Drame chez Amazon : un manque inacceptable de préparation aux alertes de tornades

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Le toit effondré d'un entrepôt d'Amazon après une tornade, à Edwardsville (Illinois), le 12 décembre 2021. | REUTERS/Drone Base
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L’ouest du Kentucky appartient à la tristement célèbre « Tornado Alley », littéralement « l’allée des tornades ». Et le bilan des tornades dévastatrices qui se sont abattues sur cet État (et quelques États voisins) le 10 décembre est lourd : 88 morts. Parmi eux, six employés d’Amazon, décédés dans l’effondrement d’un entrepôt de la société. Il apparaît aujourd’hui qu’aucun employé n’a été averti de l’approche de la tornade.

L’entrepôt en question se situe à Edwardsville, dans l’Illinois, à 300 km au nord de Mayfield, où se trouvait l’épicentre des tornades. Le toit et un mur de la taille d’un terrain de football se sont effondrés ; 45 personnes ont été extraites des décombres, six sont mortes. Certains employés du géant de l’e-commerce déplorent aujourd’hui que le groupe n’ait pas mieux préparé son personnel à ce type de danger. Il semblerait également que les dirigeants aient été avares de commentaires suite à la catastrophe. Ainsi, de nombreuses plaintes ont été déposées sur le forum interne de l’entreprise, rapporte The Intercept.

Il ressort de ces témoignages (tous anonymes) qu’Amazon ne propose jamais aucun exercice d’évacuation à ces employés. Pas de simulation de catastrophes naturelles (tornades, ouragans, etc.), ni aucun exercice d’incendie. Certains employés ont ainsi déclaré n’avoir aucune idée du comportement à adopter en cas d’urgence. Il semblerait que la productivité du groupe demeure la priorité quelles que soient les circonstances et aucun employé n’a reçu l’ordre de rester chez lui pendant les alertes de tornade.

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Un drame qui révèle d’importantes failles

Interrogé par The Intercept sur ce manque de précaution, le groupe n’a fait aucun commentaire. Le magazine d’investigation rapporte par ailleurs que 48 heures après l’événement Amazon aurait chiffré l’ensemble des messages internes (des tickets de support) échangés entre le siège et le site de l’Illinois touché par la tornade ; un employé est toutefois parvenu à prendre des captures d’écran de ces messages avant qu’ils soient inaccessibles. Ils révèlent que les employés sont demeurés dans l’ignorance jusqu’au dernier moment.

« Le service informatique était en train de dépanner les pannes de réseau. […] Ce que la correspondance a montré, c’est qu’au départ, personne ne savait ce qui se passait. De plus en plus de personnes se sont jointes aux tickets pour résoudre les problèmes, pour finalement apprendre par les médias que le bâtiment avait été frappé par une tornade », a déclaré l’employé qui a fourni les captures d’écran. Mais le message le plus révélateur du comportement d’Amazon vis-à-vis de ses employés est sans aucun doute ce SMS envoyé par Larry Virden à sa femme, juste avant de décéder : « Amazon won’t let us leave » (« Amazon ne nous laissera pas partir »).


Le drame a par ailleurs remis sur le devant de la scène l’une des règles (très controversée) imposées par le groupe à ses employés : ces derniers n’ont absolument pas le droit d’avoir un téléphone portable sur leur lieu de travail. Bien que cette politique ait été assouplie pendant la pandémie — de manière à ce que le personnel puisse joindre et être joint par ses proches en cas d’urgence — elle est progressivement rétablie dans tous les sites d’Amazon et les employés craignent aujourd’hui que cette interdiction les prive d’informations vitales et les empêche de joindre les secours en cas de besoin. « Après ces décès, il est hors de question que je compte sur Amazon pour assurer ma sécurité », a déclaré un employé à Bloomberg.

Quand la performance prime sur la sécurité et la santé

Après le drame survenu dans l’Illinois, les employés du groupe exigent désormais de meilleures pratiques de sécurité pour éviter d’autres catastrophes. « Cela fait six ans et demi que je suis ici et je n’ai jamais participé à un exercice de sécurité contre les tornades pendant mon service, et je n’ai pas non plus pris part à un exercice de sécurité contre les incendies depuis environ deux ans », témoigne l’un des employés du centre de traitement des commandes de Jacksonville, dans l’Indiana. Et pour cause : l’organisation de tels exercices nécessiterait de stopper la production pendant le temps imparti…

Interrogé par The Intercept sur ce manque apparent d’exercices de sécurité, un porte-parole d’Amazon, a répondu « qu’une formation aux interventions d’urgence est dispensée aux nouveaux employés et cette formation est renforcée tout au long de l’année ». Mais une ancienne employée, LeeAnn Webster, qui a fait partie du comité de sécurité du centre d’exécution d’Amazon, donne une tout autre version de la réalité, confirmant l’absence d’exercices de sécurité réguliers. Les directives de l’Occupational Safety and Health Administration (OSHA) sont pourtant claires : « les travailleurs doivent être formés et les plans doivent être mis en pratique afin de s’assurer que le personnel sait ce qu’il faut faire en cas de tornade ». L’OSHA a d’ailleurs ouvert une enquête sur cet incident dramatique.

Le manque de pratique d’exercices de sécurité n’est qu’une partie du problème. Il est aujourd’hui avéré que chez Amazon, la production passe avant la sécurité des personnes. Plusieurs employés ont ainsi rapporté que les dirigeants avaient déjà refusé leur demande de congés pour pouvoir rester chez eux en cas de menace météorologique. C’est notamment le cas d’un sous-traitant d’Amazon, qui craignait l’approche de l’ouragan Ida : un responsable lui aurait répondu que « ses performances de vendeur en souffriraient ». Webster souligne également les blessures que les employés s’infligent en voulant suivre absolument la cadence de travail qu’on leur impose — dans le cas contraire, ils sont mal notés et sont susceptibles de perdre leur emploi.

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