Générer de l’électricité grâce à la rotation de la Terre : une idée relancée par une étude intrigante

Une production modeste de 17 microvolts qui interroge la communauté scientifique.

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Une récente expérience suggère qu’il est possible de produire de l’électricité à partir de la rotation de la Terre et de son champ magnétique en utilisant un matériau magnétique spécifique. L’expérience n’a cependant permis de générer que 17 microvolts d’électricité, ce qui a suscité le scepticisme de la part d’autres chercheurs. Les résultats, bien que modestes, justifient une analyse plus poussée.

La question de savoir si la rotation de la Terre et son champ magnétique pourraient permettre de produire de l’électricité est explorée depuis les premières expériences du physicien et chimiste britannique Michael Faraday (connu pour ses travaux dans l’électromagnétisme), en 1832.

Faraday s’intéressait à l’induction électromagnétique, principe fondamental qui inspire aujourd’hui les tentatives de produire de l’électricité à partir de la rotation terrestre. En théorie, le dispositif fonctionnerait de manière similaire à une centrale électrique, notamment en exploitant le passage d’un matériau conducteur dans un champ magnétique pour déplacer les électrons et générer de l’électricité.

Étant donné que la Terre tourne sur elle-même et qu’une partie de son champ magnétique reste statique, un matériau conducteur placé à sa surface pourrait se déplacer à travers certaines parties de ce champ. Cependant, cela ne devrait pas permettre de générer de l’électricité. Étant donné que le champ magnétique terrestre est uniforme, les électrons subissant la force de poussée générée par le déplacement du dispositif se réorganiseraient pour créer une force électrique opposée, ce qui annule au final les effets permettant la génération d’électricité.

Les tentatives de Faraday pour générer de l’électricité par le biais de rotation de la Terre ont d’ailleurs échoué. Cependant, des chercheurs de l’Université de Princeton suggèrent qu’il pourrait être possible d’en produire à l’aide d’un système disposant de conditions topologiques et matérielles spécifiques. Dans le cadre d’une nouvelle étude publiée dans la revue Physical Review Research, l’expérience de l’équipe à cet effet a effectivement permis de générer quelques microvolts d’électricité.

« L’idée peut sembler contre-intuitive et est débattue depuis Faraday », explique Paul Thomas, physicien émérite à l’Université du Wisconsin–Eau Claire, à la revue Nature. Cependant, les expériences de l’équipe de la nouvelle étude semblent, selon lui, avoir été réalisées avec beaucoup de rigueur. « Je les trouve très convaincantes et remarquables », indique-t-il.

Une fraction de la tension générée par un neurone

Présentés à l’occasion de la dernière réunion de l’American Physical Society, à Anaheim, en Californie, les travaux de l’équipe de la nouvelle étude s’appuient sur des calculs complexes démontrant que certains matériaux pourraient permettre de générer de l’électricité à l’aide de la rotation de la Terre. En adoptant une topologie cylindrique creuse, ils permettraient de canaliser le champ magnétique terrestre de sorte à générer une poussée magnétique que la force électrostatique à l’intérieur du dispositif ne pourrait annuler, rendant ainsi possible la génération d’électricité.

Pour étayer leur hypothèse, les chercheurs ont conçu un dispositif cylindrique creux à base d’un matériau magnétique doux composé d’un alliage de manganèse, de zinc et de fer. La génération d’électricité « nécessite l’utilisation d’un matériau magnétique doux dont la topologie satisfait une condition mathématique particulière et dont la composition et l’échelle favorisent la diffusion magnétique, c’est-à-dire un faible nombre de Reynolds magnétique », expliquent-ils dans leur document. Les électrodes ont été orientées à un angle de 57°, c’est-à-dire perpendiculaire au mouvement de rotation de la Terre et à son champ magnétique.

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Configuration expérimentale. Le croquis montre l’orientation de la coque cylindrique en ferrite MnZn, avec électrodes de tension (ou de courant) et thermocouples fixés. © Christopher F. Chyba
et al.

En contrôlant les effets thermoélectriques et les autres effets potentiellement confondants, le dispositif a généré une faible tension de 17 microvolts. La tension obtenue dépendait de son orientation par rapport au champ magnétique terrestre et tombait à zéro lorsque le conducteur était remplacé par un cylindre plein plutôt que creux.

Toutefois, bien que les résultats soient intrigants, ils ne manquent pas de susciter le scepticisme. « Les tensions observées sont si faibles qu’il existe de nombreuses causes parasites potentielles », estime Rinke Wijngaarden, physicien retraité ayant travaillé à l’Université libre d’Amsterdam. L’effet n’a été généré qu’à l’aide d’un contrôle très précis et n’a produit qu’une minuscule tension équivalente à une fraction de celle générée par un neurone. Il est donc difficile de confirmer si d’autres effets environnementaux ne sont pas à l’origine de l’électricité générée.

Davantage de recherches sont donc nécessaires avant de pouvoir confirmer que la tension générée résulte véritablement de la rotation de la Terre. Selon Wijngaarden, l’équipe de l’étude devrait vérifier si le dispositif peut générer la même tension à différentes latitudes du globe. Cette vérification est, selon lui, essentielle pour véritablement étayer l’hypothèse des chercheurs.

Si d’autres groupes parviennent à reproduire les résultats, la prochaine étape consistera à améliorer le dispositif de sorte à générer une quantité d’énergie utile. « Nos équations montrent comment une telle évolution pourrait être réalisée, mais c’est très différent d’une démonstration de sa faisabilité », précise Christopher F. Chyba de l’Université de Princeton, auteur principal de l’étude.

Si les prochains résultats sont probants, le dispositif pourrait potentiellement être déployé à grande échelle, permettant de produire de l’énergie propre et à moindre coût. Il est toutefois important de noter que parce qu’il exploite l’énergie cinétique de la Terre, son déploiement à grande échelle pourrait légèrement ralentir sa vitesse de rotation au fil du temps.

S’il devait satisfaire le besoin total en électricité de la planète (environ 11 000 milliards de watts par an), il ralentirait sa rotation d’environ 7 millisecondes au cours du siècle prochain. Néanmoins, ce taux de ralentissement est comparable à celui causé par des phénomènes naturels, tels que l’attraction gravitationnelle de la Lune.

Source : Physical Review Research

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