Est-il possible de voyager dans un tunnel traversant la Terre de part en part ?

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| Alice Ross
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Dans de nombreux endroits à travers le monde, s’ouvrent des puits naturels, ou artificiels, dont certains affirment qu’ils ne possèdent pas de fond. En réalité, ces tunnels ont ordinairement une profondeur de quelques dizaines à quelques centaines de mètres, mais même les plus profonds ne traversent pas le manteau terrestre. Néanmoins, cela n’interdit pas aux scientifiques d’imaginer des moyens de construire un tunnel qui traverserait effectivement la Terre de part en part.

Pour obtenir un puits réellement sans fond, il faudrait que ce dernier traverse la croûte, le manteau puis les noyaux externe et interne terrestres, tout en se poursuivant de l’autre côté jusqu’à la surface opposée. Statistiquement, il est fort probable qu’en creusant ce tunnel à partir d’une zone continentale, la sortie débouche au fin fond de l’océan.

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Le point de sortie correspondant au trou creusé passant directement à travers le centre de la Terre se nomme le point antipodal. Pour atteindre ce point, de très nombreux défis physiques sont à relever. Dans Voyage au centre de la Terre, l’écrivain français Jules Verne décrit quelques unes de ces difficultés. Au-delà des conditions de température et de pression devenant extrêmes en se rapprochant du centre, l’Homme aurait en outre à faire face à l’intense radioactivité du noyau terrestre ainsi qu’à ses étendues de métaux et roches en fusion.

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Carte de la Terre combinée à une carte des points antipodaux. Ces deux cartes permettent de savoir où émergerait le point de sortie d’un tunnel traversant la Terre. Crédits : CmGlee

Tout d’abord, le tunnel doit être stabilisé et posséder une structure suffisamment solide. Pour ce faire, le graphène s’impose comme un excellent candidat. Le graphène est une forme allotropique cristalline du carbone dont la structure hexagonale le rend plus résistant aux contraintes physiques que le diamant. Agencés sous forme de nanotubes de carbone et refroidis grâce à un liquide ultra-froid comme l’hélium liquide, ces nanotubes seraient capables de résister à la pression brutale exercée au centre de la Terre.

Une fois le tunnel creusé et stabilisé, c’est un voyage de 12’000 km qui attend tout explorateur souhaitant le traverser. Toutefois, sauter dedans à la manière d’un parachutiste n’est définitivement pas une bonne idée. À la surface de la Terre, l’atmosphère se déplace avec la rotation de la planète, à environ 1000 km/h (avec quelques variations selon la latitude). Dans la plupart des situations, ce phénomène ne pose pas de problèmes.

vitesse angulaire vitesse lineaire
Lorsqu’un disque ou une sphère est en rotation, l’ensemble de l’objet a la même vitesse angulaire, mais différentes vitesses linéaires en fonction de la distance à l’axe central de rotation. Ce même effet s’applique à un voyageur traversant la Terre : le différentiel de vitesse le propulserait violemment contre les murs du tunnel. Crédits : PBorys

Mais en s’éloignant de la surface vers l’intérieur de la Terre, un voyageur s’apercevrait qu’il se déplace horizontalement beaucoup trop vite. La Terre entière tourne avec la même vitesse angulaire, mais comme un disque tournant sur une plaque tournante, les parties intérieures ont une vitesse linéaire inférieure à celle des parties extérieures, ce qui signifie qu’une personne tombant à travers la Terre s’écraserait inévitablement sur les bords du puits.

Cette collision avec les murs du tunnel se produirait au terme d’une douzaine de kilomètres seulement, puisque la Terre continue de tourner après le saut, et que son intérieur tourne plus lentement que sa surface. Toutefois, il y a un moyen de contourner ce problème : construire le tunnel le long de l’axe de rotation terrestre, du Pôle Nord jusqu’au Pôle Sud en passant par le centre. Dès lors, les effets de la rotation différentielle sont annulés, ainsi que les forces de Coriolis.

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Construire un tunnel le long de l’axe de rotation terrestre, du pôle Nord au pôle Sud, permet d’annuler les effets des vitesses angulaire et linéaire. Crédits : NASA

Le voyageur peut maintenant sauter dans le puits. Il commence à accélérer et, au bout d’environ 7 secondes, il atteint sa vitesse terminale de chute, comprise entre 220 et 350 km/h selon la position du corps et des membres. Au fur et à mesure de la chute, la force gravitationnelle va diminuer au regard de la distribution extérieure de la majorité de la masse terrestre. Simultanément, la densité de l’air s’intensifie, freinant considérablement la chute.

À cause de la résistance de l’air, le voyageur met entre 20h et 24h pour atteindre le centre de la Terre : une chute d’environ 6400 km. Arrivé au centre de la Terre, la vitesse de déplacement diminue drastiquement aux environs de 50 km/h, dépendant de la densité d’air dans le puits. Quelques minutes après, le voyageur se retrouve gravitationnellement piégé au centre de la planète. Néanmoins, là aussi, il existe une solution permettant de se soustraire à ce piège gravitationnel.

En effet, s’il règne un vide parfait au sein du puits, alors il n’y a plus aucune contribution de la résistance de l’air à la chute, et le seul phénomène affectant la vitesse de chute devient la gravité. Cela implique qu’il n’existe alors plus aucune vitesse terminale, et que le voyageur accélérerait sans discontinuer, jusqu’à atteindre une vitesse maximale de 40’000 km/h au centre de la Terre. Ainsi, un voyage de 24h dans un puits rempli d’air jusqu’au centre de la Terre se transforme en un voyage de seulement 22 minutes dans un puits sous vide.

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S’il règne un vide parfait à l’intérieur du puits, alors un voyageur continuera d’accélérer sans résistance jusqu’à atteindre sa vitesse maximale de chute au niveau du centre de la Terre. Il devra toutefois se prémunir contre les conditions extrêmes qui règnent à ce niveau de profondeur. Crédits : université de Berkeley

Une fois le centre passé, la vitesse diminue progressivement tandis que le voyageur s’éloigne du noyau et traverse les différentes couches extérieures. L’accélération varie également en fonction de la masse totale contenue dans une sphère définie par la distance actuelle du voyageur au centre de la Terre, de même que par la distance elle-même élevée au carré. Le voyage total du pôle Nord au pôle Sud durerait donc environ 45 minutes, et l’aller-retour 90 minutes.

Pour finir, le puits doit comporter un blindage anti-radiation résistant aux hautes températures. Le noyau externe liquide terrestre atteint une température de 4000 °C pour une densité de 10. Le noyau interne solide, quant à lui, atteint une température de 6000 °C et une pression de 350 gigapascals, pour une densité de 13. Tandis que le centre est baigné de rayonnements ionisants (majoritairement alpha) provenant de la désintégration de l’uranium 238, de l’uranium 235, du thorium 232 et du potassium.

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