Il est possible de terraformer Mars, selon un ex scientifique en chef de la NASA

étude terraformation mars
| Daein Ballard – CC BY-SA 3.0
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James Lauer Green est un planétologue américain qui a travaillé à la NASA pendant une quarantaine d’années. Entre autres fonctions, il a occupé le poste de Directeur de la division des sciences planétaires. Il est désormais temps pour lui de quitter cette agence à laquelle il a consacré tant d’années, non sans laisser derrière lui l’ébauche d’un ambitieux projet : la terraformation de la planète Mars.

La colonisation de la planète Mars est un rêve pour beaucoup. Elon Musk prédit d’ailleurs que l’Homme pourrait y poser le pied « dans cinq ans au plus tôt ». Mais cette planète est particulièrement inhospitalière : son atmosphère, très peu dense, est principalement composée de dioxyde de carbone, d’argon et de diazote ; l’oxygène n’est présent que sous forme de traces. Il y règne une température moyenne de -63 °C et la pression atmosphérique est 160 fois inférieure à celle de la Terre. À cela s’ajoute l’absence d’eau liquide.

Un projet de terraformation de Mars consisterait à modifier les propriétés et le climat de la planète de manière à pouvoir établir une présence humaine à long terme. Ceci repose essentiellement sur la reconstitution d’une atmosphère, qu’il faudrait ensuite réchauffer par effet de serre. James Green a sa propre idée sur les moyens d’y parvenir : au mois de novembre, il proposait d’utiliser un bouclier magnétique géant, placé entre Mars et le Soleil, qui permettrait d’augmenter les niveaux de température et de pression, de manière à ce que les humains puissent évoluer sur la surface martienne sans combinaison spatiale.

Une invitation à rêver, prête à être portée.

Objectif : créer un champ magnétique artificiel

Les détails de cet ambitieux projet viennent d’être publiés dans la revue Acta Astronautica. « La magnétosphère de la Terre aide à protéger la planète des effets stérilisants potentiels des rayons cosmiques et aide également à retenir l’atmosphère », expliquent Green et ses co-auteurs. Un champ magnétique protégeant Mars des vents solaires qui « décapent » son atmosphère, voilà ce qu’il manque actuellement à la planète rouge pour qu’elle puisse un jour accueillir durablement des colonies humaines.

La solution proposée par l’équipe — qui nécessite le moins de puissance et de matériel — consiste à créer un anneau artificiel de particules chargées (semblable à une « ceinture de rayonnement »), autour de la planète, éventuellement formé en éjectant de la matière de l’une des lunes de Mars — à l’instar de ce que l’on observe entre Io et Jupiter : les matériaux volatils de la surface de Io sont ionisés et forment un tore magnétique via lequel Io peut développer un courant intense. Il serait question d’utiliser ici des ondes électromagnétiques et de plasma pour entraîner un courant net dans l’anneau, qui donnerait lieu à un champ magnétique global.

magnétosphère mars
Vue d’artiste de la magnétosphère autour de Mars formée par un champ magnétique dipolaire provenant d’un anneau artificiel ou d’une boucle de courant électrique circulant autour de la planète. Le point approximatif où les pressions s’équilibrent est la distance d’éloignement Rs. © RA Bamford et al.

« C’est faisable. En stoppant le ‘décapage’, la pression augmentera. Mars commencera alors à se terraformer. C’est ce que nous voulons : que la planète participe à ce projet de toutes les manières possibles. Quand la pression augmente, la température augmente », déclare Green au New York Times. Le principal défi technique dans la création d’une magnétosphère martienne n’est pas tant la force du champ magnétique, mais surtout sa taille : il doit englober la planète entière ! Couvrir la totalité de la surface de Mars impliquerait un champ magnétique de 100 nT sur un minimum de 37 millions de km² ; l’énergie totale stockée dans un tel champ magnétique est de l’ordre de 1017 J, précisent les chercheurs — une quantité comparable à la consommation totale d’électricité dans le monde en 2020. Des réacteurs à fusion fonctionnels pourraient être une source d’énergie efficace estime l’équipe.

Une boucle de plasma alimentée par les lunes de Mars

Pour créer un champ magnétique artificiel, plusieurs options sont envisagées : le redémarrage du noyau de fer de la planète, l’utilisation d’aimants permanents à semi-conducteurs en boucle continue ou une série d’aimants discrets, l’utilisation de supraconducteurs à semi-conducteurs ou une boucle de courant de plasma similaire à un tore de plasma entraîné par le courant d’une plasmasphère artificielle.

tore à plasma mars
Le principe d’un tore de plasma avec entraînement par courant, qui produit un champ magnétique. Les particules chargées sont dirigées entre une série de stations spatiales qui guident les particules pour former la boucle de courant. © RA Bamford et al.

Le redémarrage du noyau de fer est toutefois une option qui n’est pas viable ; l’équipe penche plutôt pour l’une des trois autres options et en particulier, l’utilisation d’un tore à plasma, qui lui, ne nécessiterait aucune structure physique aux dimensions de Mars. La boucle de plasma serait chargée via des particules de matière ionisée issue de Phobos ou Déimos.

C’est la première fois qu’une étude scientifique explore de manière quantifiable les moyens de créer un champ magnétique artificiel sur Mars. Mais s’il est techniquement possible d’y parvenir un jour, la terraformation de Mars n’est pas une ambition partagée par l’ensemble de la communauté scientifique. En 2018, Lucianne Walkowicz, astronome au Planétarium Adler et cofondatrice du groupe de défense JustSpace Alliance, déclarait dans Slate qu’étant donné ce que l’Homme a fait de la Terre, il est fort probable que Mars devienne « un cauchemar écologique ». La scientifique demeure en outre sceptique sur la faisabilité réelle du projet, qui selon elle, reste du domaine de la fiction. « Mars ne semble pas disposer des réserves de dioxyde de carbone nécessaires pour gonfler son atmosphère et la réchauffer », soulignait-elle à l’époque.

S’il n’est pas certain que les approches proposées soient un jour mises en pratique, les auteurs de l’étude soulignent que les principes explorés sont également applicables à des objets à plus petite échelle comme des engins spatiaux habités, des stations spatiales ou des bases lunaires, qui bénéficieraient de la création de mini-magnétosphères protectrices.

Source : Acta Astronautica, RA Bamford et al.

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