Un « chapitre caché » (durant plus de 1700 ans) de la Bible révélé par photographie UV

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| Vatican Library
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L’historien Grigory Kessel, de l’Académie autrichienne des sciences, affirme avoir découvert une ancienne version d’un chapitre de la Bible. C’est en utilisant la photographie ultraviolette que le spécialiste a repéré le manuscrit, dissimulé sous d’autres textes depuis près de 1750 ans. Cet ancien texte pourrait, selon lui, aider à comprendre les premières phases de l’évolution textuelle de la Bible.

Le parchemin était rare dans le désert égyptien à l’époque médiévale. Les manuscrits étaient donc souvent effacés, puis réutilisés, ce que l’on appelle un palimpseste (du grec ancien palímpsêstos, qui signifie « gratté de nouveau »). Des traces des textes précédents persistaient néanmoins sur le parchemin ; c’est ce qui a permis à Grigory Kessel de faire cette incroyable découverte, à partir d’un manuscrit conservé à la Bibliothèque du Vatican. Les détails de sa découverte ont été publiés dans la revue New Testament Studies.

Le texte en question, apparu sur deux feuillets, est une version inédite du chapitre 12 du livre de Matthieu, qui faisait à l’origine partie des traductions en syriaque ancien de la Bible. Il se trouvait sous deux couches d’écriture (ce que l’on appelle un double palimpseste) et a été découvert grâce à la photographie UV — une technique souvent utilisée pour examiner les œuvres d’art. Ce texte, rédigé en syriaque et daté de la première moitié du 6e siècle, présente quelques différences par rapport aux traductions modernes. Il pourrait ainsi apporter de nouveaux indices sur l’histoire de la Bible.

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L’une des plus anciennes traductions des évangiles

Les textes originaux de l’Ancien Testament ont été écrits en hébreu, avec quelques passages en araméen, et en grec ; le Nouveau Testament a, quant à lui, été écrit en grec dans sa totalité. L’ancien syriaque, dérivé de l’araméen, est l’une des langues qui ont été utilisées pour traduire ces textes de la Bible. « Jusqu’à récemment, seuls deux manuscrits contenant la traduction en vieux syriaque des évangiles étaient connus », précise Kessel dans un communiqué.

L’un d’eux, appelé « manuscrit curétonien », est aujourd’hui conservé à la British Library de Londres ; un autre a été découvert en 1892 sous forme de palimpseste dans le monastère de Sainte-Catherine, sur le Mont Sinaï. En 1977, le théologien américain Bruce Metzger, spécialiste du Nouveau Testament, a rapporté qu’ « à l’exception des manuscrits sinaïtiques et curétoniens, aucune autre copie des Évangiles dans la version syriaque ancienne n’a été identifiée avec certitude ».

Dans le cadre du « Sinai Palimpsests Project » — qui vise à rendre lisibles et à numériser les manuscrits en palimpseste du monastère Sainte-Catherine, vieux de plusieurs siècles —, les fragments d’un troisième manuscrit ont toutefois été identifiés en 2016. Le fragment découvert par Kessel est donc, à ce jour, le seul vestige connu d’un quatrième manuscrit attestant de la version en vieux syriaque des évangiles.

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Le fragment de la traduction syriaque du Nouveau Testament apparaissant sous la lumière ultraviolette. © Vatican Library

Selon les chercheurs, cette traduction syriaque datant du 3e siècle a été rédigée au moins un siècle avant les plus anciens manuscrits grecs conservés, dont l’important Codex Sinaiticus. Les premiers manuscrits conservés contenant cette traduction datent du 6e siècle.

Une découverte qui pourrait éclairer la transmission textuelle des évangiles

Kessel pense que le manuscrit a probablement été acquis par la bibliothèque du Vatican au milieu du 20e siècle. Les chercheurs en ont eu connaissance dès 1953, mais il était considéré comme perdu depuis lors. Il a finalement été redécouvert en 2010, puis a été numérisé en 2020 avant d’être ajouté à la Bibliothèque numérique du Vatican.

Ce manuscrit n’est en réalité qu’un fragment d’un manuscrit géorgien conservé au monastère de Sainte-Catherine — un palimpseste produit à partir de plusieurs parties de manuscrits indépendants dans différentes langues, précise l’expert. « Malgré la perte du colophon, l’analyse de l’écriture du manuscrit a conduit les spécialistes à proposer qu’il ait été copié par un scribe géorgien bien connu, Iovane Zosime, actif durant la seconde moitié du 10e siècle, d’abord au monastère de Saint-Sabas en Palestine, puis au monastère de Sainte-Catherine », explique Kessel.

Cette traduction offre un accès unique à l’histoire de la transmission textuelle des évangiles et donne un nouvel aperçu du texte original. Par exemple, alors que l’original grec de l’évangile de Matthieu, chapitre 12, verset 1, dit : « En ce temps-là, Jésus traversait les champs de blé le jour du Sabbat ; ses disciples eurent faim et se mirent à cueillir les épis et à les manger », la traduction syriaque dit : « […] se mirent à cueillir les épis, à les frotter dans leurs mains et à les manger ».

La découverte de ce nouveau texte en vieux syriaque, et en particulier son accord remarquable avec le manuscrit curétonien, pourrait renforcer le statut prédominant de ce dernier par rapport au texte sinaïtique. « Avant de tirer des conclusions définitives, il faut toutefois espérer que d’autres feuilles de cet évangile syriaque seront détectées », souligne Kessel.

Source : G. Kessel, New Testament Studies

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