Découverte d’une enzyme transformant l’air en électricité, potentielle nouvelle source d’énergie propre

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Carte de la structure atomique de l’enzyme Huc, productrice d’électricité. | Rhys Grinter
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La crise énergétique que traverse le monde ne s’apaise pas à mesure que nous tentons de réduire l’utilisation des énergies fossiles. Les énergies renouvelables ont encore des lacunes de production et de stockage, tandis que la production nucléaire d’électricité divise l’opinion, tout comme les éoliennes. Récemment, des chercheurs ont découvert une enzyme inédite capable de produire de l’électricité simplement à partir de l’air. Elle pourrait être utilisée comme une pile naturelle et ouvre la voie à la création d’appareils électroniques ne fonctionnant littéralement qu’avec de l’air !

Diverses bactéries aérobies (utilisant l’oxygène pour leur métabolisme) se tournent vers l’hydrogène (H2) atmosphérique comme source d’énergie pour leur croissance et leur survie, lorsque le milieu de vie est pauvre en nutriments.

L’ensemble des bactéries dotées de cette capacité représente 75% (environ 60 Tg) du H2 total retiré de l’atmosphère annuellement. Ce processus d’importance mondiale régule donc la composition de l’atmosphère, mais il améliore également la biodiversité des sols et stimule la production primaire dans des environnements extrêmes.

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Cependant, jusqu’à présent, le mécanisme permettant la survie des bactéries par ce recours à l’hydrogène tout en tolérant l’exposition à l’O2 (qui inhibe la réaction) restait un mystère pour les scientifiques. Récemment, des chercheurs australiens ont découvert une enzyme (présente dans ce type de bactérie) capable de convertir l’air en énergie. Ils révèlent que cette dernière, nommée Huc, utilise les faibles quantités d’hydrogène présentes dans l’air pour produire un courant électrique, laissant entrevoir une utilisation dans de futurs appareils fournissant « littéralement de l’énergie à partir de rien » selon les auteurs. Leurs travaux sont publiés dans la revue Nature.

Une bactérie commune et son enzyme « électrique »

Il faut savoir que des travaux récents de l’équipe ont montré que de nombreuses bactéries utilisent l’hydrogène de l’atmosphère comme source d’énergie dans des environnements pauvres en nutriments, comme mentionné précédemment.

Le professeur Chris Greening du Monash University Biomedicine Discovery Institute de Melbourne (Australie), explique dans un communiqué : « [Ce mécanisme aide les bactéries] à se développer et à survivre, y compris dans les sols antarctiques et les cratères volcaniques et l’océan profond. Mais nous ne savions pas comment elles avaient fait cela, jusqu’à maintenant ».

L’équipe s’est intéressée plus particulièrement à la bactérie commune Mycobacterium smegmatis, vivant dans le sol. Elle ne provoque pas de maladies et est relativement bien étudiée en raison de son utilisation comme modèle d’organisme pour la tuberculose.

Concrètement, l’équipe devait isoler l’enzyme Huc de cette bactérie, ce qui représente un défi, comme l’explique le Dr Rhys Grinter de l’Université Monash. Ils ont dû développer « une série de nouvelles méthodes pour, d’abord, cultiver les bactéries, puis les ‘ouvrir’, puis utiliser la chimie pour essayer d’isoler ce composant unique ».

Pour ce faire, ils ont utilisé la microscopie avancée (cryo-EM) pour déterminer la structure atomique et les voies électriques de l’enzyme. Ils ont également utilisé une technique appelée électrochimie pour démontrer que l’enzyme purifiée crée de l’électricité à des concentrations d’hydrogène infimes.

En termes simples, l’enzyme Huc fonctionne comme un piégeur de gaz hydrogène et, contrairement à tous les autres enzymes et catalyseurs chimiques connus, elle peut consommer le gaz en dessous des niveaux atmosphériques — aussi peu que 0,00005% de l’air que nous respirons. De cette façon, elle peut être considérée comme analogue à une pile naturelle, produisant un petit courant électrique à partir d’air ou d’hydrogène ajouté.

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Représentation d’artiste de Huc consommant l’hydrogène de l’air. © Alina Kurokhtina

Les résultats démontrent qu’il est possible de stocker l’enzyme purifié pendant de longues périodes. La doctorante Ashleigh Kropp ajoute : « Elle est étonnamment stable. Il est possible de congeler l’enzyme ou de la chauffer à 80 degrés Celsius, et elle conserve son pouvoir de générer de l’énergie ».

Comment utiliser l’enzyme Huc dans le contexte de la crise énergétique et climatique ?

Le Dr Grinter explique qu’il existe un certain nombre d’applications potentielles, nécessitant encore beaucoup de travaux, mais la voie de recherche est tracée.

En premier lieu, l’enzyme pourrait servir à développer de petits appareils à air comprimé comme alternative aux appareils à énergie solaire par exemple. Cependant, il faut doter ces appareils de plus d’hydrogène que la concentration atmosphérique, afin que Huc puisse produire une quantité suffisante d’énergie.


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