Des astronomes découvrent une galaxie à disque massive dans l’univers primitif

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| NRAO/AUI/NSF, S. Dagnello
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Dans notre univers, âgé de 13,8 milliards d’années, la plupart des galaxies comme notre Voie lactée se forment progressivement ; elles atteignent leur masse finale relativement tard. Or, des astronomes viennent de détecter une galaxie à disque massive, observée alors que l’univers n’avait que 10% de son âge actuel ! Une découverte qui remet en question les modèles traditionnels de formation des galaxies.

Une galaxie à disque contient plusieurs centaines de milliards d’étoiles et adopte la forme aplatie d’un disque, dont le centre, appelé bulbe, renferme généralement un trou noir supermassif. C’est le cas de la Voie lactée, qui comprend 200 à 400 milliards d’étoiles et qui abrite le trou noir Sagittarius A* en son centre. Notre galaxie, dont la masse est estimée entre 1,1 x 1012 et 2,29 x 1012 masses solaires, est presque aussi âgée que l’Univers : sa plus vieille étoile est âgée de 13,2 milliards d’années.

Une galaxie née 1,5 milliard d’années après le Big Bang

L’observation de cette nouvelle galaxie à disque a été réalisée à l’aide de l’Atacama Large Millimeter/Submillimiter Array (ALMA), un télescope de pointe dédié à l’étude du rayonnement provenant des objets les plus froids de l’Univers, situé à 5000 mètres d’altitude au nord du Chili. Ce rayonnement – appelé millimétrique et submillimétrique car possédant une longueur d’onde de l’ordre du millimètre – se situe entre le rayonnement infrarouge et les ondes radio. ALMA se compose de 66 antennes haute précision, réparties à des distances pouvant aller jusqu’à 16 kilomètres.

Une invitation à rêver, prête à être portée.

La galaxie DLA0817g, surnommée « le disque de Wolfe » en hommage au défunt astronome Arthur M. Wolfe, est la galaxie à disque rotatif la plus éloignée jamais observée. La puissance inégalée d’ALMA a permis de voir cette galaxie tourner à 272 kilomètres par seconde, une vitesse similaire à celle de la Voie lactée. « Tandis que des études antérieures ont suggéré que des galaxies à disque en rotation s’étaient formées très tôt, grâce à l’ALMA, nous avons maintenant des preuves qu’elles se produisent dès 1,5 milliard d’années après le Big Bang », a déclaré Marcel Neeleman, de l’Institut Max Planck d’astronomie de Heidelberg et auteur principal de l’étude.

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Image du disque de Wolfe capturée par l’ALMA, vue lorsque l’univers n’avait que 10% de son âge actuel. Crédits : ALMA (ESO/NAOJ/NRAO), M. Neeleman; NRAO/AUI/NSF, S. Dagnello

Plusieurs simulations de formation de galaxies ont prédit que les galaxies massives, à ce stade de l’évolution du cosmos, se sont développées via de nombreuses fusions de galaxies plus petites et de bouquets de gaz chauds. De ce fait, la plupart des galaxies détectées au début de l’univers apparaissent « désordonnées », comme l’explique Neeleman : « Ces fusions à chaud rendent difficile la formation de disques rotatifs à froid bien ordonnés, comme nous l’observons dans notre univers actuel ».

Ainsi, la découverte du disque de Wolfe est pour le moins surprenante. En effet, dans la plupart des scénarios de formation de galaxies, celles-ci commencent à afficher un disque bien formé environ 6 milliards d’années après le Big Bang. Le fait que les astronomes aient détecté une telle galaxie à disque, alors que l’univers n’avait que 10% de son âge actuel, suggère que sa croissance a impliqué d’autres processus : « Nous pensons que le disque de Wolfe s’est développé principalement grâce à l’accumulation constante de gaz froid », précise J. Xavier Prochaska, de l’Université de Californie à Santa Cruz et co-auteur de l’étude. Pour les experts, reste à déterminer comment une si grande masse de gaz a pu s’assembler tout en maintenant un disque rotatif relativement stable.

Peut-être la première d’une longue série…

Pour en savoir plus sur la formation des étoiles qui constituent le disque de Wolfe, l’équipe a utilisé le Karl G. Jansky Very Large Array (VLA) de la National Science Foundation et le télescope Hubble. Dans les longueurs d’onde radioélectriques, l’ALMA a examiné les mouvements et la masse de la galaxie, tandis que le VLA a mesuré la quantité de masse moléculaire, matière indispensable à la formation des étoiles.

À la lumière UV, Hubble a de son côté observé des étoiles massives. Les résultats obtenus ont impressionné les chercheurs : « Le taux de formation d’étoiles dans le disque de Wolfe est au moins dix fois plus élevé que dans notre propre galaxie ! », précise Prochaska. L’équipe estime qu’il s’agit là de l’une des galaxies à disque les plus productives de l’univers primitif…

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À droite : les observations de l’ALMA (en rouge) ; à gauche : les observations du VLA (en vert) ; les observations du télescope Hubble (en bleu, sur les deux images). L’ALMA a examiné les mouvements et la masse de gaz et de poussière atomiques de la galaxie, le VLA a mesuré la quantité de masse moléculaire, et Hubble a observé des étoiles massives. Crédits : ALMA (ESO/NAOJ/NRAO), M. Neeleman; NRAO/AUI/NSF, S. Dagnello; NASA/ESA Hubble

Le disque de Wolfe a été découvert pour la première fois par l’ALMA en 2017. Neeleman et son équipe ont découvert la galaxie alors qu’ils examinaient la lumière d’un quasar plus éloigné : la lumière du quasar a été absorbée, lors de son passage, via un énorme réservoir d’hydrogène gazeux entourant la galaxie. C’est ce qui a permis de la détecter. Cette technique, basée sur l’absorption de lumière, permet aux astronomes de détecter des galaxies moins brillantes dans l’univers primitif (car les galaxies extrêmement lumineuses y sont plus rares). « Le fait que nous ayons trouvé le disque de Wolfe en utilisant cette méthode nous indique qu’il appartient à la population « normale » de galaxies présentes à une époque précoce », souligne Neeleman.

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Les observations de l’ALMA ayant révélé de manière surprenante que le disque était en rotation, les experts ont pu en conclure que les premières galaxies à disque rotatif ne sont pas aussi rares qu’ils ne le pensaient et qu’il devrait potentiellement y en avoir beaucoup plus. Joe Pesce, directeur du programme qui finance l’ALMA à la National Science Foundation, se réjouit des précieuses données collectées par l’engin : « Cette observation incarne la façon dont notre compréhension de l’univers est améliorée grâce à la sensibilité accrue qu’ALMA apporte à la radioastronomie ».

Depuis son inauguration en 2013, l’ALMA a en effet permis des découvertes spectaculaires : des images de disques protoplanétaires, l’observation de phénomènes tels que les anneaux d’Einstein, ou encore la détection de molécules organiques dans des disques protoplanétaires lointains.

Source : Nature, M. Neeleman et al.

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