Des chercheurs découvrent pour la première fois une bulle de distorsion de l’espace-temps

découverte bulle distorsion
| Harold White
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Une équipe du Limitless Space Institute (LSI), financée par la Defense Advanced Research Projects Agency (DARPA) et dirigée par le Dr Harold « Sonny » White — un ancien spécialiste de la NASA, pionnier du moteur à distorsion, ou warp drive — a rapporté avoir découvert une véritable bulle de distorsion dans le monde réel. L’événement marque une avancée majeure pour les scientifiques qui tentent de développer un vaisseau spatial capable d’aller plus vite que la lumière.

En 1994, le mathématicien mexicain Miguel Alcubierre a proposé la première solution mathématiquement valide (la « métrique d’Alcubierre ») à l’entraînement à distorsion — qui permet de se déplacer à une vitesse supraluminique. Il a ainsi décrit un système de propulsion de vaisseau spatial pouvant traverser le cosmos plus vite que la lumière, sans violer les lois de la physique actuellement acceptées. Cette solution reposait cependant sur des matériaux théoriques et des quantités massives d’énergie, qui semblaient pratiquement impossibles à concevoir en pratique.

Plus d’une décennie plus tard, le Dr White a proposé une nouvelle version de la métrique d’Alcubierre, permettant de réduire les quantités de matériaux exotiques et d’énergie nécessaires. Ce nouveau concept rendait un peu plus réalisable la création d’un moteur à distorsion. Depuis, un certain nombre de physiciens et d’ingénieurs ont tenté de concevoir un lecteur de distorsion viable, mais tous les projets initiés n’ont jamais dépassé le stade de la théorie. L’équipe de White va peut-être changer la donne : ils ont récemment rapporté avoir découvert une preuve concrète du concept.

Une invitation à rêver, prête à être portée.

Un nouvel exemple de sérendipité

La découverte a été complètement fortuite. C’est en menant une analyse liée à un projet financé par la DARPA sur certaines géométries de cavités Casimir que l’équipe a découvert une structure à l’échelle micro/nanométrique qui prédit une distribution de densité d’énergie négative, correspondant étroitement aux exigences de la métrique d’Alcubierre.

Les cavités Casimir ne sont pourtant en aucun cas liées à la théorie ou à la mécanique de la distorsion. L’effet Casimir est une force attractive entre deux plaques parallèles conductrices et non chargées, due aux fluctuations quantiques du vide. « Je pense qu’il s’agit d’un excellent exemple de ce qui se passe lorsque l’on fait un travail pour une raison précise et que l’on découvre quelque chose d’autre que l’on ne s’attendait pas à trouver », a déclaré le Dr White au mois d’août, lors du forum sur l’énergie de propulsion de l’American Institute of Aeronautics and Astronautics.

schéma structure bulle distorsion
Structure théorique de la bulle de distorsion. © H. White et al.

La géométrie théorique la plus simple analysée dans le cadre des travaux financés par la DARPA consistait en une cavité Casimir standard à plaques parallèles, équipée de piliers disposés le long du plan médian de la cavité, dans le but de détecter un champ électrique transitoire résultant de la polarisation du vide supposée se produire le long du plan médian de la cavité, explique l’équipe. Une technique analytique spécifique a été utilisée pour évaluer numériquement la réponse du vide à la cavité Casimir ; or, « ces résultats d’analyse ont été observés comme étant qualitativement assez similaires à une représentation bidimensionnelle des exigences de densité d’énergie pour la métrique de distorsion d’Alcubierre », écrivent les chercheurs.

Ils ont alors testé un modèle miniature, prenant la forme d’une sphère de 1 μm de diamètre au cœur d’un cylindre de 4 μm de diamètre, pour mettre en évidence une densité d’énergie de Casimir tridimensionnelle qui correspond bien aux exigences de la métrique de distorsion d’Alcubierre. « Cette corrélation qualitative suggère que des expériences à l’échelle de la puce pourraient être explorées pour tenter de mesurer de minuscules signatures illustrant la présence du phénomène conjecturé : une véritable, bien qu’humble, bulle de distorsion », concluent-ils.

distribution énergie système sphère cylindre
Coupe de la distribution de la densité d’énergie de Casimir toroïdale prédite pour le système sphère-cylindre. © H. White et al.

Un tremplin vers la conception d’un vaisseau spatial à distorsion

« À ma connaissance, il s’agit du premier article dans la littérature évaluée par les pairs qui propose une nanostructure réalisable, qui est prédite pour manifester une bulle de distorsion réelle », a déclaré White à The Debrief. Selon lui, cette découverte confirme non seulement la structure toroïdale prédite et les aspects d’énergie négative d’une bulle de distorsion, mais fournit également de nouvelles pistes potentielles que lui et d’autres chercheurs peuvent suivre pour, un jour peut-être, réussir à construire un vaisseau spatial capable de distorsion dans le monde réel.

« Il s’agit d’une structure potentielle que nous pouvons proposer à la communauté et qui pourrait générer une distribution de densité d’énergie de vide négatif très similaire à ce qui est requis pour une distorsion spatiale de type Alcubierre », a expliqué White. L’équipe n’a pas encore construit de vaisseau à distorsion à l’échelle nanométrique, mais ils en auraient a priori les moyens. « Si l’équipe du LSI devait un jour s’y atteler, nous utiliserions probablement une imprimante 3D nanoscribe GT qui imprime à l’échelle du nanomètre », a précisé White, qui ajoute que ses collègues et lui sont pour le moment exclusivement concentrés sur les cavités de Casimir personnalisées.

Néanmoins, White et son équipe ont également proposé une deuxième expérience testable, qui consiste à enchaîner un certain nombre de ces bulles de distorsion créées par effet Casimir dans une configuration en chaîne. Selon lui, cette conception permettrait aux chercheurs de mieux comprendre la physique de la structure de la bulle de distorsion déjà créée (via l’analyse des propriétés optiques), ainsi que la manière dont un vaisseau pourrait un jour traverser l’espace réel à l’intérieur d’une telle bulle. « En agrégeant un grand nombre d’entre elles dans une rangée, nous pouvons augmenter l’ampleur de l’effet afin de pouvoir le voir (et l’étudier) », a-t-il ajouté.

Compte tenu de l’ampleur de cette découverte et de ses implications potentielles, White pense que ce n’est qu’une question de temps avant que son mini-vaisseau de distorsion soit conçu et testé, une étape importante qui, selon lui, fera lentement mais sûrement avancer l’ensemble du processus vers l’objectif ultime : un vaisseau spatial capable de distorsion.

Source : European Physical Journal, H. White et al.

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