La viande est aujourd’hui un aliment très controversé, tant et si bien que l’on observe un nombre croissant d’individus basculer vers un régime végétarien ou du moins, flexitarien — qui consiste à ne manger de la viande qu’occasionnellement. Se pose inévitablement la question de l’intérêt de se nourrir de viande. Si l’on met de côté l’aspect purement gustatif, l’être humain est-il aujourd’hui fait pour manger de la viande ou devrait-il naturellement se tourner plutôt vers une alimentation végétale ?
Selon le dernier rapport de la Food and Agriculture Organization of the United Nations, la production mondiale de viande devrait progresser de 2,2% en 2021 et atteindre 346 millions de tonnes. Pour des causes éthiques (bien-être animal) et/ou environnementales (l’élevage étant une source majeure de gaz à effet de serre, de déforestation et de pollution des cours d’eau), de nombreuses personnes ont toutefois fait le choix de réduire leur consommation de viande.
La viande est une excellente source de protéines et de vitamine B12 — une vitamine essentielle au bon fonctionnement du cerveau, du système nerveux et à la formation du sang. Elle est également riche en fer. Par conséquent, il apparaît logique de l’intégrer à notre alimentation. D’ailleurs, certains scientifiques évolutionnistes estiment que manger de la viande aurait donné aux premiers humains les nutriments nécessaires au développement du cerveau et des capacités cognitives. Mais nous bénéficions aujourd’hui de plusieurs autres sources de protéines, alors est-il normal/pertinent pour l’Homme de continuer à se nourrir d’autres animaux ?
Sur le plan nutritionnel, la viande n’est plus un besoin
Il y a 4 à 2 millions d’années, les australopithèques se nourrissaient de végétaux : des racines, des feuilles et des fruits. Ce régime alimentaire s’est peu à peu enrichi d’insectes, d’œufs et de petits animaux (oiseaux et rongeurs) : l’Homo habilis est alors omnivore. Puis, grâce à la chasse, l’Homo erectus mange de plus en plus de viande. L’Homo sapiens est un véritable chasseur-cueilleur ; il se sédentarise, ce qui lui permet d’élever des animaux, et de cultiver des céréales et des légumes. En résumé, l’être humain consomme de la viande depuis des centaines de milliers d’années.
D’un point de vue anatomique, force est de constater que l’Homme moderne n’est pas vraiment doté d’attributs propices à la consommation de viande : si l’on compare notre dentition à celle d’autres mammifères carnivores (lion, tigre, renard, ours, chien, etc.) par exemple, il semblerait qu’il nous manque de longues canines et des molaires bien aiguisées. Nous n’affichons pas davantage les caractéristiques propres aux herbivores : leurs dents sont souvent larges et plates, adaptées au broyage des plantes ; ils possèdent en outre un tube digestif beaucoup plus long, car les fibres qu’ils consomment sont particulièrement difficiles à digérer.
La nature est généralement bien faite et la plupart des espèces disposent d’une dentition et d’un système digestif adapté à leur régime alimentaire ; les nôtres sont apparemment conçus pour une alimentation variée, mêlant matières animales et végétales. Si l’on examine nos plus proches parents, les grands singes, on constate que leur régime alimentaire est composé de noix, de fruits, de feuilles, d’insectes et — seulement occasionnellement — de chair animale. Du point de vue évolutif, nous aurions donc dû adopter une alimentation similaire, principalement végétarienne et occasionnellement enrichie d’un peu de viande.
Certains chercheurs pensent aujourd’hui qu’une plus grosse consommation de viande a contribué au développement cérébral (langage, communication) et moteur (position bipède) de l’Homme. Le cerveau étant l’un des organes les plus coûteux en énergie, l’augmentation de sa taille aurait entraîné une réduction de la taille d’autres organes énergivores, notamment le tube digestif — qui s’avère plus petit que prévu pour un primate de notre taille corporelle.
Quoiqu’il en soit, nous évoluons désormais dans une société complètement différente, qui offre des choix alimentaires bien plus variés qu’à l’époque de nos ancêtres. Et la consommation de viande n’apparaît plus aussi essentielle pour recueillir les nutriments indispensables à la croissance et au développement des êtres humains. Au contraire, il semblerait qu’elle affecte désormais notre corps d’une manière délétère.
Des effets néfastes sur la santé en cas de consommation excessive
Le problème est que certains modes de cuisson et de préparation des viandes peuvent nuire gravement à la santé. Lorsqu’elles sont grillées au barbecue, ou fumées à haute température, de la graisse est libérée et s’égoutte sur les surfaces de cuisson chaudes : cela produit des composés toxiques appelés hydrocarbures aromatiques polycycliques (HAP), qui peuvent s’infiltrer dans la viande ; ces HAP sont des cancérigènes connus. Par ailleurs, les amines aromatiques hétérocycliques (AHA), dont la plupart se sont également révélées cancérigènes, se forment lorsque la viande est chauffée à des températures élevées.
Plusieurs études établissent un lien entre une consommation élevée de viande rouge et le risque de développer une maladie chronique, dont plusieurs types de cancer, notamment le cancer colorectal, de la prostate, du rein et du sein. Ainsi, en 2015, le Centre international de recherche sur le cancer, a classé la consommation de viandes rouges (bœuf, veau, porc, agneau, mouton, cheval et chèvre) comme « probablement cancérogène » pour l’Homme, et celle de viandes transformées (après salaison, maturation, fermentation, etc.) comme « cancérogène ». Au contraire, il a été prouvé qu’un régime végétarien peut favoriser la santé et réduire le risque de maladies chroniques majeures.
À noter également que des cas d’allergies à la viande sont rapportés depuis 2009 aux États-Unis, en Australie et dans plusieurs pays européens. Cette forme émergente d’allergie alimentaire est causée par une molécule, le galactose-alpha-1,3-galactose (ou alpha gal), un glucide présent dans la viande de tous les mammifères, hormis chez les primates.
Des alternatives nombreuses, propices au changement
Un excès de viande représente non seulement un danger pour la santé humaine, mais aussi pour la planète : aujourd’hui, l’élevage intensif est responsable de 14,5% à 16,5% des émissions de gaz à effet de serre — soit plus que les émissions de l’ensemble du secteur du transport international. En outre, « chaque année, plus de 64 milliards d’animaux terrestres et 1000 milliards d’animaux marins sont tués pour notre consommation », a souligné récemment l’association suisse PEA – Pour l’égalité animale, à l’occasion de la journée mondiale du véganisme.
Est-ce que les choses peuvent changer, est-ce que les adeptes de l’entrecôte, du rôti et du gigot sont prêts à se passer de leurs mets favoris ? L’incitation à consommer moins de viande — et de produits d’origine animale en général — et mieux, entre progressivement dans les consciences ; pour preuve, l’arrivée de menus hebdomadaires végétariens dans les cantines scolaires. Une enquête menée par le Réseau Action Climat et Harris Interactive, réalisée en février 2021, a révélé par ailleurs qu’environ la moitié des Français avait réduit leur consommation de viande ces 3 dernières années et que 30% voudraient continuer sur cette voie au cours des 3 prochaines années.
Les autres sources de protéines sont nombreuses : le poisson, les œufs, les légumineuses (lentilles, haricots, pois, soja, etc.), les fruits oléagineux (noix, amandes, noisettes), les céréales, etc. Quant à la vitamine B12, elle est présente dans les crustacés et les mollusques, les poissons gras (sardine, maquereau), et les produits laitiers (fromage, laits, yaourts). La viande n’est donc plus un véritable besoin de nos jours et tout porte à croire que l’être humain gagnerait à restreindre largement sa consommation, surtout en ce qui concerne la viande rouge, tant pour sa propre santé que pour celle de la planète.