Des documents anciens remettent en question la paternité de la découverte de l’Amérique

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| L. Prang & Co., Boston
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Une nouvelle analyse de documents anciens suggère que les marins de Gênes, la ville natale de Christophe Colomb, connaissaient l’Amérique près de 150 ans avant la célèbre découverte du navigateur. En effet, la Cronica universalis, écrite par le frère milanais Galvaneus Flamma en 1345, évoque une « terra que dicitur Marckalada », située à l’ouest du Groenland. Cette terre est reconnaissable comme le Markland mentionné par certaines sources islandaises et identifié par les spécialistes comme étant une partie de la côte atlantique de l’Amérique du Nord.

Galvaneus était un frère dominicain qui vivait à Milan ; il était l’auteur de plusieurs œuvres littéraires en latin, principalement sur des sujets historiques. Le professeur Paolo Chiesa, expert en littérature latine médiévale à l’Université de Milan, a fait cette étonnante découverte en examinant l’un de ses ouvrages, la Cronica universalis, vraisemblablement écrite vers 1339-1345. Cette œuvre, considérée comme l’un des derniers travaux de Galvaneus, visait à détailler l’histoire du monde entier, depuis la « création » jusqu’à l’époque de l’écrivain ; elle est toutefois restée inachevée.

La référence de Galvaneus à l’Amérique, probablement issue de sources orales entendues à Gênes, est la toute première mention du continent américain dans la région méditerranéenne, et constitue la preuve que des récits au sujet des terres situées au-delà du Groenland — dérivées de sources nordiques — circulaient en Italie bien avant 1492. « Nous sommes en présence de la première référence au continent américain, bien que sous une forme embryonnaire, dans la zone méditerranéenne », affirme le professeur.

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Un ouvrage qui s’appuie sur des textes savants et des récits de voyageurs

Via l’analyse et la traduction du document, le professeur Chiesa démontre comment la ville de Gênes aurait servi de « passerelle » aux récits de voyages, et comment Galvaneus semble entendre, de manière informelle, les rumeurs des marins au sujet de terres localisées à l’extrême nord-ouest (qui pouvaient représenter une nouvelle opportunité commerciale) ; le moine aurait également collecté des informations sur le Groenland, particulièrement détaillées pour l’époque. « Ces rumeurs étaient trop vagues pour trouver une cohérence dans les représentations cartographiques ou savantes », déclare le professeur, c’est la raison pour laquelle Marckalada n’a pas été classée comme une nouvelle terre à l’époque.

La Cronica universalis devait être composée de 15 volumes à l’origine, mais le récit s’achève au milieu du quatrième. La mention de Marckalada intervient dans le troisième livre ; le récit est structuré selon la chronologie biblique, que Galvaneus a complétée par l’histoire et la mythologie profanes. Outre le récit chronologique, l’écrivain a intégré dans le troisième livre un long excursus géographique, portant principalement sur des régions exotiques : l’Extrême-Orient, les terres arctiques, les îles océaniennes, l’Afrique. Pour cela, il s’appuie à la fois sur des traités savants et sur des récits de voyageurs.

Chiesa souligne que le moine connaissait les notions scientifiques médiévales sur les zones climatiques : dans son texte, il s’intéresse aux discussions théoriques sur l’habitabilité des terres non tempérées, évoquant à la fois les terres méridionales et septentrionales, afin de démontrer que des gens y vivent également. C’est dans ce contexte qu’il mentionne Marckalada — première mention qui ne provenait pas d’un pays nordique, mais du nord de l’Italie.

Une terre située « plus à l’ouest du Groenland »

« Plus à l’ouest, il y a une autre terre, nommée Marckalada, où vivent des géants ; […] Il y a aussi des arbres verts, des animaux et une grande quantité d’oiseaux. Cependant, aucun marin n’a jamais pu savoir quoi que ce soit avec certitude sur cette terre ou sur ses caractéristiques », traduit Chiesa. Marckalada est donc décrite par Galvaneus comme une terre riche en arbres et habitée de plusieurs espèces animales — des détails en réalité pas si anodins, car les régions du Nord, telles que l’Islande et le Groenland, sont décrites à l’époque comme des terres sombres et stériles ; ces pays sont clairement identifiés dans le texte sous les noms de Yslandia et Grolandia.

Pour le professeur Chiesa, les informations réunies dans Cronica universalis peuvent être considérées comme fiables, car tout au long du document, Galvaneus précise où il a recueilli les histoires orales et appuie ses affirmations sur des éléments tirés de récits (légendaires ou réels) appartenant à des traditions antérieures sur différentes terres, croisés et réaffectés à un endroit précis. « Je ne vois aucune raison de ne pas le croire. Il a longtemps été remarqué que les cartes de navigation du 14e siècle dessinées à Gênes et en Catalogne offrent une représentation géographique du Nord plus avancée, ce qui pourrait être obtenu grâce à des contacts directs avec ces régions », souligne Chiesa.

Le spécialiste pense que les informations concernant le Nord-ouest sont arrivées à Gênes par les routes maritimes vers les îles britanniques et les côtes continentales de la mer du Nord. Bien qu’il n’y ait à ce jour aucune preuve montrant que les marins italiens et catalans ont un jour rejoint l’Islande ou le Groenland à cette époque, il est toutefois probable qu’ils aient acquis des marchandises de cette origine auprès des marchands d’Europe du Nord, avant de les rapporter en région méditerranéenne. L’ouvrage mentionne en effet que « les marins qui fréquentent les mers du Danemark et de la Norvège » (marinarii qui conversantur in mari Datie et Norvegye) rapportent des informations sur les terres qu’ils visitent.

« Les Génois auraient pu rapporter dans leur ville des informations éparses sur ces terres, certaines réelles et d’autres fantaisistes, qu’ils ont entendues dans les ports du nord de la part de marins écossais, britanniques, danois ou norvégiens, avec qui ils faisaient du commerce », conclut Chiesa.

Source : Terrae Incognitae, P. Chiesa

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