En 25 ans, la Grande Barrière de corail a diminué de moitié

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Moins de coraux signifie aussi moins d’habitats pour les poissons. | Andreas Dietzel
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Un examen attentif de la totalité de la Grande Barrière de corail a révélé des pertes considérables par rapport à 1995, à tous les niveaux : la quantité de corail, toutes espèces confondues, a diminué de plus de 50% ! Les experts estiment qu’en l’état actuel, la résilience de cet écosystème est largement compromise.

Cette nouvelle étude a couvert les 2300 kilomètres de la Grande Barrière. Dans chaque zone, quelle que soit la profondeur, le constat est le même : les jeunes coraux, de même que les individus adultes reproducteurs, sont de moins en moins nombreux. Par conséquent, les biologistes sont très pessimistes sur l’avenir de ce récif.

Un récif profondément malmené ces dernières années

En 25 ans, la situation a complètement changé, notamment au niveau des catégories d’individus qui peuplent le récif corallien. Comme l’explique Andreas Dietzel, chercheur au Centre d’excellence ARC pour les études sur les récifs coralliens, et auteur principal de l’étude, « une population de corail dynamique compte des millions de bébés coraux, ainsi que de nombreux adultes, qui produisent la plupart des larves ». Or, ce n’est pas du tout le tableau qui se dessine actuellement.

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Ce sont les coraux les plus gros, donc les plus anciens, qui préoccupent le plus les biologistes marins. La perte de coraux plus âgés pourrait en effet impacter l’ensemble du système récifal : leur présence influe sur la reproduction et les gènes de la prochaine génération, tout en offrant un habitat et de la nourriture aux poissons et autres espèces trouvant refuge dans ce récif.

Les auteurs de l’étude soulignent que le même phénomène s’observe au niveau des forêts : « Le déclin mondial des grands et vieux arbres, par exemple, implique une perte d’habitat essentiel, de nourriture et de stockage de carbone ». La différence est que l’étendue des forêts suscite généralement bien plus d’intérêt et bénéficie par conséquent d’un meilleur suivi que les populations de coraux. Or, comprendre la démographie des coraux permet d’évaluer leur capacité à se reproduire.

Pour combler cette lacune, les chercheurs ont documenté le déclin systématique de l’abondance des coraux dans la Grande barrière de corail, en termes de taille, d’habitats, de secteurs géographiques et de taxons, de 1995 à 2017. Pendant cette période, le récif a connu plusieurs cyclones locaux, quatre événements de blanchiment de masse — en 1998, 2002, 2016 et 2017 — et deux épidémies majeures d’étoiles de mer « couronnes d’épines » — une espèce invasive qui se nourrit presque exclusivement de corail.

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À ce jour, la Grande Barrière a subi cinq épisodes de blanchiment de masse. Le dernier en date a été observé cette année, au mois de février : un quart des récifs coralliens ont été gravement touchés. Crédits : Andreas Dietzel

Un nouvel épisode de blanchiment, particulièrement grave et étendu, s’est produit plus tôt cette année, en février, à la fin de l’été australien. Le phénomène se produit lorsque la température de la mer atteint des valeurs particulièrement élevées, lors des étés très chauds. Environ 25 % des récifs ont été sévèrement touchés ; sur chacun, plus de 60 % des coraux sont devenus blancs.

Un taux de reproduction très affaibli

Pour estimer la taille des colonies, les chercheurs ont utilisé les longueurs d’interception de ligne : un câble a été placé sur le récif pour mesurer la longueur totale des divers organismes. Bien que n’étant pas une mesure directe de la taille des coraux, la méthode permet de mettre en évidence d’éventuels changements dans la taille de la colonie sous-jacente. En outre, la technique est utilisée depuis si longtemps qu’elle représente « une source irremplaçable de données démographiques historiques sur les coraux » selon les auteurs. Les résultats ne sont malheureusement pas très réjouissants.

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Changements observés concernant la taille des colonies des principales espèces. (a) Taille historique (1995/1996) des colonies en rose, vs. taille récente (2016/2017) en bleu, pour chacun des douze taxons considérés, localisés sur la crête (à gauche) et sur les pentes (à droite) des coraux. (b) Changement observé au niveau de l’abondance des petites, moyennes et grandes colonies, par taxon et par habitat (crête/pente). Crédits : A. Dietzel et al.

Les chercheurs ont constaté que l’abondance de corail avait fortement diminué et ce, dans toutes les tailles de colonie et dans pratiquement toutes les espèces. C’est dans les régions du nord et du centre de la Grande Barrière de corail — où s’est produit l’essentiel du blanchiment massif — que les changements ont été les plus prononcés. Les biologistes ont toujours pensé que cet immense récif corallien était plus ou moins protégé d’une extinction massive de par sa taille. Or, leurs dernières observations montrent qu’il n’en est rien, et la Grande Barrière de corail est bel et bien en train de décliner.

Si la perte des grandes colonies est particulièrement inquiétante, c’est parce qu’elle pourrait retarder la reproduction : les coraux plus âgés susceptibles de reconstituer les populations sont en train de disparaître. Or, leur capacité de résilience est mise à mal : « Le potentiel de récupération des coraux féconds plus âgés est incertain étant donné la fréquence et l’intensité croissantes des événements de perturbation », expliquent les chercheurs. Parallèlement, la perte systématique d’individus dans les petites colonies suggère une réduction de la propagation des minuscules larves de corail.

Le problème majeur qui se pose est que les événements extérieurs venant perturber cet immense écosystème (cyclones, blanchiments) se font de plus en plus fréquents, laissant peu de temps aux populations de coraux pour « récupérer ». Or, si nous ne réduisons pas nos émissions de gaz à effets de serre d’ici la fin du siècle, des études montrent que des événements de blanchiment destructeurs pourraient très bien se produire chaque année ! Pour les auteurs, il n’y a donc pas de temps à perdre. « Je pense que si nous pouvons maintenir le réchauffement entre 1,5 et 2 °C [au-dessus des niveaux préindustriels], conformément à l’accord de Paris, alors nous aurons toujours un récif », estime Terry Hughes, co-auteur de l’étude. Un réchauffement de 3 à 4 °C en revanche, pourrait s’avérer fatal pour la Grande Barrière de corail.

Source : Proceedings of the Royal Society B., A. Dietzel et al.

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