents dans le planaire durant toute sa vie, et qu’elles augmentaient l’expression de la tétraspanine uniquement lors d‘une blessure.
Le mécanisme de cette protéine n’est pas encore élucidé, mais les chercheurs de l’institut Stowers pensent qu’elle doit être impliquée dans la communication entre les cellules, et le fait qu’elle stimule la prolifération des cancers chez les humains suggère qu’elle pourrait, dans le cas des planaires, aider à la migration des cellules dans les zones endommagées.
Le groupe tente à présent de comprendre quels sont les signaux moléculaires augmentant l’expression de la tetraspanine.
Il est encore trop tôt pour envisager si ces découvertes pourraient être utilisées pour faire avancer les recherches cliniques dans ce domaine, et découvrir de nouvelles thérapies afin de régénérer des parties du corps perdues chez les humains, mais une meilleure compréhension du mécanisme de la régénération par les Nb2 et du rôle d’une protéine également présente chez les humains est un bon début.