Lorsquโon montre un objet ร un petit enfant ou ร un chien, le premier se concentre sur lโobjet tandis que le second considรจre davantage le geste comme รฉtant un signal directionnel. Selon une nouvelle รฉtude, ce biais spatial serait rรฉduit chez les chiens plus ยซ intelligents ยป et disposant dโune meilleure acuitรฉ visuelle. Cela suggรจre chez les chiens un traitement de lโinformation similaire ร celui des humains et reflรฉterait une รฉtonnante capacitรฉ de rรฉsilience dans les situations dโapprentissage difficiles.
Le biais spatial est un phรฉnomรจne cognitif traduisant la maniรจre dont les informations en relation avec lโespace (lโemplacement et la distance) sont interprรฉtรฉes. Cette capacitรฉ est essentielle pour comprendre la maniรจre dont de nombreuses espรจces, y compris les humains, rรฉagissent aux signaux environnementaux et joue ainsi un rรดle clรฉ dans le processus dโapprentissage. Dโautre part, ce biais ne concerne pas seulement les informations spatiales, mais reflรจte รฉgalement la faรงon dont le cerveau les priorise et les traite par rapport ร dโautres signaux.
Le biais spatial varie selon les espรจces. Cette diffรฉrence se manifeste par exemple dans la maniรจre dont les petits enfants et les chiens rรฉagissent aux gestes par rapport ร un objet. Alors que les enfants rรฉagissent aux gestes en orientant leur attention sur lโobjet, les chiens les considรจrent davantage comme un signal directionnel. Entre autres, les humains ont tendance ร se concentrer davantage sur les caractรฉristiques de lโobjet, comme sa forme ou sa couleur, plutรดt que sur son emplacement. ยซ Quelle que soit lโintention de la personne qui donne le signal, la signification pour les enfants et les chiens est diffรฉrenteย ยป, explique dans un communiquรฉ lโauteur principal de l’รฉtude, Ivaylo Iotchev, de lโUniversitรฉ Eรถtvรถs Lorรกnd en Hongrie.
Ce phรฉnomรจne a รฉtรฉ observรฉ lors de divers tests comportementaux sur les chiens, allant notamment de lโapprentissage associatif ร lโimitation. Cependant, il nโa jusquโร prรฉsent jamais รฉtรฉ spรฉcifiquement รฉtudiรฉ. En effet, les prรฉcรฉdentes recherches ne permettaient pas de dรฉterminer si ce comportement dรฉcoulait vรฉritablement dโun biais de traitement informationnel ou sโil sโapparentait davantage ร une acuitรฉ visuelle infรฉrieure ร celle des humains.
Il est important de rappeler que les chiens ont une perception des couleurs diffรฉrente de celle des humains. En effet, nous possรฉdons trois types de rรฉcepteurs (cรดnes rรฉtiniens) de couleur diffรฉrents, nous permettant de voir une large gamme de couleurs, tandis que les chiens nโen possรจdent que deux. Cela implique que leur perception des couleurs est limitรฉe : ils perรงoivent les objets dans des tons de bleu et de jaune et ne distinguent pas le rouge du vert. Il a รฉtรฉ suggรฉrรฉ que cette perception pourrait induire des variations dans leur maniรจre de traiter les informations spatiales.
Dans leur nouvelle รฉtude publiรฉe dans la revue Ethology, Iotchev et ses collรจgues suggรจrent que le biais spatial chez les chiens est non seulement dรป ร leur vision, mais implique รฉgalement un processus cognitif complexe variant dโun individu ร lโautre. Cela signifierait que lโapparence de lโobjet compte autant que son emplacement, notamment surtout pour les chiens disposant de capacitรฉs visuelles et cognitives รฉlevรฉes. Selon les experts, cela pourrait indiquer que leur mรฉcanisme de traitement des informations spatiales est plus proche du nรดtre quโon le pensait jusqu’ici.
Une grande rรฉsilience dans les situations dโapprentissage difficiles
Dans le cadre de l’รฉtude, les chercheurs hongrois ont effectuรฉ deux expรฉriences comportementales impliquant 82 chiens de diffรฉrentes races. Dans la premiรจre, les chiens devaient apprendre, sur un maximum de 50 essais, si la friandise se trouvait toujours dans une gamelle placรฉe ร gauche ou ร droite dans une salle. Dans la seconde, deux types de gamelles รฉtaient utilisรฉs, lโune ronde et blanche, lโautre carrรฉe et noire. Ces derniรจres รฉtaient toujours placรฉes au milieu de la salle et รฉtaient proposรฉes aux chiens selon une sรฉquence semi-alรฉatoire. Cette technique leur permettait de bien assimiler les propriรฉtรฉs des gamelles (la forme et lโemplacement). Le taux dโapprentissage a รฉtรฉ รฉvaluรฉ selon la vitesse ร laquelle ils couraient vers la bonne gamelle.

Les rรฉsultats ont rรฉvรฉlรฉ que les chiens apprenaient plus vite lorsque la friandise รฉtait placรฉe ร droite ou ร gauche, que lorsquโelle รฉtait placรฉe au milieu dans les gamelles de diffรฉrentes formes. Cโest-ร -dire quโils avaient moins de difficultรฉs ร se rappeler de lโemplacement de la rรฉcompense lorsquโils devaient choisir dans quelle direction se diriger pour lโavoir. Ce comportement de biais spatial indique que les chiens apprennent beaucoup plus rapidement en fonction de lโemplacement dโun objet que de ses caractรฉristiques.
Une autre tรขche plus complexe consistait ร inverser la situation. Autrement dit, si la friandise se trouvait initialement dans la gamelle de droite ou celle blanche et ronde, elle รฉtait dรฉplacรฉe dans celle de gauche ou celle noire et carrรฉe. Lโobjectif รฉtait notamment de dรฉtermine si les biais spatiaux dรฉcoulaient dโun processus sensoriel, cognitif, ou les deux en mรชme temps. Pour ce faire, les diffรฉrences de capacitรฉs cognitives et visuelles des chiens ont รฉgalement รฉtรฉ mesurรฉes.
Lโacuitรฉ visuelle des animaux a รฉtรฉ dรฉduite par le biais de lโindice cรฉphalique, indiquant le rapport entre la largeur maximale de la tรชte (multipliรฉe par 100) et la longueur maximale de la tรชte. En effet, cette capacitรฉ diffรจre dโune race ร lโautre et rรฉsulterait indirectement de la forme de la tรชte. Les brachycรฉphales auraient ainsi une meilleure vision que les chiens au museau allongรฉ. Des tests de mรฉmoire, dโattention et de persรฉvรฉrance ont รฉgalement รฉtรฉ effectuรฉs pour รฉvaluer les capacitรฉs cognitives.



Il a รฉtรฉ constatรฉ que les chiens possรฉdant les meilleures performances cognitives et visuelles assimilaient les caractรฉristiques des objets aussi facilement que leur emplacement, au cours de la tรขche la plus difficile. ยซ Le biais spatial chez les chiens n’est pas simplement un problรจme sensoriel mais aussi un รฉtat d’esprit. Nous avons รฉgalement constatรฉ que les chiens sont rรฉsilients dans des situations d’apprentissage difficiles et peuvent surmonter leurs prรฉjugรฉsยป, conclutย Iotchev.


