COVID-19 : l’impact sur la fertilité serait bien réel selon les scientifiques

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| Cleveland Clinic
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Une nouvelle étude japonaise suggère que la COVID-19 pourrait provoquer des lésions testiculaires, notamment une diminution de leur taille, du nombre de spermatozoïdes et des niveaux de testostérone. La sensibilisation à l’hypogonadisme et à l’hypofertilité devrait de ce fait faire partie intégrante de la prise en charge des hommes convalescents de la COVID-19.

Le SARS-CoV-2 est le désormais célèbre virus responsable de la pandémie de COVID-19. Bien que la maladie soit principalement respiratoire, des atteintes de nombreux tissus corporels, allant du système sensoriel le plus proche (perte d’odorat et de goût) jusqu’au système nerveux central, ont été signalées.

Le COVID long voit perdurer ces troubles divers, souvent encore bien après la guérison. Parmi ces manifestations, des cas d’atteintes au niveau de l’appareil reproducteur ont été rapportés. Le virus semblerait donc infecter les organes reproducteurs mâles, nuire au développement des spermatozoïdes et perturber les hormones de la reproduction. Encore faut-il pouvoir le démontrer.

Plusieurs cas déjà répertoriés

Une étude de 2021 menée par des chercheurs de l’Université des sciences et technologies de Chine révèle que les patients masculins atteints de COVID-19, s’étant récemment remis de leur infection, avaient un « nombre de spermatozoïdes, une concentration de spermatozoïdes et des pourcentages de spermatozoïdes mobiles et progressivement mobiles » significativement inférieurs à ceux des témoins qui n’ont jamais été infectés.

Une autre étude de l’Université de Miami est parvenue à une conclusion similaire, constatant que les hommes ayant été testés positifs pour le SARS-CoV-2 avaient un nombre de spermatozoïdes presque cinq fois inférieur aux hommes n’ayant pas été infectés. Ils ont émis l’hypothèse que la dysfonction érectile était le résultat d’un flux sanguin restreint vers le pénis. D’autres soulignent l’impact psychologique de contracter la COVID-19 — le stress et la dépression — comme cause potentielle de ce dysfonctionnement.

Enfin, à l’université de Rome en Italie, des chercheurs ont observé que les patients atteints de COVID-19 étaient plus à risque de développer une dysfonction érectile que les hommes de la population générale.

Des hamsters, sujets d’une nouvelle étude

Une équipe de chercheurs de l’Université de Hong Kong, dirigée par le professeur Yuen Kwok-Yung, a voulu cerner le rôle du SARS-CoV-2 dans la pathogenèse des lésions testiculaires. En d’autres termes, les chercheurs ont voulu savoir comment le virus intervient dans le processus responsable du déclenchement et du développement de ces lésions. Cette nouvelle étude est publiée dans la revue Clinical Infectious Diseases.

Dans cet objectif, ils ont étudié les changements virologiques, pathologiques et immunologiques dans les testicules de hamsters infectés par le SARS-CoV-2 de type sauvage et ses variants, par inoculation testiculaire ou intranasale. Les hamsters infectés par le virus de la grippe A (H1N1) ont constitué le groupe témoin. Diverses doses de SARS-CoV-2 ont été inoculées, ceci pour déterminer si les formes bénignes ou aigües avaient le même impact sur ces conséquences physiques.

Il est maintenant bien établi que les hamsters sont des modèles physiologiques d’étude pour la COVID-19. En effet, les réactions de leur corps face aux virus respiratoires sont similaires à celles des humains et peuvent fournir des informations utiles sur la progression de la pathogenèse du virus.

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Graphes présentant les conséquences de la COVID-19 sur l’appareil reproducteur des hamsters. © Y. Kwok-Yung et al., 2022 (modifié par Laurie Henry pour Trust My Science)

Bien que les hamsters n’aient pas développé de pneumonie grave, et soient guéris sans traitement, les chercheurs ont constaté que leur numération de spermatozoïdes et leurs niveaux de testostérone sérique — l’hormone sexuelle mâle qui aide au développement des caractéristiques masculines — avaient fortement chuté quatre à sept jours après l’infection. Ils ont également observé, par la suite, une réduction de la taille et du poids des testicules. Les testicules des hamsters infectés ont souffert d’inflammation et même de nécrose, qui ont persisté pendant 120 jours après l’infection. La recherche a également montré que les variants Omicron et Delta pouvaient causer des dommages semblables.

Pour prouver le rôle causal du SARS-CoV-2 dans la pathogenèse des lésions testiculaires, les chercheurs ont directement injecté le virus dans les testicules par voie transcutanée, pour contourner la barrière hémato-testiculaire. Une expression plus abondante de la protéine N du SARS-CoV-2 a été trouvée dans les cellules interstitielles. Il faut savoir que cette protéine N (ribonucléoprotéine) reconnaît, puis impacte l’ARN viral répliqué pour former la nucléocapside. Cette nucléocapside interagit avec une protéine du virus (protéine M) pour former les nouvelles particules virales. C’est notamment cette protéine N qui sert dans les tests antigéniques, car abondamment présente.

Les cellules interstitielles de Leydig peuvent être une cible du SARS-CoV-2. Les cellules de Leydig sont la principale source de testostérone chez les hommes. Leur concentration élevée dans les tubules séminifères est essentielle pour maintenir le flux sanguin microvasculaire testiculaire, la maturation des cellules de Sertoli, la spermatogenèse ordonnée et une barrière hémato-testiculaire intacte.

Le groupe témoin de hamsters infectés par le virus de la grippe A administré par voie intranasale ou intratesticulaire n’a montré aucune infection ou lésion testiculaire. Ces résultats sont donc cohérents avec les rapports anecdotiques de troubles testiculaires. L’équipe a d’ailleurs noté que dans quelques études antérieures, certains patients masculins atteints de COVID-19 ont signalé des douleurs testiculaires et que des autopsies d’hommes décédés de la COVID-19 ont montré une inflammation des testicules, avec de nombreux dommages cellulaires.

Il faut tout de même considérer ces résultats avec prudence, car les hamsters restent biologiquement bien différents des humains. Les auteurs précisent que « le travail sur le modèle animal est la première étape et les résultats obtenus nécessiteraient ensuite une validation à l’aide d’études et de tissus cliniques humains ».

Le vaccin protège-t-il l’appareil reproducteur ?

Les testicules se sont révélés être des lieux sûrs pour des virus tels que le VIH, Ebola et Zika. Ces derniers peuvent pénétrer et persister pendant des années sans être détectés par le système immunitaire. L’implication de l’appareil reproducteur masculin par le SARS-CoV-2 a déjà été suspectée, car l’enzyme de conversion de l’angiotensine 2, un type de protéine présente dans les testicules et principal récepteur du virus, est abondamment exprimée dans les spermatogonies, les cellules de Sertoli, de Leydig et myoïdes. « Le système reproducteur masculin devrait être considéré comme une voie vulnérable à l’infection et déclaré organe à haut risque par l’Organisation mondiale de la santé », avait déjà souligné le professeur Behzad Hajizadeh Maleki de l’Université Justus-Liebig en Allemagne, dans une précédente étude.

Les rongeurs qui ont été vaccinés, cependant, n’ont pas présenté de lésions testiculaires. Yuen Kwok-Yung déclare dans un communiqué que leur étude réitérait la nécessité de se faire vacciner contre la COVID-19, car « la vaccination peut prévenir cette complication ». L’ensemble de ces résultats permet aux auteurs de conclure que « le suivi à long terme de la numération des spermatozoïdes et du profil des hormones sexuelles des hommes convalescents COVID-19 est justifié ».

L’intégration de l’appareil reproducteur masculin dans la prise en charge du rétablissement post-COVID-19 est un point important, tant par son impact biologique sur la fertilité, que celui psychologique et social. Les personnes rétablies de la COVID-19 présentent un terrain plus favorable au développement de troubles mentaux, et le fait qu’une partie de la population puisse être affectée d’une manière plus intime n’est pas à sous-estimer.

Source : Clinical Infectious Diseases

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