Malgré une rémission apparente de la phase aiguë du COVID-19, des déficits cognitifs sont fréquemment signalés par les patients. Ces derniers évoquent notamment une sensation de lenteur mentale, de brouillard et parfois un manque de clarté intellectuelle — une sorte de phase chronique de la maladie communément appelée « COVID long ». Une nouvelle étude, la plus vaste du genre au Royaume-Uni, s’est intéressée aux impacts immédiats et à long terme du SARS-CoV-2 sur le cerveau. Selon les scientifiques, 12 à 18 mois après une hospitalisation, certains patients présentent un déclin cognitif grave, comparable à celui observé après 20 ans de vieillissement.
Bien que des études antérieures aient déjà établi un lien entre la COVID-19 et des troubles cognitifs persistants, les mécanismes spécifiques par lesquels le SARS-CoV-2 affecte le cerveau demeurent flous. C’est pourquoi dans cette nouvelle étude d’envergure menée dans le cadre du Consortium COVID-CNS, des chercheurs des universités de Liverpool, du King’s College de Londres et de Cambridge ont orienté leurs recherches vers l’analyse des causes biologiques et des mécanismes responsables des déficits cognitifs post-COVID.
L’auteure principale de l’étude, la Dr Greta Wood de l’Université de Liverpool, a déclaré dans un communiqué : « Après une hospitalisation, de nombreux patients ayant contracté la COVID-19 signalent des symptômes persistants, souvent désignés sous le terme de ‘brouillard cérébral’ ». Elle ajoute : « Il n’est cependant pas encore clairement établi si ces symptômes correspondent à des déficiences cognitives objectives, s’il existe des preuves biologiques de lésions cérébrales, et surtout si les patients récupèrent avec le temps ».
Pour mener à bien leurs recherches, les scientifiques ont analysé les données de 351 volontaires âgés de 16 ans et plus ayant participé à l’étude COVID-Central Nervous System (CNS) du programme COVID-19 BioResource du National Institute of Health Research (NIHR). Au cours de cette étude, les participants (dont 84 % avaient reçu deux doses de vaccin) ont été évalués sur une période de 384 jours. Les évaluations comprenaient des tests cognitifs, des prélèvements sanguins pour détecter des marqueurs de lésions cérébrales et des examens d’imagerie par résonance magnétique (IRM). Parmi les participants, 29 % présentaient des symptômes graves et, lors des évaluations post-aiguës, 54 % des patients montraient des complications neurologiques.
Un déclin cognitif équivalent à 20 ans de vieillissement cérébral
La Dr Wood et ses collaborateurs ont ensuite analysé les données de ces 351 patients (atteints de COVID-19 et sans diagnostic neurologique, avec ou sans complications). L’étude comprenait également un groupe témoin de 2 927 personnes appariées selon l’âge, le sexe et le niveau d’éducation. Parmi les patients hospitalisés, certains ont développé de nouvelles complications neurologiques aiguës tandis que d’autres n’en ont pas souffert. Cependant, dans les deux cas, le déclin des capacités cognitives des patients s’est révélé plus préoccupant que prévu.
Wood a déclaré : « Nous avons constaté que les personnes atteintes, qu’elles aient ou non des complications neurologiques aiguës dues à la Covid-19, présentaient des troubles cognitifs plus graves que ce à quoi on pourrait s’attendre compte tenu de leur âge, de leur sexe et de leur niveau d’éducation, sur la base de 3 000 sujets témoins ». Le plus préoccupant, selon l’équipe, est que le déclin cognitif post-Covid chez les patients hospitalisés équivaut approximativement à deux décennies de vieillissement cérébral.
Dans le document d’étude publié dans Nature Medicine, les chercheurs soulignent également que les imageries cérébrales des patients hospitalisés montrent une réduction du volume cérébral et des lésions dans des zones spécifiques. Des niveaux anormalement élevés de protéines liées aux lésions cérébrales ont également été relevés. Selon eux, le lien entre lésions cérébrales visibles dans les IRM et les marqueurs des analyses sanguines fournissent la preuve concrète que la COVID-19 peut avoir des impacts significatifs sur la santé cérébrale, et ce, même longtemps après l’infection initiale.
Le professeur Benedict Michael, auteur correspondant de l’étude et professeur de neurosciences à l’Université de Liverpool, a déclaré : « La Covid-19 n’est pas seulement une maladie pulmonaire. Souvent, les patients les plus gravement touchés sont ceux qui présentent des complications cérébrales ». Il ajoute : « Ces déficits cognitifs persistants étaient présents chez les personnes hospitalisées avec et sans complications neurologiques cliniques, ce qui indique que la COVID-19 à elle seule peut provoquer des troubles cognitifs sans qu’un diagnostic neurologique ait été posé ».
Selon Michael, la prochaine étape consistera à étudier la similarité des mécanismes chroniques identifiés dans le cadre de la COVID-19 avec ceux d’autres infections, dont la grippe. « Notre travail peut aider à orienter le développement d’études similaires chez les personnes atteintes de Covid long, qui présentent souvent des symptômes respiratoires beaucoup plus légers et signalent également des symptômes cognitifs tels que le ‘brouillard cérébral’, et à développer des stratégies thérapeutiques », conclut Gerome Breen, co-auteur de l’étude et généticien psychiatrique au King’s College de Londres.